One Punch Man

Rétrospecfrite : 10/12

Les adaptations de BD franco-belges ont connu un certain déclin lors de la septième génération de consoles. Outre les shovelwares d'Atari sur DS, le seul moyen d'obtenir une adaptation d'un de nos héros fétiches sur consoles HD était d'attendre une adaptation cinématographique. Titeuf, Tous à l'Ouest ou Astérix aux JO ont ainsi eu leur moment de gloire, dans des jeux plus ou moins fidèles au long-métrage du moment.

Tintin, qui avait tapé dans l'oeil de Spielberg depuis un moment, a ainsi profité de la sortie de son blockbuster pour revenir sur le devant de la scène vidéoludique, et tenter une dernière fois de faire oublier ses errances sur consoles 16-bits.

Ubisoft semble être le parfait candidat pour l'adaptation, après avoir bossé sur des jeux adaptés de BD au début des années 2000 puis des jeux adaptés de films dans la seconde moitié de la décennie. Citons l'excellent King Kong de Peter Jackson, le jeu Avatar qui a ses fans, sans oublier bien sûr les ignobles Schtroumpfs de 2011.

Pour l'occasion, c'est Ubisoft Montpellier qui s'y colle, et le jeu sort un mois tout juste avant Rayman Origins. Dans les crédits du jeu, mentionnons deux noms notables : Christophe Héral à la bande-son qui nous gratifie par moment de musiques qui font vraiment penser à Rayman Origins, au point où je me demande si ce ne sont pas des pistes supprimées du jeu puis réutilisées dans cette adaptation ; et Alexandre Gillet qui double Tintin en VF. Aucun acteur du film ne reprend son rôle ici, et il faut avouer que ça fait drôle d'entendre Tintin parler avec la voix de Sonic. Ca ne colle pas trop mal, mais au point où on en était, pourquoi ne pas avoir rappelé le casting de la série animée ? Thierry Wermuth était trop cher ?

Alors qu'on pourrait s'attendre à une adaptation fidèle du film de Spielberg, le jeu décide de concocter sa propre intrigue, mêlant éléments du film (la présence de la Castafiore) et de la BD (les frères Loiseau reprennent leur rôle d'antagonistes), tout en y insérant des éléments nouveaux (un passage sur une île bretonne qui évoque L'Île Noire ou la disparition totale de Sakharine, personnage secondaire de la BD et antagoniste du film). L'écriture n'est pas particulièrement fantastique (comme 90% des aventures du petit reporter, vous me direz), mais ces changements auront le mérite de surprendre les fans du personnage.

Petite tristesse sur un point mineur de l'intrigue, mais Haddock n'est pas du tout alcoolique. C'est un élément important du personnage qui a été perdu, je ne sais pas si ça a été fait pour conserver un PEGI faible (si c'est le cas c'est raté, le jeu est PEGI 12) ou par auto-censure, mais quand on sait que même la série animée, pourtant très prude sur le sujet, avait conservé cet élément pour son adaptation du Crabe aux Pinces d'Or, c'est dommage. Ca aurait pu donner lieu à des séquences hallucinatoires bien marrantes.

Ah, et les personnages payent en francs belges, ça a quand même plus de rigueur que dans le film où ils payent en dollars.

Du coup, manette en main ça dit quoi ?

On est devant un jeu de plate-forme en 2D avec quelques énigmes à résoudre ici et là. De temps en temps, une variation de gameplay intervient, pour éviter qu'un filet de bave ne coule de la bouche du joueur endormi. On a ainsi des phases de course-poursuite en 3D, des batailles au sabre et du pilotage d'avion ou de moto. Etrangement, je suis mort plus souvent dans ces courtes phases que lors des séquences de plate-forme.

Le gros problème du jeu réside dans son level-design vraiment basique et répétitif, Tintin rencontre peu d'obstacles sérieux sur sa route. Les énigmes sont simplistes, les ennemis n'opposent que peu de résistance (beaucoup tombent KO en un coup de poing, balèze le gamin !), les boss sont réutilisés ad nauseam, l'action requiert peu de doigté…

Et même en ce qui concerne l'exploration, c'est vraiment basique. Je ne sais pas si c'est la voix d'Alexandre Gillet qui m'a influencé, mais ça m'a beaucoup fait penser aux Sonic Boom sur 3DS : soit tu vas à droite pour avancer, soit tu tournes à gauche aux rares embranchements et tu trouveras forcément un secret (un crabe aux pinces d'or). C'est rarement plus compliqué que ça, et c'est répété pendant 6 longs niveaux.

