Life is Strange
7.6
Life is Strange

Jeu de Don't Nod Entertainment et Square Enix (2015PlayStation 4)

Après un Remember Me controversé mais avec des qualités indéniables dans la direction artistique et la musique par Olivier Derivière, leur nouveau jeu était attendu par une communauté grandissante de joueurs. En ce 20 octobre, le dernier épisode de ce jeu d’aventure « à la Telltale » est sorti et il n’a pas déçu, mais pas forcément sur les aspects attendus.


Le joueur s'amusera donc avec des mécaniques de voyage dans le temps mais, tout comme les Memory Remixes de Remember Me, cette mécanique de gameplay - et le scénario - a des défauts. Par contre, les personnages et l'ambiance de cet Oregon fictif marqueront le cœur des amateurs de séries dans le genre « comédie romantique » comme « Angela, 15 ans », « Beverly Hills » ou « Sauvés par le gong ».



Mais commençons par l'histoire



Max Caulfield revient à Arcadia Bay, Oregon, après plusieurs années passées à Seattle, pour étudier la photographie dans l'université Blackwell située dans sa ville natale. Outre les amis qu'elle retrouve et avec qui tout ne se passe pas parfaitement, elle va surtout se retrouver mêler à une histoire fantastique, au sens propre du terme dans laquelle s'entremêlent catastrophes naturelles, enquête policière et renversement de peinture sur la tête !
Malgré tout l'attrait de l'histoire, certains aspects sont cependant décevants.


ATTENTION : le prochain paragraphe spoile des passages des épisodes 1 à 5 :


L’identité du coupable arrive comme un cheveu sur la soupe. Rien, à part l’intuition, ne permettait de le suspecter. De plus, les fameuses catastrophes naturelles sont certes remarquées par les journaux et les habitants mais à la fin, le joueur n'a AUCUNE raison de penser que ce soit plausible, les développeurs de DONTNOD ne donnant finalement aucune explication. Tous les personnages un tant soit peu scientifiques dans le jeu restent cois et ne savent pas les expliquer et donc les scénaristes non plus. Quand le joueur choisit de sacrifier Chloé, elles n'ont jamais lieu et quand on fait le choix de la sauver, la ville est détruite et tout s'arrête sans plus d'explications.


ATTENTION : le prochain paragraphe spoile des passages des épisodes 3 et 4 :


Mais surtout, il est très regrettable que...


... le passage avant la mort du père de Chloé soit si frustrant. Max sauve ce dernier et Chloé se retrouve alors en fauteuil roulant. Mais, non seulement l'histoire ne permet pas d'aller sauver notre amie entre le moment où on sauve son père et celui où elle a son accident mais en plus, on n'a même pas la possibilité de chercher des photos, moyen pour Max de voyager plus loin dans le temps. Il aurait au moins fallu prévoir un prétexte du genre "Depuis la mort de son père, on se refuse à faire des photos car on n'est plus d'humeur". Bref, une situation nous permettant de dire que le développeur a pensé à ce cas de figure car la frustration est grande ! Mais même sans disposer de photo, à la place de Max, tout joueur qui se respecte s’apercevant que voyager dans le temps ne me permet pas de sauver à la fois son amie et son père, aurait récupéré le maximum d’informations sur l’accident de Chloé, serait retourné sauver le paternel pour ensuite rester dans cette timeline, sans voyage dans le temps, afin d’attendre le moment de sauver Chloé.


La logique de ce raisonnement n’est bien sûr pas le but premier de DONTNOD qui souhaitait illustrer l’inéluctabilité d’un certain destin et des conséquences de l’effet Papillon. Cette frustration est finalement une bonne illustration de la capacité qu’ont eu les gens de DONTNOD à faire en sorte que le joueur s’attache aux personnages. Peu de jeux y sont arrivés, on peut citer notamment Heavy Rain qui malgré tous ces défauts à au moins réussi ce point-là.


Toute la partie de l'histoire strictement consacrée à Max est une réussite totale, avec notamment un passage dans le dernier épisode qui parvient à allier contraintes technique et budgétaire (réutilisation totale des assets du jeu) tout en produisant la séquence la plus marquante de tout le jeu en ce qui concerne le développement psychologique des personnages.



L'effet papillon



Bien sûr, qui dit voyage dans le temps dit conséquences et effet papillon.
Dans Life Is Strange, le joueur peut remonter le temps quand il veut sur les dernières minutes dans un premier temps puis, au moyen de photos, explorer un passé plus lointain.


Cela permet de petites actions comme apprendre un détail quand un personnage s'énerve et coupe court à la conversation puis remonter le temps pour s'en faire un ami.
Cela permet aussi, et bien sûr, au joueur de recommencer sans s’embêter avec les points de sauvegarde et la mort, un peu à l’image de Prince of Persia (2008).


