Juliet je t'aime! Juliet je t'aime! A la pension des Mimosas!

Le beat'em all, à l'origine, est un genre conçu pour répondre à une pulsion subite et irrépressible : cogner, tout de suite, maintenant !
Une pulsion est définie par plusieurs caractéristiques desquelles découlent plusieurs règles qu'un bon BTA se doit d'impérativement observer:
- La pulsion fait souffrir tant qu'elle n'est pas assouvie. Il est donc nécessaire que le BTA nous propose de cogner instantanément, et s'affranchisse donc d'un système de combat long et fastidieux à apprivoiser.
- La pulsion s'investit préférentiellement sur un objet très primaire. Le BTA ne doit donc pas nous perdre dans un scénario subtile et alambiqué, il doit permettre de laisser son cerveau de côté.
- La pulsion est éphémère, elle disparaît immédiatement après satisfaction (or rappelons que sa satisfaction doit être immédiate). Par conséquent un BTA doit être conçu pour favoriser des sessions de jeu très courtes.

Pour toutes ces raisons, le BTA est un genre qui, au même titre que le survival-horror, était destiné à mourir avec l'évolution du monde du jeu vidéo.
En effet, difficile aujourd'hui de remplir la première condition à l'ère où la permissivité technique encourage la complexité, l'originalité, la subtilité.
Difficile de remplir la seconde condition à l'heure où les barbus tatoués qui taquinaient la boule de flipper dans les bars disparaissent au profit d'une génération de geeks casaniers qui recherchent l'auto-valorisation intellectuelle dans le décryptage des méandres de la Nouvelle Vague.
Difficile enfin de remplir la troisième condition à l'heure de la sauvegarde automatique tous les 3 mètres instaurant une progression filiforme ininterrompue et offrant toujours la possibilité de découvrir ce qu'il y a « après ». Et puis, gageons qu'il est difficile de lancer une session de jeu pour 5 minutes comme il y a 20 ans à l'ère du support CD qui propose déjà un temps de chargement initial de 10 minutes.

Du coup, on se retrouve aujourd'hui avec des égides du genre incarnées par Bayonetta. Bayonetta c'est beau, ça brille, ça propose un système de combat exigent basé sur une centaine de combos, une mise en scène ultra léchée, etc etc... Ouais, sauf que ça échoue totalement lorsqu'il est question d'offrir des sensations jouissives analogues à celles d'un Double Dragon de génération 8 bits.

Conscient ou non de cela, Lollipop Chainsaw a eu le bon goût de s'inscrire dans une trajectoire diamétralement opposée à celle d'un Bayonetta :
- Une limitation technique patente qui cloisonne les possibilités, mais qui permet cependant une prise en main et une sensation de maîtrise instantanée. Il n'est pas question ici d'espérer des centaines de combos, LC a bien compris que de toutes façons le joueur se limite instinctivement à utiliser les 5 les plus efficaces.
- Un scénario débile à souhait, un cadre ajusté sur les instincts les plus primaires et en vogue dans notre société moderne : sexe, violence, drogue et rock 'n roll (incarnés ici par une héroïne un peu cochonne, une tronçonneuse, des zombies et une bande son foutrique punk/rock/metal).
- Un contenu limité mais judicieusement découpé en chapitres sélectionnables à convenance. Tout l'attrait est de pouvoir, lorsque l'envie s'en fait sentir, consommer juste un niveau pour se défouler en essayant de surenchérir son hi-score.

Dans ces termes, on voit bien que LC se rapproche plus nettement du BTA originel que toutes les grosses productions du genre actuel.
LC est peu ambitieux, mais LC est fun, et c'est tout ce qu'on lui demandait ! On a affaire à un titre totalement déjanté, dynamique et addictif, qui laisse le choix au joueur de l'utiliser selon son envie : soit bourriner sans demander son reste, soit relever des challenges en battant les records des défis sur les niveaux, soit de chercher à compléter sa collection de goodies (sucettes, musiques, combos, biographies,...)

Malgré tout, LC n'entrera pas au panthéon des BTA. La faute à pouvoir réellement assumer de dire totalement « fuck » aux codes aseptisés du next-gen.
Plutôt que 6 longs niveaux, on aurait préféré un découpage en segments plus courts et plus nombreux.
On aurait également aimé davantage de relief dans la progression, des séquences épiques, des boss mémorables. Mais rien n'est plus désormais mémorable à l'ère de la sauvegarde automatique qui offre un respawn à l'endroit même de la mort...
On aurait aimé s'affranchir de quelques lourdeurs externes au casse-caboche : le zombie-baseball (grrrrr), les séquences QTE, des cut-scènes trop fréquentes qui hachent l'action, une surabondance d'ennemis à l'écran qui entachent parfois la lisibilité... bref, les défauts typiques qui nous rappellent que nous sommes en 2012 et que la pureté et l'innocence du BTA à son apogée dans les années 80 est à jamais perdue.

Ainsi même si l'expérience est dans l'ensemble agréable, LC n'a pas suffisamment d'arguments pragmatiques pour inciter à ranger au placard un bon Street of Rage, un Golden Axe, ou un Double Dragon II, qui depuis plus de 20 ans restent toujours les meilleurs armes à disposition pour se défouler.
Syldonix
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le 24 mars 2014

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