Persona 5: Royal
8.9
Persona 5: Royal

Jeu de Atlus (2019PlayStation 4)

Sur quel aspect noter Persona 5 ? Le RPG, la simulation, ou le visual novel qui prend le dessus sur le reste ?


Après tant d’éloges sur le jeu, je ne m'attendais pas à une telle déception, à commencer par le personnage qu’on incarne “Joker” ou plus communément "la coquille vide".


Notre histoire on la connaît depuis le début, le jeu n’a pas envie de s’étendre dessus; pas de famille, aucune relation, le héros doit être désincarné pour s’y identifier, vidé de toute substance intéressante. Il doit être mystérieux, intello mais pas trop, réservé mais parfois impulsif, et comme il est parfois coutume désormais, aphone, bref une loque. On connaît la chanson, c'est le même personnage qu'on retrouve dans des dizaines de jeu depuis quelques temps.
Après 50 heures, je me surprends à me demander comment je m’appelle .. C’est vrai qu’on nous demande dès le début notre véritable nom, comme si la vie du personnage débutait à ses 16 ans. Soit. Pour coller à son charisme, mon choix aurait dû être “balais de chiottes”. Le sort et ma méconnaissance de la suite ont fait que je l’ai nommé “fantasy”, en référence à mon avatar ; niveau désincarnation j’en ai eu pour mon compte. Un excellent jeu contiendrait un personnage ne parlant pas ? Je vous rassure, il arrive quelquefois que notre héros se mette à gémir ou recracher des onomatopées, tel un muet parlant sans s’en rendre compte, en plus d’être gênant ça nous rappelle sans cesse que lui, contrairement aux autres, n’est là que pour prétendre être notre incarnation virtuelle.


L'intérêt résiderait-il donc dans les autres personnages ?


Non plus. S’ils ont tous une histoire à raconter, ils campent des caractères trop caricaturaux pour être intéressants. Le sportif débile qui parle fort, l’artiste mystérieux insaisissable, la fille bien gaulée fan de photographies et de mannequinat, la coincée qui se révèle forte de caractère et la geek acariâtre pour ne citer qu’eux. Leur vie, ils la racontent à longueur de jeu et on s’en fout. Le monde s’effondre autour d’eux mais nous sommes confrontés à leurs problèmes d’ados et leur méconnaissance du sexe opposé; Une tare qui ne vaut que pour les garçons, représentés ici comme des pervers de jeune âge aux désirs incontrôlés, les filles sont prudes et incommodées par leurs avances. T’es plutôt du genre à lorgner sur un fille frigide ou une médecin aguicheuse ? Ton charme exceptionnel te permet de choisir celle que tu veux dans ton harem puisque toutes sont prédisposées à avoir leur romance avec le chef des voleurs fantômes. Mis à part quelques allusions douteuses, on notera l’étrange absence de la possibilité d’être gay dans le jeu.. Quand on entend aller si loin dans la simulation il faut oser y aller jusqu'au bout. Préférez donc Les Sims à Persona 5, au moins vous pouvez choisir entre vous taper un homme, une femme, un vampire, un alien transgenre, un chien (si si avec des mods on peut tout faire) ou bien tous à la fois.


Pour votre réhabilitation vous devrez entre autres prouver votre courage, votre gentillesse ou votre intelligence par des procédés des plus débilitants : savoir retrouver un code barre sur un produit en caisse, composer un bouquet de fleurs, taper dans une balle de baseball, jouer à un jeu vidéo, regarder un DVD, aller au cinéma, faire du café, lire un livre, répondre correctement en classe ou encore manger un gros burger. ça vous saoule rien que de le lire ? Loin d’être du contenu annexe, cela représente 50% du temps passé sur le jeu, une sorte de simulation façon vis ma vie de préado tokyoïte. Si les scénettes nous épargnent la pénible virée piétonne nocturne pour bercer le bébé dans Yakuza 6, les micro-quêtes de Persona 5 sont du même style et n’en sont pas moins chiantes ou gênantes.


Le gameplay, ah oui, le gameplay; Persona 5 offre des phases de jeu (grand seigneur), ce qui le différencie d’un Visual Novel classique. Bon, cela commence après une dizaine d’heures et à de courts moments mais le système d’évolution des compétences, de fusion des personae, les donjons, etc. est plutôt pas mal et font de Persona un bon RPG. A cela s’ajoute le design des créatures assez magnifique, ces dernières qu’on regrette en revanche de ne voir que dans les menus du jeu et en adversaire en combat.


La trame principale ne justifie pas non plus un tel engouement. Dès l'introduction nous savons plus ou moins comment cela se termine, notre attente réside dans la manière dont cela va se faire. Gros bémol, le dénouement -au demeurant sensationnel- auquel on s’attend est très long à arriver et ne marque en rien la fin du jeu, pourquoi ? Persona 5 ne sait pas s’arrêter. S’ajouteront des dizaines d’heures supplémentaires à faire défiler les jours, réviser des cours, farmer des donjons sans grands intérêts, lire des dialogues stupides et écouter des niaiseries. Comprenant à mi-jeu que les tirades textuelles ne m’apprendront rien, j’ai usé avec joie et sans parcimonie l’option “avance rapide” sur la vacuité des propos entre notre héros et ses acolytes. Cette technique s’est assez vite heurtée aux choix intempestifs dans nos réponses, choix qui n’ont à première vue aucun intérêt comme le prouve ce dilemme cornélien : dois-je répondre “c’est parti” ou “allons-y” ? Génie scénaristique ou abrutissement ? la question elle est vite répondue.


Persona pourrait être un très bon jeu en se cantonnant au RPG et en développant son gameplay mais laisse sa place à d’innombrables et futiles lignes de texte pour donner l'impression d'un gigantesque director's cut. Tout ce qui est long n'est pas forcément bon, coupez-moi la moitié des dialogues et je jouerai au prochain.

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le 29 déc. 2020

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