I Saw Black Cloud est un film interactif en FMV où l'on vous confronte à des choix qui influent sur la suite de l'aventure. Le twist, c'est que ces choix n'ont aucun impact sur le déroulement de l'histoire, et le jeu se contente généralement d'ignorer vos décisions pour avancer dans une direction prédéfinie.
Et c'est très curieux, car contrairement à un visual novel où on ne vous donne quasiment jamais la main, indiquant ainsi que l'aventure sera linéaire, I Saw Black Cloud vous propose constamment des options d'actions ou dialogues qui suggèrent des embranchements, sauf que ces embranchements n'existent pas.
J'ai commencé à avoir des doutes lorsque dans un dialogue, on me donne le choix entre "Yes" et "I guess". Je clique sur "Yes", mon personnage répond "I guess". Je suis prêt à accepter que les deux options mènent à la même réponse, comme dans Assassin's Creed, mais la moindre des choses serait de maquiller subtilement l'embrouille, ou à minima que le jeu ne se foute pas ouvertement de ma gueule.
Un peu plus loin, un personnage me propose quelque chose que je peux accepter ou refuser. Si je refuse, le personnage insiste et mon héroïne accepte aussitôt, ignorant ainsi le choix que je venais de faire. Ce même schéma se reproduira plusieurs fois dans l'aventure, et chaque fois que je sortais des clous, j'ai vu le jeu m'y remettre sans ménagement, et sans même essayer de s'en cacher. C'est vite devenu terriblement casse couilles, pour le dire poliment.
Dans sa dernière partie, le jeu renonce carrément à vous donner une vidéo différente selon votre décision, puisqu'à chaque choix binaire, l'une des deux options mène à un game over immédiat et particulièrement inélégant, et vous ramène quelques secondes en arrière.
Ce n'est qu'en terminant le jeu que j'ai compris ce qui se passait sous le capot : en réalité, vos choix n'ont aucun impact sur l'histoire, et alimentent un système de statistiques qui détermineront la fin à laquelle vous avez accès. Ainsi, aucune de vos décisions n'a d'effet immédiat, mais vous pouvez influencer le dénouement de l'histoire en différé. C'est un système qui me semble inutilement alambiqué et ne me donne aucune envie de relancer le jeu pour débloquer une autre fin, puisque je devrais me retaper exactement la même histoire, sans aucune déviation.
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Ce design discutable est enrobé d'un jeu techniquement faible, avec les vidéos qui se coupent sans cesse. Comme la musique n'est pas gérée séparément, elle saute en permanence dès qu'on nous demande de faire un choix, ce qui s'avère très désagréable à l'usage.
Les acteurs sont moyens, mais l'héroïne est correctement interprétée, pour ce qu'on en voit sous l'épaisse couche de plâtre qui lui sert de maquillage. L'écriture, en revanche, est carrément mauvaise, avec des dialogues médiocres, des thérapeutes qui sortent des énormités, et une absence flagrante de sous-texte. L'image est inégale, avec une majorité de scènes tournées et éclairées comme un sitcom des années 90, et quelques plans nocturnes plus compétents, lors des scènes de flippe.
Et tant qu'on parle de ces scènes, chaque irruption de fantômes est d'un ridicule absolu, avec des jump scare dont le timing est systématiquement aux fraises et des plans trop longs qui n'auraient pas dû dépasser quelques fractions de secondes. A force de vous montrer frontalement des acteurs peinturlurés d'un niveau kermesse de primaire, le jeu ne laisse plus rien à l'imagination et ruine très rapidement tout potentiel horrifique.
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Et puis, d'un coup, vous aurez droit à twist impromptu, qui renverse totalement la narration et relance le jeu dans une direction inattendue et enthousiasmante. Le concept a beau être largement pompé sur un certain film de Lynch (et sûrement d'autres histoires similaires avant lui), je ne l'avais tellement pas vu venir que j'ai quand même apprécié ce brusque volte-face, même si l'exécution est aussi maladroite que la première moitié du jeu (faux choix, cinématographie de bas étage).
C'était trop beau pour continuer : l'épilogue viendra insulter votre intelligence en vous expliquant bien les détails de ce revirement scénaristique, pour les deux teubés au fond qui n'auraient rien compris. Un cas d'école de jeu qui n'a aucune confiance en son audience et préfère l'aliéner que prendre le risque d'être incompris.