Maverick Bird
6.9
Maverick Bird

Jeu de Terry Cavanagh (2014Navigateur)

J'ai passé ma journée à jouer à Mario Kart. Au moins 5 heures perdues. Normalement je m'oppose par principe à l'idée de "temps perdu" : pour moi il y a toujours quelque chose à tirer de toute expérience, aussi banale soit-elle. Disons que je passe des heures à glander sur mon canapé, ça ne peut être du temps perdu si je ne regrette pas ce que j'ai fait (et je regrette rarement). Alors perdues ? Oui perdues. Restez avec moi, je vous explique en cinq minutes. Quand tu joues à Mario Kart tu peux gagner la coupe d'or à un Grand Prix, mais pour avoir les trois étoiles au Grand Prix en question, il faut que tu aies la première place à chacune des quatre courses. L'un n'assure pas l'autre, vu que le score qui décide de ta médaille se calcule par points cumulatifs. Bref, ce n'est pas très important. Tout ça pour dire que j'ai passé environ 5 heures aujourd'hui à refaire les mêmes courses encore et encore parce que je veux, non, j'ai besoin de voir ces trois petites étoiles s'afficher sur mon écran. Quand je joue à un jeu, j'aime gagner. C'est moi contre la machine et il faut que je prouve la supériorité humaine. C'est l'honneur de l'humanité qui est jeu à chaque partie.

Du coup j'arrête. Je me dis que ça suffit. Trop de défaites, je perds mon temps. Je me dis qu'il faut que je fasse quelque chose de productif, quelque chose qui me fasse sentir une sorte d'accomplissement, de préférence intellectuel histoire de me sentir intelligent après avoir été débile pendant toute une journée. Du coup, après avoir revu un des épisodes de ma série préférée en dégustant mon bol de céréales nocturne, je me dis que je vais écrire une critique. Une critique de ma série préféré, voila qui me fera sentir accompli. Mais je dois affronter la page blanche, et je dois avouer qu'elle m'effraie. Manque d'inspiration, flemme, je ne sais pas.
Cinq minutes plus tard je me retrouve pour des raisons hasardeuses à jouer à Maverick Bird de Terry Cavanagh. J'adore Maverick Bird.

C'est marrant parce qu'il y a quelques jours, je discutais avec l'ami VGM et je lui disais justement que j'ai un mépris fondamental pour tous les jeux qui reposent trop sur un principe d'addiction. En fait je lui avouais ma haine pour cette tendance du procédural dans le jeu vidéo qui fait que tu peux jouer à l'infini. Moi j'aime mes jeux finis. C'est d'autant plus étrange du fait que j'ai un dédain plus ou moins instinctif pour tout ce qui s'apparente à un jeu mobile. Mais j'adore Maverick Bird. Pourquoi ? Laissez moi vous expliquer.

Tout est né avec Flappy Bird, ce jeu qui a suscité tant de haine. C'était nul, je déteste Flappy Bird. Par contre j'adore ce que Flappy Bird a engendré. Quand il a été retiré du marché, le monde s'est retrouvé sans Flappy Bird, le problème c'est que le monde était déjà accro. Du coup sont nés des centaines de clones issus de créateurs divers. Au delà d'un phénomène médiatique passionnant, cet événement a aussi donné naissance à la création de Maverick Bird. Alors oui, peut être que je suis un peu biaisé dans mon appréciation de ce jeu somme toute assez débile par l'amour que je porte à son créateur, n'empêche que j'aime me trouver des raisons. Ce que je me dis, ce que je trouve génial, c'est qu'on s'est retrouvés avec des centaines de clones de Flappy Bird, et dans un marché compétitif il faut savoir se démarquer. En fait Flappy Bird a été un tremplin à créativité. Je me retrouve happé encore et encore par ce jeu stupide, et je finis par me demander pourquoi. Pourquoi ? Est-ce la faute des couleurs vibrantes ? De la musique diablement prenante ? De l'esthétique en général, associée au concept ludique addictif ? Je crois, oui. Venir pour l'esthétique, rester pour l'addiction. Ce que je veux dire c'est que quand Flappy Bird a donné naissance à sa horde d'imitations, il a bien fallu que celles ci se démarquent, se hissent au dessus de la masse d'une manière ou d'une autre, et c'est ce travail de démarcation que je trouve fascinant. Vu que l'on se retrouve avec des copies, le même jeu encore encore et encore mais pourtant issu de créateurs particuliers, l'expérience permet de singulariser différents éléments qui rendent un jeu meilleur que l'autre (et qui pourtant reste conceptuellement le même). Il y a deux manières de voir la créativité, soit on se dit que c'est l'inspiration qui te foudroie quand tu es au plus libre, mais moi je préfère penser que les ressources artistiques viennent lorsque tu es contraint. Il y a besoin d'un cadre posant des limites pour que la créativité émane. Pas d'échappatoire sans prison, en quelque sorte.

Bref, moi je suis une personne que la répétition n'a jamais trop dérangé. J'y ai souvent vu un prétexte à l'amélioration, à pouvoir creuser plus loin. Je me demande souvent ce que ça donnerait si on referait tous ces films ratés en améliorant tout ce qui a pu conduire à l'échec. Ça serait la même matière, mais raffinée. C'est des choses que j'adorerai vivre, mais qui ne se font pas. Heureusement parfois le destin me sourit.

Heureusement il y a Flappy BIrd et ses millions de clones. Heureusement il y a Maverick Bird.
Vagabond
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 18 déc. 2014

Critique lue 259 fois

5 j'aime

1 commentaire

Vagabond

Écrit par

Critique lue 259 fois

5
1

D'autres avis sur Maverick Bird

Maverick Bird
Sandro
9

Critique de Maverick Bird par Sandro

Le dernier Terry Cavanagh m’obsède. Pourtant ce n’est pas un projet d’une importance capitale, ni même commerciale. C’est un fan game. Un fan game d’un jeu que je n’aime pas: Flappy Bird. Pour les...

le 27 févr. 2014

3 j'aime

Du même critique

Bloodborne
Vagabond
10

Le jeu qui n'était pas un Souls

J’ai deux jeux dans ma ludothèque PS4. C’est un peu pauvre. Deux jeux traditionnels du moins, des grandes aventures épiques qui viennent dans des petites boîtes bleues. Du coup, parfois j’y joue,...

le 17 mars 2016

45 j'aime

13

Breaking Bad
Vagabond
10

Déterminisme

Breaking Bad. Je m'obstine vainement à essayer de m'atteler à mon principe de "ne mettre qu'un seul 10 par univers" (loi que j'ai déjà brisé quelque fois), mais force est de constater que je ne peux...

le 14 mars 2014

36 j'aime

13

Alice : Retour au pays de la folie
Vagabond
9

Eye Candy

Les miracles existent ! Il arrive que la foi soit récompensée ! L'argent ne fait pas (entièrement) tourner le monde ! Je crois que tout le monde a été surpris en apprenant que American McGee's Alice...

le 19 juil. 2011

25 j'aime

26