Metal Gear Solid
8.5
Metal Gear Solid

Jeu de Konami (1998PlayStation)

Injouable aujourd’hui, pétri de défauts, mais c’est un fait : MGS a marqué l’Histoire

Aujourd’hui, en 2019, le monde est divisé en trois catégories de personnes. Il y a d’abord ceux qui ont joué à « Metal Gear Solid » à l’époque de sa sortie – c’est-à-dire à la fin du siècle dernier – et qui en ont conservé une image de chef d’œuvre, de révolution, de jeu qui déboite. (Et si vous ne me croyez pas, allez voir le top PS1 de Senscritique.) Il y a ensuite ceux qui n’ont pas joué à « Metal Gear Solid », soit parce qu’ils n’étaient pas nés, soit parce qu’ils n’avaient pas de PS1, et qui – dans le doute – font confiance aux dires de ceux que je citais précédemment. Et puis enfin, il y a ceux qui ont voulu se risquer à jouer récemment à « Metal Gear Solid », qui l’ont trouvé absolument merdissimal, mais qui n’en disent rien de peur de passer pour des incultes incapables de se remettre dans le contexte de l’époque.


Vous ne me croyez pas quand j’affirme que ce jeu est une purge à jouer aujourd’hui ? Alors – allez-y – trouvez-vous une PS1 d’occasion et allez y jouer à ce « Metal Gear Solid » premier du nom ! Vous allez m’en dire des nouvelles ! Avatar rigide. Déplacements souvent confus et approximatifs. Système de tir totalement aux fraises. Vue zénithale qui ne nous permet même pas de voir le bout du couloir où on se trouve ! Ce titre est une vraie PLAIE à jouer ! Combien de fois me suis-je fait repérer bêtement à cause d’un gameplay à l’ouest ! Combien de fois me suis-je retrouvé à tirer dans le vide sur des soldats qui étaient à deux mètres de moi mais qui n’apparaissaient pas à l’écran ! Combien de fois ai-je été bloqué par une énigme totalement tordue ! Alors oui, je pense que si on veut parler convenablement de ce jeu qui a fait d’Hideo Kojima une vraie star du jeu vidéo, il va d’abord falloir crever le fantasme que beaucoup se sont construit autour de ce titre.


Alors faisons ça vite mais faisons ça bien, histoire d’abréger les souffrances de ceux qui vouent un culte à ce jeu. Oui, « Metal Gear Solid » est un jeu vraiment injouable aujourd’hui. A l’époque on a été très conciliants avec lui parce qu’on était tous émerveillés par la nouveauté de sa mise en scène, mais de nos jours, plus personne ne pourrait supporter un tel supplice. Oui, « Metal Gear Solid » est aussi un jeu au scénario stupide. Toutes les caricatures du film d’action américain sont là avec, en prime, tous les effets de manche des séries pour ados mal écrites : des mécas aux armées de clones, des menaces nucléaires aux complots qui touchent jusqu’au président des Etats-Unis lui-même (mouhahaha !). Ajoutons à cela des personnages mal développés, des dialogues à base de longs tunnels d’explication, des situations où l’intrigue relègue trop souvent le joueur au rang de simple spectateur, et enfin une esthétique douteuse à base de bouillie de pixels. Voilà : une fois qu’on a dit ça, on a posé les bases de ce qu’était VRAIMENT « Metal Gear Solid ».


Mais bon… Je m’acharne vilement sur ce jeu depuis trois paragraphes alors qu’en fin de compte – et je suppose que cela n’aura échappé à personne – je lui ai mis la note plutôt convenable de 6/10. C’est donc que, derrière toute l’aigreur que je viens de décharger sur ce jeu, je lui reconnais malgré tout des qualités suffisantes pour que tous ces défauts passent presque sous le tapis. Et effectivement, c’est le cas.


D’abord, il me semble bon de préciser une chose : « Metal Gear Solid » je l’ai découvert dans son jus, chez un pote, en 1998. Et puis je me le suis procuré pour me le faire en intégralité quelques années plus tard, en 2002. Je ne vais donc pas jouer au blasé de service ; celui qui n’a pas su être sensible à l’impact qu’a eu ce titre à son époque. Car c’est un fait – et ça on ne pourra pas jamais lui retirer – ce « Metal Gear Solid » a été un véritable précurseur dans le domaine du jeu vidéo, et son impact s’est senti dans la production mondiale pendant très longtemps. Il s’agit bien là d’une œuvre phare qui a posé des bases fondamentales du média, tout en sachant cultiver une singularité qui peut encore le rendre charmant aujourd’hui.


Premier apport fondamental : la mise en scène. « Metal Gear Solid » est, avec « Resident Evil » sorti la même année, le jeu qui a opéré un énorme pas en direction de la narration cinématographique. Même si je ne suis pas totalement fan de cette logique qui consiste à emprunter à un autre média des codes sans vraiment parvenir à les adapter à ses spécificités, il faut avouer que ça a contribué à faire franchir un cap au jeu vidéo. Et même si j’insiste en rappelant que l’histoire de « Metal Gear Solid » est vraiment en carton, à l’époque ça faisait son effet parce qu’on s’impliquait vraiment dedans via les phases de jeu.


