Si comme moi, vous accordez une bonne place au scénario dans la saga, et que vous vous attendiez à de nombreuses révélations sur un Big Boss aux portes de la folie suite à la trahison de Zero, et sur comment il devint un agent multiple Ocelot-like en regagnant sa confiance tout en se construisant en parallèle sa forteresse privée, vous allez au devant de nombreuses déconvenues. Vous imaginiez sans doute dans ce Phantom Pain suivre une histoire complète sur plus de 10 ans (1984 – 1995), dans laquelle on rencontrerait nos futurs hommes de confiance (Gray Fox, puis les Shotmaker, Fire Trooper, Dirty Duck… voire déjà quelques "Dogs of war"), et pourquoi pas en les affrontant dans des combats de boss épiques rendant hommage à toute la série… Vous n'aurez cependant qu'un timide saut dans le temps lors de l'épilogue, après une pseudo-révélation sur cet ersatz du "One-Eyed Man".


J'ai le regret de vous annoncer qu'à la place de tout cela, vous découvrirez une symbolique foireuse avec une "corne-éclat d'obus", un quatrième mur défoncé à l'arme atomique, un virus linguistique mortel (complètement con, sachant que le langage est tout sauf figé ; il n'y a qu'à voir la réforme pourrie qu'on va subir en France), un Metal Gear on ne peut plus anachronique (coucou le TX-55), un Ocelot effacé, une pleureuse en kit, un petit merdeux sur lequel un "time paradox" est mille fois tentant, une bombe a(na)tomique muette faisant l'objet de la romance la plus nunuche de l'Histoire du jeu vidéal, une escouade de boss encore plus inintéressante et impersonnelle que les B&B Corps (qui elles, au moins, avaient des noms), ou encore deux grands brûlés inutiles, dont l'un est supposé mort depuis 20 ans… Bref, un alléchant programme.


Le pire, c'est que la scénarisation est aussi foireuse que le scénario, un comble pour un Metal Gear. Voici le déroulement d'une mission typique : un bref topo de quelques phrases sur l'objectif pendant la balade en hélico, une/des cible(s) à détruire/tuer/sauver, un retour à la mother base… PUIS les explications, par le biais de fantastiques (irony inside of course) cassettes audio !! Comment ? Non, non, je parle bien des missions principales, qui peinent souvent à se différencier des quêtes annexes. À ce propos, le jeu est divisé en deux grandes parties, mais visiblement Kojima manquait tellement d'idées que passé le chapitre 30, la moitié des missions restantes sont des resucées d'anciens chapitres en "mode Défi"…alors qu'à la fin l'histoire n'est même pas terminée, et que tant de questions sont encore sans réponses !!


Allez, je suis médisant, il y a DEUX évènements bien trouvés et plutôt bien mis en scène, qui curieusement partagent un facteur commun : on y perdra inévitablement quelques hommes… Par contre, si vous attendez de Phantom Pain une vraie réflexion sur les enfants soldats, le rôle des milices et les horreurs de la guerre en général, passez votre chemin, tout y est plus ou moins survolé…


Parlons maintenant des graphismes. Le jeu est dans sa globalité vraiment très réussi, même si ça manque d'un brin de diversité (malgré l'immensité de l'aire de jeu). Mais grâce à Konami, je sais enfin que l'Afrique Subsaharienne est aussi plate et faiblement boisée que le Benelux…salauds de profs, tous des menteurs !! L'Afghanistan s'en sort un peu mieux avec sa topologie plus accidentée, pas toujours facile à arpenter (notamment à cause de hits box parfois moyennes, mais bon, c'est le lot de tous les open worlds). On y apprécie particulièrement la retranscription réussie des tempêtes de sable, qui sont tout autant magnifiques que d'un intérêt stratégique indéniable. En revanche, on mettra un bémol sur les bases ennemies au level design pas toujours très inspiré, qui atteint rarement l'excellence du camp Oméga. Et là encore, l'Afghanistan s'en sort mieux que l'Angola.


Niveau gameplay, on a un mix entre Ground Zeroes et Peace Walker, Phantom Pain prenant le meilleur des deux. Les commandes se révèlent complètes et intuitives, si bien qu'il n'a jamais été aussi aisé de prendre un ennemi à revers, de le menacer ou de l'éliminer, que dans cet épisode. Certains critiqueront les buddies, parfois trop efficaces, rendant le jeu encore plus facile qu'il ne l'est déjà… C'est en un sens aussi mon avis, mais je suis trop attaché à DD pour le laisser sur la touche, le trip guerrier solitaire + compagnon à quatre pattes ayant vraisemblablement particulièrement bien marché sur moi. Et puis lui, au moins, est utile en toute situation…


Après, tout n'est pas parfait. Par exemple, malgré une nuit moins noire qu'on aurait pu l'espérer, les ennemis ont vraiment un champ de vision réduit (environ 40 m), qui s'améliore à peine en journée (70/80 m). On peut aussi regretter que la méthode bourrine (en dernier recours) soit aussi efficace : je veux bien que le jeu cherche à s'ouvrir à différents publics, mais pourquoi ne pas l'avoir joué à l'ancienne, en proposant ces bons vieux niveaux de difficulté ajustables ?