Notons d’ailleurs que les choix faits par le joueur sont toujours illustrés en fin d'épisodes par une liste indiquant au joueur ce qu'il a fait et, surtout, ce qu'il a raté ! Cela donne grandement envie de refaire les épisodes afin de voir comment on peut changer le cours des choses. C'est la base d'une histoire sur les voyages dans le temps et ça marche !



Candide, j'écris ton nom



Ce jeu dégage surtout une ambiance mélancolique assez incroyable. Celle-ci est distillée par plusieurs éléments du jeu. Il y a tout d'abord la direction artistique. Ils ont choisi un mélange entre Cel Shading et photoréalisme (bien plus proche du dessin animé quand même) à la fois pour donner un cachet particulier et original au jeu, ce qui fonctionne, mais aussi pour cacher les défauts techniques, évidents, du moteur graphique.


Et ce serait entièrement à leur honneur si la modélisation des personnages n'était pas aussi inexpressive dans les visages ! Pour le coup, il faut vraiment espérer qu'ils vont se concentrer là-dessus pour une éventuelle suite car cet aspect nuit régulièrement au jeu (pensez à ces illustrations d'acteurs inexpressifs). Certes, les sourcils bougent, le regard se disperse et les lèvres sont mouvantes – sans toutefois l’être suffisamment pour une bonne synchronisation labiale). Heureusement que les acteurs sont bons et portent les émotions entièrement sur leurs épaules (enfin, leurs voix, bien entendu !). Mention spéciale à Hannah Telle qui joue Max avec sa voix légèrement grave et un peu rauque et parvient toujours à trouver le ton juste.


Mais l'ambiance, ce n'est pas que l'esthétique, mais aussi la musique (avec une petite playlist). Ici, elle joue un rôle très important pour nous faire partager les états d'esprits de ces adolescents "provinciaux" américains. Avec ses apparitions parfois diégétiques, parfois extra diégétiques et surtout ses compositions souvent à la guitare remplies de mélancolie, on ressent les états d'âme de ces jeunes en pleine recherche d'eux-mêmes. Car plus que la thématique du voyage dans le temps, les développeurs voulaient aborder le passage à l'âge adulte, la recherche de l'être aimé ou encore les questions existentielles qu’ils se posent.


Bien sûr, les références disséminées dans le jeu permettent d'ancrer encore plus Life is Strange en 2013, date... j'allais dire "date à laquelle se déroule le jeu", mais ce n'est pas si simple de par les pouvoirs de Max, je me contenterai donc de dire que c'est la "date à laquelle se déroulent le plus grands nombre de séquences du jeu".


On peut dénombrer, sans ordre particulier :



  • La déclaration d'amour à Final Fantasy: Spirits Within, du même éditeur, qui m'a tant plu.

  • La référence à Twin Peaks

  • La référence à la horde du Contrevent (par Alain Damasio qui bosse avec DONTNOD)

  • Celle à Dr Who

  • L'évidente référence à Groundhog Day dans le Diner à reproduire le même type de scène que dans le film

  • Les références à Back to the Future


et j'en oublie tellement ! Heureusement, d'autres ont fait un travail de folie afin de les répertorier !


Tout ceci est renforcé par les petits moments plus intimistes de Life Is Strange, avec la possibilité de s'asseoir régulièrement sur des bancs ou des chaises afin de contempler le paysage, les protagonistes, la scène,... tout en écoutant les pensées de Max à ce moment-là et ce, dans toutes les situations, même les plus intenses !



Conclusion



Life is Strange est clairement un des meilleurs jeux d’aventure « à la Telltale » de par son ambiance, ses personnages bien construits et attachants, la musique qui accentue l’ambiance mélancolique, la mécanique de voyage dans le temps permettant de tester les embranchements. Rassurez-vous, les développeurs ont prévu des conséquences au-delà de ce qui est possible de tester et vous aurez donc des choix cornéliens à faire !


Ce petit jeu presque sorti de nulle part vous fera replonger en adolescence tout en la fantasmant avec l’un des pouvoirs extrasensoriels les plus populaires malgré une technique un peu à la ramasse rattrapée par le talent des doubleurs. Life is Strange se hisse donc d’emblée dans le haut du panier de ce genre de jeu, au même niveau que la saison 1 de The Walking Dead ou de The Wolf Among Us.



Ligne sur les trophées



Et non, pas de paragraphe entier pour les trophées cette fois-ci puisqu'obtenir le platine est extrêmement simple : il suffit de trouver les 10 endroits par épisode où prendre des photos. C'est souvent simple et parfois plus ardu, avec notamment quelques endroits où il y a des actions à effectuer au préalable. Mais même si vous ne trouvez pas toutes les photos du premier coup, il est très simple de recommencer au chapitre de l'épisode que vous voulez (vous avez même le dénombrement des photos qui vous manque par chapitre) et recommencer dans un mode "Collectionnite" qui ne sauvegarde aucun choix, juste pour chercher les photos.


En fait, c'est un petit paragraphe quand même :o

sseb22

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