Killer7
7.6
Killer7

Jeu de Grasshopper Manufacture, Goichi Suda et Capcom (2005GameCube)

Best expérience dérangeante ever

Killer 7... Il y a un nombre incalculable de choses à dire sur ce jeu. Une ambiance déroutante et un style graphique très particulier ; l'un des jeux qui a chamboulé ma vie de joueur.


Note : laissez tomber le jeu sur PS2, il est injouable car pensé pour la manette GC.
Note 2 : spoilers divers et variés (le bouton "Spoiler" casse ma mise en page...).



Un casting haut en couleurs (le rouge principalement)



Vous incarnez dans Killer 7 Harman Smith, un tueur ayant 7 personnalités différentes (tous portent le nom de Smith) qui seront autant de personnages jouables. Harman, l'homme qui semble être la "somme" de toutes ces personnalités, ne sera véritablement jouable que pour quelques moments clés du jeu. On reparlera plus loin de ces personnalités et de leur lien avec le gameplay du jeu. Chaque personnalité semble avoir sa volonté propre et sa petite histoire ; ce qui est sûr, c'est que le jeu vous met directement dans la peau d'une sacrée bande de psychopathes.


Votre but premier est d'éliminer Kun Lan, un bad guy à la tête des Heaven Smiles ("Sourires Célestes"), une organisation constituée d'entités surnaturelles, sortes d'humains altérés par une certaine drogue. Mais ils n'ont d'humain que leur sourire, et ne savent que lancer un petite rire sournois dès que vous vous approchez d'eux (ou l'inverse). Ces entités qui seront vos ennemis tout au long du jeu peuvent revêtir un certain nombre de formes différentes (normal, avec armure, volant, invisible, etc...), leur rire changeant suivant cette dernière. Ils ne sont pas armés, mais il leur suffit simplement ... de vous toucher, car ils explosent à votre contact.


Côté casting, le jeu ne s'arrête pas là, puisqu'une multitude de protagonistes, tous plus hallucinants les uns que les autres, se présenteront à vous : la fameuse nurse schizophrène de Harman, un masochiste qui vous donne des conseils de jeu, et surtout les "spectres" des personnes que les Smith ont visiblement tués dans le passé. On croisera tout ce petit monde principalement pendant les missions du jeu, mais aussi pendant les cinématiques entre deux missions ; le tout formant un ensemble relativement cohérent. Pour le reste et sans parler de la fin, le scénario reste assez basique (anti-héros vouloir tuer grand méchant sinon fin du monde) et la progression consiste à enchaîner la demi-douzaine de missions du jeu.



Un gameplay au service de l'ambiance



Parlons maintenant du gameplay, le jeu étant un mixe entre un FPS (fisrt-person shooter) et un TPS (third-person shooter). En effet si vous progressez dans les niveaux avec une vue en caméra de dos (à la troisième personne donc), vous devez passer en vue à la première personne pour pouvoir utiliser votre arme. Petite particularité assez déstabilisante au début, vous avancez sur un "rail" prédéfini, établi sur l'intégralité du niveau et possédant de multiples embranchements qui se coupent et se recoupent. Le jeu peut donc paraître au départ assez linéaire à cause du rail, mais sert en fait un level design plus ou moins intelligent, parfois un peu tortueux avec pas mal de backtracking, parfois direct et sans détour. Certaines séquences laissent alors la part belle à l'exploration et aux énigmes (tout en conservant le stress de tomber sur des ennemis), tandis que d'autres vous obligent à avancer continuellement en tuant ennemis sur ennemis. Les énigmes sont d'ailleurs bien réparties, même si souvent très simples ; et les rencontres avec vos ennemis sont dès le départ assez stressantes et perturbantes.


