Koudelka
6.6
Koudelka

Jeu de Sacnoth et SNK Corporation (1999PlayStation)

Premier projet d’un studio naissant, formé par l’ancien compositeur de Secret of Mana, Koudelka est un jeu typique de l’ère PS1. A un tel point qu’il serait difficile de l’imaginer être sorti sur une autre console. A une époque où le J-RPG et le survival-horror avaient le vent en poupe sur la console de Sony, Hiroki Kikuta, souhaitant échapper à son poste de compositeur chez Squaresoft pour se lancer dans la création de ses propres jeux, entre en partenariat avec SNK et fonde Sacnoth avec d’anciens développeurs de chez Square.
Bien qu’étant un peu oublié aujourd’hui, Koudelka est un projet très ambitieux de fin de vie de la PlayStation, une tentative de créer quelque chose de nouveau avec l’hybridation de deux genres. Squaresoft avait déjà tenté une expérience similaire en 1998 avec Parasite Eve dans un style action-RPG, puis un an plus tard un rapprochement encore plus marqué vers le survival-horror avec Parasite Eve II, que restait-il donc à faire dans cette voie ?


Apparemment, la vision de son créateur prévoyait un jeu très différent de ce qui sortira finalement, à base de combats en temps réel avec des déplacements totalement libres. Malgré la volonté de Kikuta de briser les codes bien établies du J-RPG de l’époque – vers ce qui aurait été un pas dans la bonne direction de l’évolution du medium – suite à quelques disputes au sein de l’équipe, ce sera un système de combats au tour par tour beaucoup plus classique qui sera retenu.
Concrètement, le jeu se déroule en deux phases bien distinctes qui représentent chacune l’un des deux genres dont il est issu. L’exploration se fait dans des décors en 2D précalculée avec des personnages en 3D, tout à fait dans le style d’un Resident Evil et d’un paquet d’autres jeux sur PS1. Enigmes, objets à dénicher, on retrouve les traits typique du jeu d’horreur de l’époque, avec sa dose de "backtracking". Seuls les "tank controls" ne seront pas de la partie, inutiles vu que les combats ne se déroulent pas en temps réel. C’est donc aléatoirement lors des déplacements que le jeu bascule en mode combat à la façon d’un bon vieux Final Fantasy, et que l’aspect J-RPG entre en jeu. Les trois personnages se retrouvent sur une sorte de damier sur lequel ils peuvent agir à chaque tour, dans un gameplay vraiment très classique du genre. On retrouve les inévitables magie et la barre de MP, un système de niveaux et de points de statistiques à distribuer, des armes différentes, etc. Bref, rien de très original, si ce n’est que l’ensemble est mélangé avec l’aspect jeu d’horreur.


Et on touche ici au gros problème du jeu selon moi. Les J-RPG de la PS1 avaient tous pour particularité d’être des jeux longs avec un scénario qui s’étalait sur une cinquantaine d’heures, un vaste univers à explorer, des quêtes annexes et même parfois un end-game qui proposait de gros défis. Dans Koudelka, il n’y a rien de tout cela. Le jeu ne dure que 10-12 heures et est vraiment simple, surtout pour les standards de l’époque. Les personnages montent de niveau à presque chaque combat et à moins de prendre la fuite systématiquement (ce qui irait un peu à l’encontre de l’intérêt du jeu ?) ils deviennent très rapidement surpuissant. De même que le contenu, outre une pléthore d’armes assez variée (destructibles après un nombre d’un d’usage), n’est vraiment pas à la hauteur d’un J-RPG. Le nombre de magie disponible est très limitée (environ 7), et leur évolution, ainsi que celle des compétences d’armes, ne se fait qu’à travers un système de point qui augmentent à chaque utilisation, forçant parfois à utiliser des compétences juste pour augmenter leur niveau. La lenteur de se procédé ne se prête donc pas au rythme global du jeu avec des phases d'explorations ponctuées par une intermittence de boss. Il devient donc assez difficile de savoir comment faire évoluer ses trois personnages en n’ayant que peu de temps disponible pour les expérimentations. Pour peu qu’on veuille s’investir un peu dans le jeu et développer ses personnages correctement en "farmant" un peu ses magies/armes (ce qui représente l’un des attraits du genre...) on se retrouve très vite beaucoup trop puissant à cause du leveling rapide et les boss ne représenteront pour la plupart qu’un défi mineur. Pour ma part, hormis les deux derniers boss, j’ai complètement roulé sur le jeu. Au final, l’ensemble se mélange assez mal et la partie J-RPG se découple très vite de la partie horreur, formant une sorte de jeu hybride assez maladroit dans son exécution.
Les fans de RPG nippon resteront forcément sur leur faim, les fans de survival-horror un peu également car le jeu ne propose aucun vrai moment de flippe. Il faut dire que les rencontres aléatoires sont assez peu efficace pour créer une ambiance horrifique en venant sans cesse couper les phases d'exploration. Parcourir ce vaste monastère/prison reste une expérience assez intéressante, surtout grâce à ces environnements 2D précalculée qui sont vraiment magnifiques et dégage une certaine présence. Par contre, le choix de la position de la caméra est assez douteux et rend parfois les déplacements entre les différents tableaux compliqué. Il n’est pas rare de rater une porte ou un escalier a cause de cela…