Enfin, il y a la partie gestion, très loin d'être optimale. Déjà, la Mother Base est personnalisable à minima : changer la couleur des murs, point. Il est clair que si on m'avait laissé plus de liberté dans sa conception, elle n'aurait pas du tout ressemblé à ce résultat. Mais ce qui (me) gonfle le plus, c'est la mécanique free-to-playesque quand on veut l'améliorer : plus on bâtit de plateformes, plus leur temps de construction et leur coût augmentent...alors qu'elles se ressemblent toutes comme des gouttes d'eau !! (notez que ce principe vaut également pour l'évolution des armes…). Déjà qu'obtenir les ressources nécessaires est souvent fastidieux, notamment les réserves de carburant… On peut écourter ce temps grâce à des jetons MB, mais qui malheureusement ne s'acquièrent principalement que contre de l'argent bien réel…


Pour achever le tout, vient la goutte de vase qui fait déborder l'eau : la base FOB. Ce n'est ni plus ni moins qu'une putain d'incursion multi (foutue mode du tout connecté) dans notre aventure solo. En plus d'intervenir au plus mauvais moment du scénario (lorsque nombre de nos hommes périront de cette bien étrange maladie…), le jeu nous oblige à nous en occuper en priorité, puisqu'il nous force à fractionner nos ressources, à hauteur de 90% sur la FOB, contre donc seulement 10% sur la Mother Base. Et bien sûr, dès qu'on a une dépense de PIM à effectuer, ce sont les réserves de la base-maman qui sont puisées en premier…


Contrairement à la Mother Base, inviolable, la FOB est sujette aux attaques des milliers de joueurs connectés, qui bien souvent ne jouent même pas le jeu et cherchent seulement à piquer quelques ressources plutôt que de vraiment nous envahir… Certains vous diront que finalement, les gains obtenus par la FOB compensent les éventuelles pertes, et qu'elle a donc plus d'avantages que d'inconvénients… Moi, je vous propose une autre lecture, par le biais d'une analogie un poil foireuse : imaginez que vous venez d'hériter d'un million d'euro grâce à un oncle obscur que vous ne connaissiez même pas… La raison vous pousse à l'épargner sur ce cher livret A et assimilés, afin de jouir d'un train de vie plutôt confortable, à raison de plus ou moins 30.000 € par an… Et v'là t'y pas que dans votre dos, cet enfoiré de banquier décide de lui-même de n'épargner que 10% de cette somme, plaçant les 90% restant dans des investissements à l'issue très incertaine (genre dans des actions Ubisoft)… Ben la FOB, c'est plus ou moins ça…


Bref, on m'avait vendu Phantom Pain comme le messie, le digne successeur du fantastique MGS3, mais force est de constater qu'il n'en est qu'une vague ombre informe. On m'avait promis un lien entre l'épopée Big Boss et l'épopée Solid Snake, on n'a eu que des réponses incomplètes à de nouvelles questions qui n'avaient pas lieu d'être posées. Et dans le même temps, certains pans de la saga restent toujours assez obscurs, comme l'ascension de Solidus (vous savez, le serpent qui va devenir président des USA), l'enfance de Naomi (dont Phantom Pain contredit absolument toute la bio, et c'est loin d'être la seule dans ce cas) ou encore la jeunesse de Raiden (il y a certes un paquet de kilomètres entre le Libéria et l'Angola, mais les conflits en Afrique, dans les années 80-90, c'était pas ce qu'il manquait…).


Kojima nous a en fait fait une Ridley Scottite aiguë, imposant ses idées foireuses à une équipe bien trop occupée à absorber les paroles du maître pour oser le contredire… Je pense notamment au remplacement de David Hayter par l'ami Kiefer, visiblement payé à la ligne, ce qui a eu pour conséquence un Big Boss quasi muet et presque détaché des évènements qui s'enchaînent… Pratique pour l'identification, surtout quand on est sensé ÊTRE ce Big Boss !!


Finalement, seul le gameplay "sur le terrain" parvient vraiment à tirer son épingle du jeu, particulièrement grâce à toute la part d'émergence que celui-ci implique (on peut traîner des heures sur les maps à faire tout et surtout n'importe quoi). Un gameplay qui aurait pu être bien plus profond -notamment sur le plan de la morale- s'il y avait eu des civils… Mais grâce à Konami, on sait enfin la vérité : l'Afrique et le Moyen-Orient ne sont peuplés que de miliciens.


C'est bien trop peu pour un opus qui devait clore en apothéose la destinée de nos rampants favoris. La série n'aura donc fait que décliner depuis 10 ans, après avoir connu le meilleur épisode… Merci quand même pour tout, m'sieur Kojima.