Stressantes, car à n'importe quel moment du jeu, que vous soyez en train de vous balader ou de résoudre une énigme, les ennemis peuvent apparaître près de vous (généralement ils réapparaissent à l'infini), et leur rire sera le seul élément à votre disposition pour déceler leur présence. Stressantes encore, car la plupart des ennemis sont au départ invisibles ! Il vous faudra "scanner" les alentours pour les situer exactement et surtout déceler leur point faible. Chaque ennemi possède en effet un point faible spécifique (à la jambe, à la tête, sur le torse, etc...) qui vous permettra de l'éliminer en un coup si vous le touchez. Bref, le jeu a tendance à vous faire alterner des phases de jeux à peu près "tranquilles" en extérieur ou dans de grands espaces, et des phases beaucoup plus tendues dans des endroits relativement étroits pouvant contenir toute une ribambelle d'ennemis (rappelons qu'il leur suffit de vous toucher pour exploser, 3 ou 4 explosions et c'est la mort).


Pour terminer sur les mécaniques de gameplay, il faut savoir que celles-ci sont intimement liées aux personnalités que l'on incarne. Deux éléments sont importants : non seulement chaque personnalité vous fera utiliser une arme différente (revolver, uzis, lance grenade, couteaux, etc...), mais chacune possède également son propre gameplay (rapidité, portée d'attaque, temps de rechargement, etc...), ses propres caractéristiques (vie, résistance, dégâts), et ses propres aptitudes ou attaques spéciales. Les différentes aptitudes vous permettent de progresser dans les niveaux et vous obligent donc à changer régulièrement de personnalités, ce qui permet de renouveler intelligemment le gameplay. Enfin, tuer les ennemis vous permet de récolter du sang qui servira à effectuer les attaques spéciales, ainsi qu'à améliorer les caractéristiques de chaque personnalité. D'ailleurs, au début de chaque mission, une certaine personnalité vous est imposée, jusqu'à ce que vous trouviez une "salle de sauvegarde" où vous pouvez activer les autres, afin de pouvoir changer à volonté par la suite.


Killer 7 chamboule donc complètement le monde du FPS, rien que dans son "système" de changement d'arme ! Petite particularité à noter, lorsque vous mourrez, ce n'est pas tout de suite le game over, tant qu'il vous reste Garcian Smith. C'est en effet la seule personnalité pouvant ressusciter les autres, en se rendant sur les lieux de votre "mort" et en ramassant la tête de la personnalité qui vient de mourir (elle est dans un petit sac :p).



Du cel-shading bien dégoulinant



Graphiquement, le jeu est en cel-shading, mais un cel-shading très particulier, perturbant et un peu "sale". Alors certes certaines textures sont un peu pauvres, pour le reste c'est impressionnant pour de la Gamecube (mais le cel-shading possède cette particularité de bien vieillir) ! Au fil des missions, le jeu se pare de très belles cinématiques en dessin-animé, rappelant un peu certains épisodes de Cowboy Bebop. Sinon, on retrouve déjà (avant le futur No More Heroes) quelques éléments graphiques retro important dans l'univers de Suda51, à savoir la carte et les indications à l'écran (santé et "munitions").


Musicalement, Killer 7 introduit des musiques d'ambiances relativement classiques, sauf peut-être pour certains passages un peu plus psychédéliques précédant les combats contre les boss. Mais c'est surtout les effets sonores qui marquent, en particulier les rires des ennemis...


Tout cela participe à l'immersion du joueur. Ce dernier peut être complètement rebuté par cette ambiance, voire dégoûté, opprimé (je suis certain de trouver des personnes qui ne tiennent pas 30 secondes devant l'écran), mais finalement il faut essayer de se prendre au jeu et de se laisser faire.



Une expérience psychologique marquante



Bon, c'est bien joli tout ça, mais finalement ce qui rend l'aventure unique et dérangeante réside bien dans les thématiques abordées et surtout le maintien psychologique qu'exerce le jeu sur le joueur.