Et puis graphiquement, c'est quand même pas terrible pour un jeu HD, au point où je me demande si à la base seule la version Wii était prévue, puis qu'en cours de développement un portage PS3/360 a été vite torché. Quelques éléments me font dire ça : les performances graphiques qui ont près d'une génération de retard donc, certaines séquences où l'on tourne des pages de livres ou l'on fait pivoter des objets qui font très Wii ou jeux smartphones dans l'idée, et l'inclusion de gimmicks au PS Move ou au Kinect selon la console. J'ai joué sur PS3 du coup, mais je serais curieux de voir la tronche du jeu sur Wii, mon petit doigt me dit que peu de concessions ont été faites.

Bon, tout n'est pas à jeter non plus, les ennemis ont des animations assez variées par exemple. Ils peuvent glisser sur une peau de banane, tomber sur un de leurs collègues, rouler en contrebas d'une pente… J'ai été surpris à plusieurs reprises par la diversité des manières de les mettre KO, même si la patate de forain reste l'outil le plus utilisé au cours du jeu.

D'ailleurs j'ai bien rigolé à certains moments en me remémorant les conditions que Moulinsart avaient imposées à Infogrames dans les années 90 : Tintin ne devait pas tuer des gens. En 2011, cette règle est toujours respectée (le reporter ne manie pas d'armes à feu et assomme simplement ses ennemis), mais quand même, il y a des fois où Tintin balance un ennemi dans le vide et où celui-ci s'écrase tête la première 10 mètres plus bas… Ouais non, il est mort là, faut pas me prendre pour un con.

Il y a aussi des moments un peu stupides où Tintin peut voler en s'accrochant à un perroquet quatre fois plus petit que lui… Mouais, allez, on va faire comme si on n'avait rien vu.

On a beaucoup reproché au jeu sa durée de vie assez courte, mais je vais atténuer ce jugement. La campagne principale met en gros quatre heures à se boucler, mais on a aussi des défis annexes (malheureusement assez simples) et surtout un mode multijoueurs qui m'a l'air très robuste, prenant place après l'intrigue principale. Je n'ai pas l'occasion de le tester, mais c'est un ajout qui mérite d'être souligné, Ubisoft aurait pu se contenter de rajouter Haddock jouable dans le mode solo.

D'ailleurs, ce n'est qu'un détail, mais c'est aussi le premier jeu Tintin où Haddock et Milou participent à l'action (même en solo), c'est assez fou d'avoir dû attendre qu'Infogrames lâche la licence pour que cela arrive.

Ce jeu est un peu frustrant en fait. En fouillant ça et là, on voit quelques bonnes idées et on se doute que des fans de la licence ont bossé dessus, mais l'expérience est trop courte et simple pour être mémorable. Et honnêtement j'ai du mal à voir qui était le public-cible, parce qu'un joueur adulte s'ennuiera dessus tandis que le PEGI 12 décourage l'achat auprès des plus jeunes, les seuls qui pourraient vraiment rencontrer des difficultés sur le titre.

De plus, quitte à fournir un scénario qui n'a pas grand chose à voir avec le film de Spielberg, j'aurais bien aimé que le jeu abandonne aussi sa direction artistique que je n'aime guère. Imaginez si on avait eu un plateformer 2D fait sous l'UbiArt Framework, avec des personnages qui semblent issus de la BD ! Vu que Rayman Origins n'était pas encore sorti, j'imagine que c'était un peu trop tôt, et la Paramount ou Spielberg auraient sûrement insisté pour utiliser leur DA de toute façon, mais bon, on peut rêver.

Mine de rien, ce sera la dernière apparition du petit reporter sur consoles pendant 12 ans. Son prochain jeu sort dans 5 jours, l'Histoire jugera si une telle attente était nécessaire.