Mafia III
5.5
Mafia III

Jeu de Hangar 13, 2K Czech et 2K Games (2016PC)

Pour une version illustrée et mieux mise en page, c'est par ici : https://cinemadepigalle.wordpress.com/2020/05/28/mafia-iii-le-crime-desorganise/


Mafia 3 n’est pas un grand jeu. Il souffre de sacrés défauts qui m’ont fait abandonner à deux reprises en 2018. Pourtant avec la sortie de sa Definitive Edition, j’ai été tenté de le relancer. Cette dernière regroupe tous les dlcs, et si vous aviez eu le jeu de base avec le PS+, cette version est offerte.


Mécaniquement, c’est un titre qui alterne entre phases de conduite tout à fait sympathiques (notamment grâce aux radios à la bande son démentielle), infiltration légère et phases de shoot. Dans les trois cas, c’est assez bien géré pour que le résultat soit satisfaisant. Mention spéciale aux gunfights qui peuvent être assez intense et organiques. Les ennemis ont des animations quand ils sont blessés ou lorsqu’ils agonisent au sol. Quant à nous, on peut mourir en à peine quelques tirs et les objets de soin ne sont pas légions.


Malheureusement, les développeurs de Hangar 13 ont eu du mal à « remplir » leur jeu. Je ne sais pas s’ils avaient des contraintes concernant la durée de vie ou non, toujours est-il que l’aventure est une des plus redondantes de cette génération. Passées les missions d’introduction et hors missions principales, le jeu se découpe en 9 quartiers eux-mêmes découpés en deux dossiers. Chaque dossier doit-être complété en faisant assez de dégâts au sous-chef soit en assassinant des cibles, soit en en interrogeant d’autres, soit en détruisant des caisses de munitions/de drogues/d’alcools. Une fois que le montant est atteint, on peut atteindre le sous-chef et valider le dossier. Lorsque les deux dossiers sont bouclés, c’est seulement là qu’on pourra faire la mission principale du quartier en question.


Il faut donc faire cela 18 fois. C’est toujours exactement la même chose : interroger, détruire, assassiner… Éprouvant, pas tant en termes de gameplay qui de toute façon ne varie pas plus lors des plus grosses missions mais éprouvant en termes de contextualisation. Le titre ne cherche pas à nous faire croire que l’on fait quelque chose de différent, il n’essaye même pas, c’est vraiment « Fais ça, et fais le 18 fois. »


C’est d’autant plus frustrant lorsqu’on réalise que les missions principales hors dossiers à boucler, sont réussies grâce à leurs contextualisations. Elles consistent bien souvent à assassiner un lieutenant ou un allié haut placé de Sal Marcano, pour faire s’effondrer la pyramide. Sauf que les situations sont originales : assassiner notre cible sur un bateau de croisière en train de s’échouer dans le bayou, s’infiltrer dans un gigantesque hôtel sauna, ou se faire passer pour un serveur lors d’une soirée chic. Il n’y a rien que GTA ne nous ai pas déjà fait faire, mais c’est juste assez pour investir un peu plus le joueur.


En fait, Mafia 3 est un jeu avec de la bonne volonté. Ce qui peut passer pour des idées absurdes ou de la flemmardise peut en fait être une intention louable. Revenons à la prise de quartier par exemple. C’est évidemment frustrant d’avoir un titre qui alterne entre missions scénarisées prenantes et petits objectifs similaires et redondants. Sauf qu’après quelques heures, j’ai découvert que chaque quartier avait vraiment sa propre identité visuelle. Ils sont tous différents et distinguables de par leur ambiance, leurs bâtiments, ou les voitures que l’on peut y trouver. Là encore pas de quoi inventer la poudre, mais j’ai le sentiment que les développeurs devaient être fiers de leur map et qu’ils ont voulu nous faire passer un peu de temps dans chacun des quartiers pour qu’on puisse les reconnaître, les identifier. L’exécution est loin d’être réussi mais je peux comprendre l’objectif.


Malheureusement, là encore, il y a une contrepartie. Mafia 3 n’est pas très joli techniquement. S’il a une modélisation exemplaire lors des cinématiques, en jeu c’est une autre paire de manches. Les textures sont baveuses, il y a du clipping à tout va et les éclairages peuvent être franchement étranges. Lorsqu’on voit les magnifiques artworks lors des temps de chargement, ça crée un petit sentiment de frustration. J’imagine que tout ceci est bien plus propre sur PC, mais sur PS4, le jeu n’est pas à la hauteur.