Niveau thématique, on l'a déjà dit, c'est du classique conflit bien/mal teinté de réflexions sur la politique et le devenir de l'humanité. Rien de bien transcendant, même si le jeu possède plusieurs degrés de lecture, où chacun y trouvera quelques chose de différent.


Mais tout au long du jeu l'accent est mis sur des scènes d'une rare violence, physique comme psychologique, afin de bien conditionner le joueur. Physique tout d'abord, à l'image de vos propres morts, souvent punitives et très violentes. Le jeu laisse aussi la part belle à quelques scènes de démembrement et à de très nombreuses allusions grivoises et SM (oui oui carrément :p). Psychologique ensuite, car tout d'abord certaines scènes sont assez choquantes la première fois, et que l'ambiance est tellement atypique et oppressante qu'on est constamment entre "bon, à quoi je suis en train de jouer là ?" et "bordel de merde, qu'est-ce qui va bien pouvoir se passer maintenant !". C'est assez difficile à expliquer, Killer 7 arrive à être à la fois incroyablement dérangeant mais aussi diablement attrayant, ce qui fait que l'on n'a pas envie de lâcher la manette, même si au bout d'un moment on a vraiment besoin de faire une pause. Je pense sincèrement qu'il faut déjà être un minimum joueur pour supporter cette ambiance, le jeu n'est de toute façon clairement pas destiné à un public mineur, et même adulte il faut parfois s'accrocher à son fauteuil :p.


Mais encore une fois, Killer 7 ne fait pas les choses à moitié. En l'état, vous enchaînez donc les missions, chacune ayant sa propre ambiance, tout en suivant le scénario et la progression de votre tueur à gage un peu spécial. C'est en effet ce que le jeu veut vous faire croire... je ne spoilerai pas plus le jeu, mais sachez que la fin du jeu opère un virage à 180° et, à condition d'être resté plongé dans l'ambiance du jeu, celle-ci apparaîtra comme complètement ahurissante ; pouvant constituer un sentiment, soit de soulagement incommensurable, soit de foutage de gueule éhonté, soit d'incroyable perplexité (ce qui était mon cas). Cela rappelle beaucoup la trame scénaristique de certains films, comme Fight Club, où là aussi le spectateur est complètement dirigé par le film jusqu'à la fin.



Conclusion



Killer 7 est un jeu unique et exceptionnel, dont le gameplay et la réalisation sont complètement au service de l'expérience de jeu, hallucinante et très psychologique. Il s'agit typiquement du genre de jeu auquel on accroche ou non, où l'on finit par crier au génie ou au contraire par être dégoûté au point de ne plus vouloir allumer la console. Objectivement, le jeu souffre de quelques imprécisions dans les déplacements et de quelques passages vraiment trop injustes (surtout en mode de difficulté supérieure). Pour le reste, tout est laissé à l'appréciation du joueur, le jeu n'ayant finalement que pour seul défaut d'être potentiellement repoussant au bout de 30 secondes de jeu...



Conclusion de la conclusion



A titre personnel (c'est quand même le numéro 2 dans mon Top jeux vidéos :p), Killer 7 a encore aujourd'hui toujours une place aussi importante dans ma ludothèque vidéoludique. Avec le recul, le contexte de l'époque dans laquelle j'y ai joué compte pour beaucoup : étudiant de 17-18 ans, next-gen et graphismes réalistes pas encore là, grosse grosse période cinéphile avec Lynch et Fincher en particulier, etc...


Je ne suis donc certainement pas objectif sur ce jeu, mais tout de même. Aucune personne normalement constituée ne peut rester de marbre face au jeu, et il est impossible de lui donner une note, toutes les notes de 1 à 9 étant valables selon le point de vue. Jouez-donc à ce jeu (sur Gamecube si possible, sur PS2 le jeu a réellement des soucis de maniabilité), car vivre l'expérience devant l'écran est le seul moyen de se faire un avis !

Vash
9
Écrit par

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Créée

le 27 avr. 2015

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Vash

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