Une héroïne attachante mais un jeu qui manque globalement de personnalité

Jeu acheté totalement au hasard sur steam, sur la foi de jolis graphismes, d'un pitch policier, de mon amour pour les point-n'-click...Bref, j'étais quand même dans l'inconnu en commençant (ce qui a son charme).

Mine de rien, le genre nous a offert au fil des années une belle brochette d'héroïnes charismatiques, aidé en cela par le statut souvent indé des productions actuelles (ce Kathy Rain, si je ne me trompe pas, est a priori l’œuvre de quasiment un seul homme, ou alors d'une toute petite équipe). On peut par exemple évoquer les héroïnes de The Longuest journey (je ne l'ai jamais terminé, honte à moi!) ou encore plus récemment de l'incroyable Life is strange. Pour ce qui est plus précisément de ce Kathy Rain qui nous concerne, celui-ci lorgne ouvertement sur deux autres titres: d'une part, l'excellentissime Grey matter (et plus largement vers les œuvres de Jane Jansen - notamment le premier Gabriel Knight qui aura influencé toute une génération de créateurs, et met également en valeur un beau personnage féminin ; j'évoque aussi au passage Erica Reed Cognition, là aussi avec une héroïne, qui n'est certes pas un chef-d’œuvre mais que j'ai critiqué dernièrement) ; d'autre part, l'autre principale référence que l'on ressent vient de la très bonne série Blackwell (dont les 4 premiers épisodes sont extrêmement recommandables, avant de s'écrouler quelque peu malheureusement dans un épisode final relativement raté), que ce soit au niveau du graphisme old school, de son héroïne principal un peu asociale (là encore) et de son pitch dérivant gentiment vers le fantastique.

L'idée n'est pas ici simplement de faire une jolie liste de bons titres, mais aussi d'insister sur ce qui sera ma principale critique de ce Kathy Rain: son manque de personnalité. Au final, on sent que le titre, plus que d'intégrer ces influences, de les digérer pour proposer autre chose, s'est laissé au contraire écraser par le poids de ces glorieux prédécesseurs. Le tout fait malheureusement fade et revu. Le déroulé est d'un classicisme triste (bien entendu, ce défaut sera sans doute atténué pour des gens ayant moins parcouru le genre point-n'-click, mais parviendront-ils jusqu'à ce titre?...pas sûr). Il n'y a aucune véritable proposition de game-play originale (comme on en trouve quasi-systématiquement dans les jeux de Jensen). L'histoire avait un certain potentiel, mais est sans doute mal amenée: le récit se divise en journées, mais les éléments fantastiques et les rebondissements intéressants sont trop regroupés vers la fin du titre, laissant le joueur s'ennuyer gentiment pendant les 2 premiers tiers d'un jeu heureusement court (5-6h). De même, l'idée que l'héroïne fasse des rêves pour le moins étranges est vraiment mal exploitée: plutôt que des cinématiques mystérieuses, pourquoi le créateur n'a-t-il pas tout simplement rendu ces séquences jouables?! (nous sommes dans un jeu après tout!) Cela aurait brisé la linéarité du titre et contribué grandement à le dynamiser, avec une montée du mystère qui aurait été mieux gérée (car encore une fois, tout est concentré dans le tout dernier segment, de loin le plus intéressant et gratifiant, mais qui arrive par définition bien tard).

Concernant les énigmes, celles-ci sont sans grand génie, même si presque toujours logiques et non-bloquantes pour peu que l'on réfléchisse un peu. On s'étonne donc d'autant plus de certaines d'entre elles (peu nombreuses heureusement) qui relèvent un peu de l'erreur de débutant: je pense notamment à une des premières séquences dans le commissariat, où notre héroïne parvient, de façon totalement non-crédible, à visiter les geôles à de multiples reprises sans être importunée par les policiers en poste (!!!). Je n'ai dû user de la "soluce" qu'une fois, pour ce qui est de loin l'énigme la plus corsée du jeu - et malheureusement aussi l'une des plus invraisemblables et capillotractées -, lorsque notre héroïne doit deviner le code d'un coffre-fort...en décryptant un poème et en l'appliquant aux plaques d'un tombeau de famille (re-!!!!).

Je dresse là un portrait je m'en rends compte fort peu élogieux, et l'on pourrait alors se demander pourquoi ma note ne descend pas plus bas. Le jeu a tout de même un certain charme: les décors, bien qu'un peu basiques et peu nombreux, sont corrects, le pixel-art charmant et bien maîtrisé ; les dialogues sont parfois savoureux. Surtout, ce qui m'a le plus plu, j'ai trouvé que la narration parvenait à dépeindre de manière intéressante le passif familial (chargé!) de la famille Rain, donnant in fine à notre héroïne un vrai background et la rendant par ce biais vraiment attachante (son aspect "rebelle" ne sort pas de nulle part); le jeu parvient également à bien retranscrire l'amitié qui lie Kathy à sa coloc chrétienne. Enfin, comme je l'ai indiqué, le tout dernier segment "cauchemardesque" est tout de même intéressant, et conclut le jeu et le récit de façon satisfaisante.

Cela est-il suffisant pour conseiller réellement ce titre? Franchement, il existe tellement de meilleurs titres à disposition, à commencer par tous ceux que j'ai cités plus haut dans cette critique...
Si les aventures de Kathy Rain devaient avoir une continuation à l'avenir, je me laisserais, qui sait, peut-être tenter, car le créateur du jeu a clairement du potentiel pour nous sortir des titres plus aboutis (cf. la série Blackwell qui ne serait certainement pas rentrée dans les annales avec son seul premier épisode...). C'est tout ce que je lui souhaite.