Butterfly Effect (sooooooo original)
Je viens de terminer le premier épisode de Life is Strange, le point & click tout récent de Square et Dontnod, et je ne saurais que trop vous le conseiller. C'est assez différent des jeux Telltale, beaucoup plus axé exploration et actions optionnelles, du coup ça rallonge considérablement sa durée de vie potentielle (j'ai mis 3h30 perso, c'est 2h de plus qu'un Telltale) puisqu'on se met à inspecter tous les éléments du jeu (et il y en a énormément), d'une part pour être certain de ne rien manquer (on peut faire l'épisode en allant droit au but et en manquant 95% des trucs à faire), mais aussi parce que c'est délicieusement écrit et qu'on prend plaisir à avoir les petits commentaires de l'héroïne sur chaque chose. Beaucoup de ces actions optionnelles nous renseignent sur l'univers du jeu, sur l'histoire des personnages, leur personnalité, le passé, etc, ce qui rend le jeu vachement substantiel sans que ça soit forcé, un peu à la manière d'un Metroid Prime où le scénario est raconté à travers les scans qu'on fait. On met même une dizaine de minutes juste à lire le journal intime de l'héroïne qui permet dès le départ de s'immiscer dans sa vie, de connaître son histoire, ses ambitions, ses impressions sur ses camarades de classe, etc.
J'ai vu plusieurs personnes reprocher le fait que l'on puisse remonter le temps à tout moment (le concept de base du jeu) parce que ça ferait soit disant perdre le côté stressant des décisions prises sur le vif, et donc amputerait le jeu d'une dimension hautement immersive comme dans Walking Dead. Je suis moyennement d'accord avec cette affirmation. D'une part, ce n'est pas un jeu qui se veut stressant justement, où chaque action peut entraîner la mort et où notre sens moral est mis à rude épreuve, ce n'est pas le but du jeu, c'est plutôt un jeu qui permet de faire des choix éclairés, mais jamais totalement satisfaisants, devant des problèmes souvent mineures où, justement, la frontière entre "bon" et "mauvais" choix est rendue extrêmement floue. D'ailleurs c'est un excellent point pour ce jeu, ce côté "aucune bonne réponse" (non, sérieusement, aucune, d'autant plus que l'héroïne a cette manie, après chaque choix, de nous expliquer les conséquences potentielles de celui-ci, et les avantages de l'autre, semant encore davantage le doute dans nos pauvres esprits, raaaah). Malgré tout le respect que j'ai pour Walking Dead, il faut reconnaître que beaucoup de "choix" relèvent du clash entre choix moral et choix stratégique, ce qui fait qu'on peut facilement s'en tenir à des principes rigides du type "je ne mens jamais" ou "je fais confiance à tout le monde" en acceptant les conséquences pratiques au profit d'avantages moraux. Et on ne parlera pas de Mass Effect et son manichéisme presque révoltant (putain ça fait mal de dire du mal d'une de mes franchises favorites). Non, ici on sait jamais trop quel choix est le plus approprié, ce qui est renforcé par le fait (ou l'impression) que nos décisions soient sans gravité (parce que la vie de gens ne dépend a priori pas de ceux-ci) et donc qu'on a du mal, même en étant paranoïaque, à imaginer les conséquences de nos petites actions. D'ailleurs, même si pour le moment les choix n'ont aucun impact sur le déroulement du premier épisode, on peut tout de même présager qu'ils seront cruciaux par la suite, sachant que le troisième épisode se nommera "Chaos Theory" et que le premier événement où l'on peut influer (obligatoirement) sur le cours des choses met en scène un joli petit papillon, et que la séquence d'ouverture du jeu présente un impressionnant typhon... Si le but est effectivement de parler de la théorie du chaos (donc de l'effet papillon), il semble alors tout à fait justifié de ne faire faire que de petits choix a priori sans importance. Vraiment très hâte de voir comment ça va évoluer.
Bref, à la manière de la Traversée du Temps de Mamoru Hosoda, Life is Strange semble cacher, sous ses allures de chronique estudiantine bien légère, un côté beaucoup plus grave. Il est d'ailleurs extrêmement plaisant de se promener sur un campus simplement pour socialiser, se faire des copains, impressionner les autres étudiants, apprendre à les connaître, ça rend le tout très vivant.
Mon seul reproche ira pour la manière un peu maladroite d'introduire le truc du voyage temporel, qui fait assez expédiée et hasardeuse, mais on s'en fout tellement vu tout le reste...
Ah et dernier mot sur les graphismes : clairement, ce jeu n'a rien d'une prouesse technique, mais bon dieu c'est dingue comment des graphismes a priori modestes peuvent devenir magnifiques entre les mains de gens talentueux. Ça en jette, franchement, et c'est la preuve qu'avec un peu d'imagination, on peut offrir quelque chose qui soit un régal pour les yeux sans besoin qu'on sente le putain de vent souffler de la putain de poussière (oui, je crache à la gueule du débat sur le rendu de Watch Dogs). Et on est loin des gueules inexpressives d'autres jeux (genre Xenoblade Chronicles X ptdr), au contraire le côté "sketchy" est tellement assumé qu'il devient facile ensuite de bien reproduire des expressions faciales et de donner une réelle unité graphique au jeu. C'est d'ailleurs beaucoup plus joli et maîtrisé que chez Telltale (avec Square derrière, y'a sans doute une différence de budget aussi), mais surtout moins buggé. Bref, tu tout bon pour moi.
Un vrai charme, procurez-vous le.