Alors que From Software est devenu célèbre avec sa saga des Souls, le développeur avait déjà sorti de nombreux titres souvent très bons, mais trop souvent passés inaperçus. Malgré un catalogue assez fourni, peu de titres ont passé les frontières du Japon et encore moins ont réussi à passionner le public européen. La plupart des titres du studio s’en sortent grâce à leur ambiance et leurs idées, malgré quelques faiblesses techniques. Mais Otogi, sorti en 2003 et édité par Sega est une petite perle, un jeu d’action bien pêchu et à l’atmosphère incroyable.
« Malheureux le pays qui a besoin de héros », Bertolt Brecht, La Vie de Galilée. Effectivement. La Cour Impériale est menacée par des démons et Raikoh, guerrier trépassé est rappelé des limbes par une mystérieuse princesse. En se rachetant pour une noble cause il devrait enfin pouvoir trouver le repos après une vie passée pas très honorable.
Pour atteindre son but, Raikoh va devoir traverser 29 niveaux, toujours guidés par la voix évanescente de cette étrange princesse. Il y a toujours une raison expliquant pourquoi Raikoh doit remplir tel objectif dans tel stage. Un des bons points de ce jeu est la variété que nous offre les développeurs selon les niveaux. Ici, il faudra empêcher un vaisseau de sombrer en éjectant les ennemis s’y accrochant. Dans un autre, il faut escorter un panda rouge jusqu’à un torii. Et bien sûr, il y a des stages plus classiques où le seul objectif est de tailler dans le gras des ennemis.
Mais Raikoh est condamné : le temps est compté lors de chaque mission. Une jauge qui fait office de chronomètre ne doit pas se vider. Mais celle-ci est partagée avec les attaques spéciales ou les déplacements rapides. La tentation est grande d’aller plus vite en utilisant des magies, mais cela raccourcit aussi le temps offert pour terminer le niveau. D’autant plus que cette jauge permet aussi de régénérer automatiquement la vie du mystérieux Raikoh, notre brave héros: celui-ci dispose d’un certain nombre d’orbes de vies. Tant qu’un coup violent ou plusieurs attaques sans répit n’auront pas brisé une ou plusieurs de ces orbes, la jauge de magie régénère automatiquement la dernière orbe en lice dans le compteur. Le système diffère des concurrents mais ajoute un peu de finesse dans ce monde de brutes. Mieux vaut attendre que la vie se régénère plutôt que perdre une précieuse orbe dans un assaut risqué mais le temps est compté. Heureusement, cette jauge se remplit grâce à des objets disséminés sur chaque niveau ou en tuant les ennemis, rappelant Onimusha.
Notre avatar gagne de l’expérience au fil des combats et des ennemis défaits. Après tout, « vivre, c’est changer du temps en expérience » (Caleb Gattegno) et Raikoh ne vit que pour combattre, c’est même pour cela qu’il est ramené de chez les morts. En amassant les orbes d’expérience laissés par les ennemis, notre héros damné évolue ce qui influe sur diverses caractéristiques habituelles. Mais elles peuvent aussi être améliorées grâce aux différentes armes du jeu (« on ne peut pas chasser le brouillard avec un éventail », proverbe japonais) et autres accessoires. Ces éléments d’équipement peuvent s’obtenir dans le magasin disponible entre deux missions, être trouvés au détour d’un niveau ou bien débloqués selon certaines conditions. Gérer son équipement et ses magies (car chaque ennemi est sensible à une en particulier) est plus que conseillé, de même que ne pas hésiter à faire un peu de level-up, la difficulté du jeu étant assez relevé. Et pour les plus passionnés, tout débloquer est un excellent moyen pour prolonger une durée de vie standard pour le genre, à peu près une dizaine d’heures, mais toujours trop courte une fois plongé dans l’aventure.
Otogi ne prouve pas la supériorité technique de la Xbox. Par contre, il illustre bien la principale force des développeurs de From Software, à savoir leur talent en terme de designs. Si les personnages et les niveaux accusent des faiblesses en termes de modèles 3D et de textures, leur principale force est pourtant de refléter une identité et des qualités purement visuelles et pas techniques. Néanmoins, le simple fait de pouvoir détruire la presque-totalité des éléments du décor est une belle prouesse technique, qui renforce l’impression de force du personnage.
Mais il est temps d’aborder la qualité de son ambiance, de son univers. Ce souci de construire une ambiance se remarque dès le début du jeu avec un écran-titre absolument magnifique. Et il n’est pas possible de faire l’impasse sur la bande-son du jeu, discrète mais élégante pour ne pas dire envoûtante. Elle incarne à merveille cette plongée dans un univers s’inspirant de la mythologie shintoïste japonaise. L’histoire du jeu s’inspire des récits légendaires mythifiant la vie de Minamoto no Yorimitsu, héros militaire de l’histoire du Japon qui aurait vécu de 944 à 1021. From Software récupère ces matériaux de base pour fournir une intrigue mystérieuse et des personnages qui le sont tout autant pour une aventure mystique et envoûtante.
Malgré quelques défauts, Otogi est un très bon titre, qui se joue et s’apprécie sur le fil du rasoir grâce à la nervosité de ses affrontements. Il offre une bouchée d’air frais dans le genre de l’époque grâce à une ambiance japonaise mystique et envoûtante. Les bases étaient solides, le cadre mystérieux : de quoi pouvoir offrir une suite au titre, qui sortit en 2005.