We had forgotton our past, and now it was costing us our future…

Oddworld est un univers qui m'est particulièrement cher. Ma première console, c'était une PS1 d'occasion avec deux jeux : Tomb Raider 2 et L'Exode d'Abe. J'ai passé un nombre incalculable d'heures sur le deuxième, bien plus que sur l'autre, et l'Odyssée n'a pas tardé à rejoindre ma collection après ça. Autant dire que l'annonce de l'exclusivité Xbox de Munch's Oddysee m'a laissé passablement déprimé, puisque le budget familial était loin de pouvoir réserver une place à une console de nouvelle génération. Je découvre donc ce deuxième volet de la quintologie avec plus de dix ans de retard, et c'est une grosse déception.


Pour commencer, les graphismes accusent sérieusement leur âge. Là où la 2D des jeux PlayStation n'a pas pris une ride, Munch's Oddysee présente une 3D bien datée, très lisse et peu détaillée, caractéristique des jeux sortis au tournant du millénaire, avec bien entendu une caméra épouvantable qui se calera toujours aux pires endroits possibles (et si, comme moi, vous jouez sur un portable sans souris, vous allez vous amuser à essayer de la déplacer au pavé tactile). L'immersion s'en ressent : on n'a plus vraiment l'impression de voir un monde réel se dérouler sous nos yeux, et ce ne sont pas les lens flare dont usent et abusent les débuts de niveaux qui vont faire illusion.


Mais en parlant de monde, s'agit-il encore seulement d'Oddworld ? On m'accusera peut-être de purisme, mais je ne suis pas convaincu par les développements apportés à l'univers. Les Vykkers accusent un sérieux manque de charisme, les Fuzzles ne sont guère que des Fleeches gentils avec des poils, et seuls les Gabbits présentent réellement ce que j'appellerais la patte Oddworld, ce côté « créature difforme mais si crédible qu'elle en devient attachante ». Pour ce qui est des anciens, Scrabs et Paramites ne figurent chacun que dans deux niveaux qui font pâle figure comparés aux courses effrénées qui concluaient les temples des opus précédents, tandis que les Sligs ont échangé leurs jurons contre de nouvelles armures high-tech et que les Mudokons frisent la caricature ethnique (leurs voix ! leur paresse constante !). Seuls les Glukkons sortent vraiment enrichis (sic !) de ce troisième jeu, la quête d'Abe et Munch reposant pour beaucoup sur l'ascension sociale d'un Glukkon benêt nommé Lulu.


Qui dit passage à la 3D dit système de jeu entièrement repensé, mais était-il vraiment nécessaire d'introduire le Spooce, ce champignon vert qui joue le rôle de simili-monnaie/étoiles et dont il faudra se farcir la récolte pour que le jeu daigne nous laisser accéder au niveau suivant ? Ce n'est certes pas la difficulté des niveaux qui arrêtera le joueur s'étant déjà frotté aux opus précédents : ils sont courts et n'exigent pas énormément d'efforts de réflexion. Le GameSpeak est réduit à sa plus simple expression : finies les énigmes à base de phrases à répéter, plus de Mudokons énervés à calmer ou déprimés à rassurer. En parlant d'eux, les sauver, c'était jadis un défi délicat mais engageant, mais c'est devenu ici une corvée pure et simple, surtout quand il faut porter soi-même ces abrutis à l'autre bout du niveau en les attrapant littéralement par la peau des couilles (!!). Et que dire du fait que les héros peuvent se bastonner avec leurs adversaires, alors que l'une des forces de la série jusqu'ici était l'accent mis sur l'infiltration ? En parcourant les niveaux, j'ai souvent pensé à d'autres jeux d'action-aventure sortis vers la même période, notamment les productions Ubisoft comme Rayman 2 ou Tonic Trouble. Bref, de ce point de vue là également, Oddworld rentre dans le rang.


Enfin, l'humour… J'ai souri quelques fois, mais j'ai aussi été agacé, une première dans la série. La voix de Munch me tape sur les nerfs, et j'ai sérieusement regretté de ne pas pouvoir envoyer le chamane mudokon qui n'arrête pas de se pointer sous un broyeur des mines de Necrum avec sa voix de merde vaguement raciste. La première cinématique avec les Vykkers m'a fait grincer des dents, tant elle abondait en clichés indignes des créateurs d'Oddworld (regardez la manière dont la musique la ponctue ! c'est affreusement attendu). Les unes de journaux qui entrecoupent les niveaux font vraiment paresseux et minable comparées aux géniales séquences télévisées « Le Magog en Marche » qui émaillaient l'Exode.