EN BONUS, VOICI QUELQUES TRUCS & ASTUCES :



  • Tout d'abord, si vous avez joué à Ground Zeroes -et donc par extension possédez une sauvegarde- je vous déconseille de la charger pour récupérer vos gains durement acquis (ou pas) : en effet, vous aurez surtout sur les bras des soldats d'un niveau correct pour le début du jeu, mais bien vite dépassés par la suite, bénéficiant d'un "contrat à vie", dont il est IMPOSSIBLE de se débarrasser !! On ne peut ni les incarner en mission, ni les renvoyer ou les envoyer au charbon en "espérant" les voir crever, à cause de ce foutu contrat. De vrais boulets quoi...


  • Il y a plusieurs moyens d'assommer un ennemi plutôt que de le tuer, cependant, leur période de convalescence sera plus ou moins importante selon la méthode employée… Pour faire court : enchaînement de coups > étranglement > tranquilisant = attaque non léthale de DD > projection contre un mur > projection au sol.
    Notez également qu'un ennemi évanoui enfermé dans des WC ou une poubelle ne se réveillera plus de toute la mission


  • Un petit truc tout con, mais qui peut parfois vous sauver la mise : pour ouvrir plus rapidement une serrure, martelez le bouton triangle


  • Un autre petit truc bien pratique : vous pouvez fultonner une jeep et jusqu'à 3 soldats avec un seul et même fulton ; il suffit simplement pour cela de les placer dans la jeep, puis de la fultonner…


  • Lorsqu'on vous convoitez un ennemi posté ou faisant sa ronde sur un point d'eau (marécage, rivière…), attendez qu'il bouge ou essayez de l'attirer ailleurs : si vous l'endormez là, il risque de mourir noyé…


  • Ça paraît logique mais autant le préciser quand même : quand vous fultonnez un tank, vous récupérez en même temps ses occupants


  • Quelques cassettes spéciales sont très utiles sur le champ de bataille, à condition de développer votre iDroid à fond (pour les hauts-parleurs, notamment). L'ennui, c'est qu'elles sont à usage unique (on peut cependant en récupérer d'autres exactement à l'endroit où on les a trouvées la première fois). Les comptines permettent d'endormir les soldats ennemis, les cassettes types "grognements d'ours" ou "hurlements de loups" peuvent les faire flipper, tandis que les cassettes "soldats" (qui annoncent "ennemi éliminé") permettent de dissiper une alerte


  • Marre de la profusion de soldats en armure intégrale ? Lorsque vous déployez des soldats de l'unité de combat, faîtes en priorité les missions de destruction d'équipement. Ils seront d'un coup beaucoup moins nombreux…


  • Bon à savoir : lorsque vous détruisez une tourelle, un émetteur ou un relais radio, celui-ci est inopérationnel pour cinq missions (qu'elles soient principales ou secondaires).


  • « DD, tu vois ce soldat ? Allez vas-y, ATTAQUE !! Good dog, c'est ça, mords-lui les c… putain DD kes' tu fous ? Pourquoi tu reviens sans avoir rien fait ? Ton dressage n'est pas fini ? T'es tout simplement trop con ? »
    Que nenni !! Sachez que pour être sûr à 100% que DD passe à l'attaque, il faut être à 40 mètres MAXIMUM de la cible…


  • Contrairement aux apparences, le pistolet à eau est loin d'être inutile. Il peut notamment éteindre les torches et feux de camp, ou encore rendre HS en toute discrétion les transmetteurs radio, voire tout ce qui est plus ou moins électrique. Il peut même servir à aveugler un ennemi un court instant, le temps de se ruer sur lui et de l'assommer… Il est aussi très utile face à un certain boss, lorsqu'il est amélioré au max… Le problème, c'est qu'on ne peut partir en mission en s'équipant et du pistolet à eau, et du gun tranquilisant, largement plus utile…alors qu'on peut très bien transporter à la fois un AK et un lance-roquettes… Logique kojimesque…


  • Lorsque vous n'avez plus grand-chose à faire sur le champ de bataille et que vous avez un container de matériaux à fultonner, grimpez dessus et accrochez vous après avoir déployé le fulton : ça économisera à la fois le coût en déplacement et le temps d'attente de l'hélicoptère…


  • L'uniforme de Raiden permet de courir plus vite. Ça peut avoir son importance quand on cherche à obtenir des rangs S, sachant que le chrono joue largement en faveur du rang final


  • Je ne sais pas trop ce qu'on donne à bouffer à D-horse à la mother base car, si vous le faîtes déféquer sur la route, la plupart des véhicules qui croiseront le chemin de cette bouillie chevaline déraperont et leurs occupants seront sonnés un court instant


  • Si vous refusez de vous laver pendant un très long moment dans le jeu, d'abord vous êtes crade, mais surtout, ça peut être un avantage tout comme être un inconvénient. En effet, d'un côté, les ennemis pourront vous repérer à votre odeur, tandis que de l'autre, si vous sentez vraiment la mort et que vous restez immobile par terre, les animaux sauvages croiront que vous êtes vraiment mort…


Wyzargo
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le 1 mars 2016

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