Mais heureusement, Koudelka réserve encore quelques surprises. L’équipe a fait un travail de recherche assez poussé, en allant même jusqu’à faire des repérages au Pays de Galles, où se déroule le jeu. En se basant fortement sur le folklore local pour créer l'univers du jeu, Koudelka semble avoir été fait avec une certaine passion de l’auteur pour son sujet. Bien que l’intrigue soit finalement plutôt simple, la mythologie celtique sur laquelle elle se repose offre une fondation solide. Pour nous joueur, cela se ressent à travers une cohérence et une justesse dans le propos du jeu.
L’ensemble du bestiaire est donc inspiré de légendes galloises et est plutôt réussi. Malgré une absence de variété sur la fin du jeu, surtout sur les ennemis de bases. Les boss ont tous un design inspiré dans un style très horrifique, voir un peu parfois body horror. Dommage que le jeu n’essai pas mieux de les intégrer les dans l’histoire et de développer leur lore. Ils ne servent finalement que de gardiens des point de sauvegardes et n’ont que rarement une vraie signification dans l’intrigue du jeu... Si mieux mis en scène et iconisé à la façon justement d’un jeu d’horreur ou même d’un J-RPG, ils auraient vraiment pu devenir mémorable pour certain. Mais malheureusement on a plutôt tendance à les oublier très vite une fois battu, sauf pour une poignée d’entre eux.


A l’inverse, les trois personnages jouables ont bien été travaillé et ont une relation assez particulière qui évoluera tout au long de l’aventure. Dans de nombreuses scènes cinématiques en temps réel, ils passeront beaucoup de temps à se disputer sur de nombreux sujets comme la philosophie ou la religion, parfois même dans des moments assez peu propice... Un peu étrange parfois, mais on ne pourra pas reprocher à Sacnoth d’avoir voulu proposer trois personnalités très différentes, et de les faire interagir autant que possible. On sent vraiment la relation des persos changer au fil du jeu, et ils ont tous leur propre histoire personnel et motivations. D’ailleurs pour renforcer la crédibilité des scènes cinématiques, Koudelka est l’un des premiers jeu à utiliser la motion-capture pour l’animation de ses personnages, qui sont donc d’une fluidité incroyable. Le studio japonais ayant apparemment eu recours à un studio d’effets spéciaux américain pour pouvoir intégrer cette technologie dans leur jeu.


Pour conclure, que retenir donc de Koudelka ?
Un jeu unique, hybride de deux grands genres. Un jeu fait avec passion par un créateur aux accents visionnaires. Une semi-réussite, avec la volonté d’engager le jeu-vidéo vers l’avenir et pourtant encore trop ancrée dans son époque. Un jeu typique de la PS1, dans une sorte de résumé de brouillon.
C’est aussi la première expérimentation d’un jeune studio, qui verra sa consécration quelques années plus tard sur PS2 avec la série Shadow Hearts, en deux volets, qui se déroule dans le même univers que Koudelka. Une série à laquelle je compte bien m’adonner d’ici quelques temps, et sera sans doute l’objet d’une prochaine critique.
A suivre ...

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le 25 avr. 2021

Critique lue 281 fois

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Karadras

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