A ce sujet d’ailleurs, « MGS » avait fait des choix forts que je trouve, avec le recul, très pertinents. Le premier tient au fait que les cinématiques étaient faites avec le même moteur physique que le jeu. Aujourd’hui c’est une évidence de faire ainsi mais à l’époque c’était sacrément culotté d’utiliser cette bouillie de pixels pour faire de la mise en scène cinématographique. D’ailleurs, la plupart des autres titres de l’époque préféraient intégrer des cinématiques plus sophistiquées afin d’obtenir un rendu meilleur. Cependant, le problème avec cette stratégie c’était que la transition entre la cinématique et le jeu n’en devenait que plus rude en termes d’immersion. En plus cela pouvait générer des temps de chargement assez pénibles, surtout pour ce qui relevait du rythme. Autant dire qu’avec le recul ce choix qu’a opéré Kojima n’en est que d’autant plus pertinent.


Second choix formel gagnant : la gestion extraordinaire de la bande sonore. PS1 oblige, on rentrait dans l’ère de ces jeux qui pouvait contenir de vraies musiques et de vrais dialogues. Pour ce « Metal Gear Solid », Kojima ne s’est donc pas privé pour en user avec un résultat que je trouve diablement pertinent. Entendre des commentaires des ennemis pendant les combats – voire même entendre l’intrigue se dévoiler en même temps qu’une phase de jeu – ça permettait de densifier la narration et de lui donner une tout autre dimension. Mais bon, la vraie grosse force de ce jeu, c’est surtout sa bande-originale – totalement dans l’esprit des films du même genre – qui est un véritable atoût pour imposer l’atmosphère du jeu au joueur. Encore écoutable aujourd’hui, bien que légèrement cheap, il n’est d’ailleurs pas rare que je me la réécoute histoire de me rappeler les grands moments de jeu que j’ai rencontré avec ce titre.


Parce qu’oui, malgré tout ce que j’ai pu en dire, il y a quand-même de vrais bons moments de jeu dans ce « Metal Gear Solid » premier du nom. D’abord, rappelons quand même que l’idée même de jeu d’infiltration est née – ou plutôt s’est considérablement développée – avec cet opus. A cette époque, concevoir qu’on puisse résoudre un problème de plusieurs façons, soit en tentant l’approche furtive ou l’approche musclée, c’était vraiment quelque chose d’assez révolutionnaire. Et le gameplay douteux aidant, on n’était jamais à l’abri de devoir improviser, même dans les situations rabâchées et connues. A ce jeu là, « Metal Gear Solid » savait être malin, en pensant bien son level design (et cela malgré des problèmes de caméra récurrents et totalement imbuvables), mais surtout en sachant l’agrémenter d’autres phases de jeu assez variées, notamment des phases de tirs au sniper, à la roquette téléguidée, voire carrément des séances de bourrinage de boutons à la track-and-field.


Et puis, on ne pourra pas retirer à l’ami Kojima le fait d’avoir été l’un des premiers à briser le quatrième mur dans le monde du jeu vidéo. Parce qu’en effet, quand j’évoquais tout à l’heure les énigmes tordues de ce jeu, il y en avait quand même une qui consistait à...


...débrancher sa manette de son port 1 pour la brancher sur le port 2 afin que l’ennemi ne puisse pas anticiper nos attaques !


Alors oui, c’est drôle, c’est malin mais… WOH ! Franchement ! Qui l’a trouvée tout seul cette solution là ?! Hein ?!


Mais bon, l’un dans l’autre, il faut avouer qu’à l’époque « Metal Gear Solid » a su se poser comme un événement. Et même si déjà en 1998 je pestais contre son gameplay approximatif et son scénario foireux, j’avoue que je m’étais malgré tout laissé séduire comme tout le monde. Et d’ailleurs, quand j’y ai rejoué au milieu des années 2010, c’est même ce charme désuet qui m’a fait passer la pilule de ce gameplay redoutable. Et pour le coup, je me permets de lancer un gros big-up aux doublages français. A l’époque tout le monde pestait contre eux, les jugeant bien trop caricaturaux, ce qui renforçait l’aspect série B de l’intrigue. Moi, déjà à ce moment là, j’avoue que je les aimais plutôt bien, et cela justement parce que je les trouvais vachement cohérents avec l’œuvre, voire même je trouvais que ça donnait une dimension « second degré » plus qu’appréciable. Eh bah je vous le dis – au milieu des années 2010 – quand on se retrouve confronté à un jeu aux graphismes et à l’écriture aussi datés, cette dimension « second degré » c’est la petite sauce onctueuse qui permet de faire passer la semelle de steak.


Alors oui, l’un dans l’autre, même si ce « Metal Gear Solid » est un jeu pétri de défauts, aujourd’hui totalement inaccessible pour les nouvelles générations, il n’en reste pas moins un jeu racé, qui a son charme, et qui a su garder avec lui une empreinte forte que tout joueur des années 1990 saura sûrement apprécier. A défaut d’être une référence rejouable instantanément comme pourrait l’être un bon vieux « Mario » ou « Street Fighter », au moins « Metal Gear Solid » peut-il se vanter d’être un jeu qui a marqué l’histoire et les esprits. Et rien que ça, ce n’est quand-même vraiment pas rien. Donc respect à lui, à Konami, et au maître Kojima…

Créée

le 23 août 2019

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