Heureusement, Mafia 3 utilise parfaitement la motion capture pour raconter son histoire. Et quelle histoire… Là encore, celle-ci peut paraître banale. Lincoln Clay soldat pendant la guerre du Vietnam rentre dans sa Nouvelle Orléans, pardon, New Bordeaux, natale pour revoir ses proches. Ceux-ci ont en fait un job à lui proposer : un casse pour le chef Mafieux de la famille Sal Marconi car ils ont des dettes à lui rembourser. Le tout se passe plus ou moins bien, mais alors que nos personnages fêtent leur réussite, ils sont justement assassinés par Sal et son fils.


Seulement, Lincoln survit. Il est secouru par un ami, le prêtre noir de la ville, le père James et un allié qu’il s’est fait pendant la guerre, le légèrement sociopathe John Donovan. Une fois guéri, l’objectif de Lincoln est d’éliminer Sal Marconi et tous ses alliés.


Encore une histoire de vengeance, me direz-vous. Oui, sauf que Mafia 3 est très surprenant dans sa façon d’aborder cette vengeance, déjà concernant Lincoln. Celui-ci n’est pas un Mafieux, c’est un soldat qui a encore ses traumas liés à la guerre. Sa vengeance est une façon de continuer cette guerre, de la ramener chez lui, et de l’appliquer de la même façon.


Mafia 3 nous fait assister à une confrontation de criminels. Les méthodes de Lincoln sont très loin d’être similaires à celles du crime dit organisé. Il agit en plein jour, violemment et compte bien se faire connaître. Il veut laisser une trace, faire peur à ses ennemis en leur montrant sa brutalité. Nos cibles finissent défenestrés du 50ème étage, attachés et éventrés sur une statue ou brûlés sur un bûcher. Il est intéressant de nous faire jouer un personnage dont le but est de faire tomber la Mafia telle qu’elle nous a été présentée dans les deux premiers jeux. L’un des personnages dit même de Lincoln qu’il représente une nouvelle forme de criminels. Un criminel made in America, formé au Vietnam.


Cette violence, comme je le disais on la ressent aussi dans le gameplay, avec ces gunfights intenses. Ça peut être déroutant, parfois même dérangeant, mais j’apprécie grandement le fait qu’il n’y ai pas de dissonance entre ce que le jeu raconte et ce que l’on y fait. Mafia 3 raconte l’histoire de Lincoln Clay, criminel sauvage prêt à tout pour se venger, et c’est exactement ce que le joueur incarne. A noter d’ailleurs que la narration sous forme de flashforwards à base d’interviews accentue cette idée de personnage qui s’inscrit dans l’Histoire des Etats-Unis. Là encore, ça peut sembler déroutant, mais c’est réfléchi et plutôt audacieux comme façon de faire.


L’autre aspect évident de l’aventure, c’est que Lincoln Clay est noir dans une période où la ségrégation est toujours extrêmement présente. C’est sur ce point que sa vendetta personnelle en rejoint une autre, une contre la société. Ainsi à l’instar d’un Django Unchained, Lincoln exerce une vengeance sur l’Histoire américaine en nous faisant éliminer ses pires crapules : trafiquants d’êtres humains, membres du KKK, etc.


Non, Mafia 3 ne raconte pas qu’une banale histoire de revanche. Il ancre son aventure dans l’Histoire des Etats-Unis et dans celle de la saga. Pas besoin d’un quatrième épisode, celui-ci fait aussi office de conclusion. Non seulement parce qu’il fait quelques clins d’œil bien placés au second épisode (en plus de la présence de Vito) mais aussi parce que la symbolique de nous faire incarner l’homme qui va anéantir toute une famille de la Mafia Italo-américaine est forte dans une saga qui s’était donné pour but de la mettre en valeur comme un Scorsese ou un Coppola.


Raté sur plein d’aspects, il l’est. Redondant, il l’est également. Pourtant quand on se laisse prendre au jeu. Quand on accepte de passer outre ce remplissage extrêmement maladroit, Mafia 3 cache en fait un jeu intelligent, intéressant et audacieux. Une œuvre étrange, frustrante mais qui ne laisse pas indifférent.

TruffeMax
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le 31 mai 2020

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