Je doute d'avoir seulement l'envie de finir ce jeu un jour. Peut-être si je l'avais découvert à l'époque ? Quelle déchéance !



Addendum



Deux ans après cette critique écrite un triste soir de Noël 2013, me voici presque rendu à la fin de ce jeu dont je n'avais jusqu'alors débroussaillé que le premier tiers. Mon avis n'a pas vraiment changé, mais je pense être davantage capable de cerner ce qui, pour moi, fait de ce jeu un mauvais jeu :



  • La maniabilité. Au-delà de la prise en main très difficile quand on joue au clavier (j'ai toujours autant de mal après une quinzaine d'heures de jeu), les personnages semblent issus du croisement d'une savonnette et d'un haricot sauteur : ça glisse et ça rebondit à n'en plus finir. De quoi devenir chèvre, surtout dans les passages avec le bonus « sauts démesurément hauts ».

  • L'incohérence avec les précédents jeux. Je me doute que les mécaniques de jeu ne pouvaient que changer avec le passage à la 3D, mais c'est assez frustrant de voir Abe désormais incapable d'accomplir des actions qui lui venaient sans réfléchir dans les jeux 2D : se suspendre au bord d'une plate-forme, envoûter une créature dont il est séparé par un mur, etc. De manière plus fondamentale, le jeu nous encourage le plus souvent à utiliser la manière forte pour franchir les obstacles, ce qui tranche fortement avec les jeux précédents où l'infiltration et la réflexion jouaient un rôle plus important.

  • Un scénario qui manque d'unité. L'objectif ultime du jeu, récupérer le Gabbiar pour sauver l'espèce de Munch, ne me semble pas assez mis en avant et le joueur en est constamment distrait par d'autres tâches : sauve les Mudokons ! sauve les Fuzzles ! ruine ce Glukkon ! C'était logique et cohérent de sauver les Mudokons dans les jeux précédents, vu qu'on incarnait précisément le sauveur des Mudokons ; ici, ça tient davantage de la digression malvenue.

  • L'omniprésence d'Abe. C'est en partie lié au point précédent : Munch est absurdement réduit à jouer les seconds rôles dans son propre jeu, écrasé par l'ombre d'Abe et des Mudokons. Les contrôles du jeu contribuent d'ailleurs à ce désamour : comme il est plus lent et moins maniable qu'Abe, on ne l'utilise presque jamais et seulement lorsqu'on n'a vraiment pas d'autre choix.

  • La monotonie. En fin de compte, c'est sans doute le crime capital de ce jeu, bien plus que les trahisons (subjectives) de l'univers ou même que les contrôles foireux. On ne cesse de faire la même chose, encore et encore : récolter du Spooce, porter des Mudokons, attaquer des Sligs/Vykkers. Le jeu est trop facile et les niveaux trop courts pour que cette répétitivité puisse passer inaperçue, et la conséquence est inévitable : on s'emmerde !

Tídwald
2
Écrit par

Créée

le 25 déc. 2013

Critique lue 822 fois

4 j'aime

2 commentaires

Tídwald

Écrit par

Critique lue 822 fois

4
2

D'autres avis sur Oddworld: Munch's Oddysee

Oddworld: Munch's Oddysee
Wyzargo
6

Monster Munch - Mieux vaut tous y jouer ?

Fan absolu des deux premiers opus, je faisais partie de ces aficionados dégoûtés de voir la migration de cette série géniale sur la machine de Microsoft, nouveau venu parmi les consoliers. Car, bien...

le 13 nov. 2015

2 j'aime

Du même critique

The Endless River
Tídwald
5

It's all over now, baby blue

Je n'avais aucune attente pour ce quinzième et (jusqu'à nouvel ordre) dernier album studio de Pink Floyd, ce qui m'aide sans doute à ne pas être particulièrement déçu. En revanche, je sors de son...

le 8 nov. 2014

29 j'aime

4

Five Leaves Left
Tídwald
9

Critique de Five Leaves Left par Tídwald

Mon préféré des trois. Vu que l'écriture de Nick Drake n'a quasiment pas évolué pendant sa courte carrière, cette préférence est uniquement due à ce qui se passe derrière lui : ce petit vernis...

le 15 janv. 2012

28 j'aime

1

Trout Mask Replica
Tídwald
1

Strictly personal

De mon point de vue, enregistrer un album aussi inécoutable, quand on pourrait enregistrer un album parfaitement écoutable (Beefheart et son groupe ont du talent, c'est indéniable, il suffit...

le 9 sept. 2012

26 j'aime

19