Commençons par le positif : It Takes two est généreux. Il propose nombre de gameplays différents et l'on trouve çà et là de très belle trouvailles mécaniques ou artistiques. Mais ces petits bijoux sont noyés dans un jeu frustrant dont je peine à comprendre l'ovation du public et de la critique.
Le premier gros problème tient selon moi dans la philosophie de gameplay du titre. Pour parler à un public le plus large possible, It Takes two prend le parti d'accumuler toutes sortes de gameplay existantes et n'approfondit jamais rien pour épargner à ses consommateurs toute montée en compétences et toute exigence. Shooter, énigme, course, combat, plateforme, rpg... tout y passe. De fait, tout est survolé, rien n'est pleinement approfondi ; et hormis un ou deux niveaux vraiment aboutis, le reste ressemble plus à un enchaînement de démos qu'à un vrai jeu digne de ce nom. Cette cascade de gameplays a pour but de nous maintenir sans cesse éveillés et, comme dans un mauvais film d'action, de ne jamais nous questionner sur le scénario ou la crédibilité de l'intrigue. Car bon sang cette intrigue !
Elle est proprement insupportable. On sent qu'elle a été secondaire dans la conception du jeu, que les développeurs l'ont ajoutée artificiellement sans avoir de propos fort à transmettre. En ressort un discours sur le couple incroyablement maladroit et caricatural. On peine à être en empathie avec les personnages tant ils sont creux et insupportables. Comble du comble : ils n'évoluent pas au gré de leurs aventures mais de façon fortuite à la fin du jeu parce que les développeurs l'ont décidé. J'aurais préféré qu'It Takes two nous épargne cette pseudo romance finissante et nous propose un gameplay moins bigarré, plus construit, à,l'image des niveaux de l'espace et du jardin par exemple.
Car l'idée de base est quand même bonne : un jeu à deux joueurs sur la réconciliation d'un couple. Sur le papier, j'achète, dans la pratique, je rage. Le jeu peine à articuler de manière fluide son gameplay et sa narration et les deux se dévorent l'un l'autre au lieu de se porter et de se mettre en lumière. En ressort une immense frustration à tous les niveaux. Frustration d'une excellente idée avortée, frustration de trouvailles de gameplay à peine découvertes aussitôt sacrifiées, frustration face à des personnages qui passent leur temps à commenter ce qui se passe à l'écran à coup de "Comme c'est beau ! ", "Oh ! Comme je m'amuse ! ", privant ainsi le joueur de ses émotions propres.
It Takes two s'impose comme un exemple du consumérisme vidéoludique : on scroll d'un jeu à l'autre, d'un chapitre à l'autre, sans jamais rien construire, mécaniquement ou émotionnellement. On prive le joueur de tout libre arbitre et on l'arrose d'action, d'effets et de paroles inutiles tout zazimut. Il ne faudrait surtout pas qu'il s'ennuie ! Il ne faudrait surtout pas qu'il réfléchisse. Dans un jeu parlant justement de la fin de l'amour et de la nécessité de communiquer, je vois mal comment l'absence d'introspection et l'action à tout va peut être une bonne idée. La dissonance ludo-narrative nous crache au visage ses contradictions et ruine à la fois la générosité de ses mécaniques de jeu et son histoire qui aurait pu être tellement plus belle et touchante s'il y avait eu du silence, s'il y avait eu du cœur.