Une simulation virtuelle, des bêtes de papiers, un voyage interactif moteur d'émotions...

C'est en pleine semaine de chaleur écrasante, pendant le mois de juin 2022 ouvrant sur la période de vacance, après une première journée de travail, à la suite d'expériences vidéo-ludiques intriguantes comme expérimentales, m'ayant marqué à vie...que j'ai décidé de poursuivre ma démarche dans ce sens, désireux d'expérimenter d'autres approches, de m'évader encore un peu, de m'émouvoir aussi tout en me questionnant, de m'oxygener l'esprit et de m'amuser pour décompresser si possible...c'est donc un peu au piff, juste curieux par différents retours positifs, par mon amour envers un développeur, par un titre evocateur et un léger avant goût via un trailer, que j'ai téléchargé et lancé "Paper Beast Folded Edition", sortie en 2020, version jouable sans casque de réalité virtuelle, avec une manette classique du jeu PS4 VR, qui me promettait une expérience unique, une trip à part de 3h, un voyage dépaysant vers l'inconnu....

Un voyage, qui à peine le jeu lancé, nous immerge immédiatement dans ce qui semble être une simulation, nous demandant de choisir nos options de confort, nous demandant patience avec un clip, nous exigeant un peu de thunes puis après un simili chargement nous plonge sans une once d'explication, sans une once de pédagogie, sans une once de texte, sans une once de parole dans un univers, un monde où les lettres sont des nuages, où les chiffres sont des gouttes de pluie, où le sol se fait mouvant, où la vie est de papier...seul ne pouvant bouger, comme simple spectateur du monde qui prend vie, comme simple victime d'une prison virtuelle...et puis une rencontre, au chara-design louche, non conventionnelle, inhabituelle mais une magnifique rencontre, une suprenante rencontre, créature immense, géante, enivrante par sa physique et ses mouvements, nous observant étrangement, semblant nous parler, mais surtout vouloir nous guider, nous entrouvrir ce qui s'apparente à une Afrique saharienne, une steppe Mongole, un désert de sel Andin, une montagne Hymalayenne, une grotte Méditerranéenne, une plage des Caraïbes, biomes fantasmés et ré-imaginés, ayant chacun une géographie, climat, une faune et une flore endémique...et j'arrête là tant la variété et la diversité vaut la surprise...le tout superbement mise en scène par de subtiles sonorités environnementales, une enivrante musique, des graphismes chatoyants, une colorimétrie riche, une architecture chimérique, des textures cotonneuses...un décor sauvage, un théâtre vivant, crédible, organique avec ses règles, ses codes, ses lois, sa hiérarchie, nous laissant subjugué, curieux, touché, autant par l'ouïe que la vue, une direction artistique faisant de cette simulation virtuelle...un moteur d'émotions...

Un voyage, qui à peine notre première rencontre, notre premier guide, notre premier partenaire, indiquant clairement la direction à suivre, indiquant clairement ces besoins, indiquant clairement ces limites, dépendant de nous autant que l'on dépend de lui, tant il est rassurant, touchant, inoffensif...une relation étrange mais bienvenue permettant d'appréhender avec sérénité ce monde inconnu, de comprendre les énigmes environnementales, d'éclaircir nos possibilité, lire ses règles et logiques...nécessaire dans un tel environnement où la vie et la mort ne font qu'un, où tout semble dépendre de notre bon vouloir, où tout semble se modifier selon nos actions tout en étant libre, ayant sa propre voie, possédant ses cycles, gardant son indépendance et son von vouloir...nous plaçant dans un statut de berger, de gardien, de protecteur, de créateur, de dieu, de chasseur, d'utilisateur, de profiteur mais aussi de simple observateur, explorateur, pionnier, victime, suiveur...le tout renforcé par ce level-design malléable, interactif, ouvert, permissif, par cette maniabilité instinctive, simple, audible, sans prise de tête, par cette direction artistique affordante, expressive, lisible, par ce gameplay misant sur la collaboration, la contemplation, l'échange, l'interaction, la compréhension, par ce sens du rythme cassant toute routine, évitant tout ennui, nous suprenant à chaque instant, jouant avec nos acquis, s'amusant avec sa proposition ludique, où toute notion de temps, de difficulté, de barre de vie, de niveaux, d'affrontements, d'inventaire, de carte, d'indications sont superficiels...nous laissant subjugué, curieux, touché autant pad à la main que enceinte à fond, un game-design élégant et digeste faisant de cette simulation virtuelle...un moteur de sensations...

Un voyage, qui à peine nos premières actions, nos premières énigmes, nos premières rencontres, nos premiers pas, nos premières interactions, nos premiers rôles...nous raconte quelques choses, nous touche différemment, nous parle sans voix, nous enseigne sans textes, nous envoûte sans touché, nous émeu sans expression, créant chez nous des troubles, des questionnements, des interrogations autant sur notre rôle dans ce monde, sur notre rapport envers cette faune, sur notre capacité face à cette environnement, sur notre possibilité à changer ce drame, sur notre impact vis-à-vis d'une conclusion espérée, nous imposant d'agir autant que de rester passif, d'entreprendre autant que de laisser faire, d'outre-passer autant que de respecter, d'accepter autant que de se revolter, nous offrant une lecture, critique intelligente et profonde sur l'écologie, la nature, l'humanité, le cycle de la vie, la pyramide alimentaire, la place de l'homme, son impact sur l'environnement, l'exploitation des ressources, la définition de l'attachement, les besoins relationnels, la peur de l'étranger, la disparition d'espèces, la traite animale, l'héritage aux générations futures, la digitalisation de la culture, la protection de l'artisanat, la production actuelle vidéo-ludique, le financement de l'art, les réseaux sociaux bref nôtre prèsent, notre passé, notre futur, le monde, la terre, la société, donc notre réalité...un scénario énigmatique, une narration suggérée, un récit onirique, entre première et seconde lecture, où l'on s'incarne mais où c'est l'environnement et sa vie qui sont les héros, nous laissant encore davantage subjugué, curieux, touché par cette vision, cette métaphore, cette allégorie faisant de cette simulation virtuelle...un moteur de réflexion...

C'est donc après 3h, un simple soir après le taff, générique déroulé, le PC encore chaud, le pad à peine posé, la clope au bec, ma simulation arrêtée, ma petite larme versée...un retour à la réalité...dur, difficile, froid et silencieux tant ce inoubliable voyage sensoriel, chaleureux, bienveillant m'aura touché artistiquement, ému ludiquement, questionné narrativement, troublé par cette relecture de la coopération, de l'empathie, amer de pouvoir trop le raconter tant il fut personnel, fasciné par ces rencontres, persuadé qu'il saura plaire à d'autres, convaincu par ce genre de production, défenseur de cette vision du média, heureux de pouvoir la mettre en valeur, estimant qu'il s'agit d'un chef-d'œuvre à la fois cathartique et poétique, avide de revoir ce cher Eric, désireux de voire cette industrie s'inspirer de celui-ci, perdu dans mes émotions mais marqué à jamais...une simulation sans V.R qui a su créer en moi de vrais émotions, depassant mes attentes, un truc fragile, rare et intemporel, une expérience unique, spirituelle, censée et logique, cohérent autant sur sa forme et que sur son fond, sacrées créatures de papier, vous m'auraient fait autant rire, pleuré, que chié...mais je vous aime comme même...

AlMomoSan87

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