Le Cinematic Platformer est un genre bien plus compliqué à appréhender qu'il n'y paraît. Si un projet de cette nature permet généralement de proposer une vision cohérente et complète avec une équipe restreinte, il est toujours difficile d'innover car contraint par le genre lui-même, ou l'avancée de notre personnage à travers les différents écrans se doit d'être un minimum réaliste, et limité sur un plan “2D”. Il y a de ça quelques années Playdead, au travers de Limbo et Inside ont réussi à remettre ce type d'œuvres sur le devant de la scène via un travail exemplaire sur l’animation, la narration environnementale et l’intelligence des puzzles, tout cela dans la droite lignée des grandes heures du genre durant les années 90.

Planet of Lana tente d’inscrire son nom sur les tablettes du Cinematic Platformer, mais arrivé près de 7 ans après Inside génère naturellement quelques attentes que Planet of Lana n’a malheureusement pas su répondre et ce même si c’est un projet qui possède des arguments qui méritent notre attention.

Relativement condensé, Planet of Lana vous retiendra cinq ou six heures suivant votre rapidité à résoudre les puzzles, ceux-ci étant plutôt très (trop) accessibles. Aux commandes d’une jeune fille, on est rapidement amené à fuir notre village à la suite d'événements tragiques rappelant fortement “La Guerre des Mondes”. La population kidnappée, on entreprend un périple pour retrouver ceux-ci, en particulier notre sœur.

Les premières minutes sont assez raides, bien loin des animations fluides que l'on pouvait trouver dans Limbo ou Inside, on traverse beaucoup de décors qui se ressemblent tout en accomplissant relativement toujours la même chose, et cela, pendant de trop longues minutes.

Planet of Lana est lent à se lancer, et le minimalisme général n’aide pas nécessairement à être aspiré par le mouvement.

Ce n'est qu'une fois notre compagnon à nos côtés, Mui, un mix entre un chat et un Noiraude tout droit sorti d'un film Ghibli, que Planet of Lana prend un peu d'épaisseur dans les puzzles et zones à traverser. Cependant, le premier tiers du jeu donne le sentiment de vivre un long enchaînement de tutoriels à énigmes plutôt qu'une vraie aventure “Cinematic", la multiplication des puzzles et la manière de les résoudre devenant assez rébarbatif.

La sagesse concernant la difficulté de ceux-ci, pour éviter toute prise de risque, m'a presque fait douter de la suite, heureusement Planet of Lana s’ouvre petit à petit et si les puzzles pour leur part ne décolleront pas vraiment en intérêt, le jeu retrouve un équilibre agréable entre son gameplay et ce qu’il raconte au travers du voyage pour répondre à nos questions.

Planet of Lana possède deux caractéristiques l’aidant principalement à créer son identité et éveiller la curiosité du joueur.

Premièrement, passé quelques chapitres, la direction artistique prend son envol, la caméra suivant cette démarche devient plus “innovante”, et certains écrans que l’on traversera peuvent sans nul doute rappeler quelques ténors du genre. Certains plans constitués de superbes aplats de couleurs avec une intéressante technique de profondeur de champ donnent le tournis par leurs beautés, et on réalise qu'on évolue dans un univers bien plus grand et vaste que la simple marche en avant qui nous est demandée.

En s’approchant de la fin, Planet of Lana ose réellement des choses qui sortent de l'ordinaire, et sans tout chambouler, on note une certaine montée en puissance tout au long de l'aventure très appréciable, le dernier tiers étant particulièrement très réussi.

Deuxième point, le projet à la chance extraordinaire de posséder à la composition de son OST, Takeshi Furukawa, qui au-delà d'être le compositeur de The Last Guardian et une pointure respectée et qui semble ici prendre tout son sens, le son tenant une place toute particulière dans l'histoire. Car bien au-delà de cette superbe OST, c’est l’ensemble du travail audio qui est réussi, marié à la direction artistique du titre, Planet of Lana s’offre une chance de se démarquer face à ses aînés, et cela fonctionne admirablement.

Les Cinematic Platformer ont généralement une propension à plonger les joueurs dans un récit à la fois riche, mais avec une narration minimaliste, l’essentiel s’effectuant via les environnements. Planet of Lana ne déroge pas à cette règle et est une œuvre de SF pour jus, au-delà de l'affiliation avec la Guerre des Mondes évoquée un peu partout, j'ai ressenti une inspiration très proche d'Oblivion, le film, mélangeant quelques thématiques intéressantes que je me réserve de dévoiler ici.

Même si Planet of Lana ne sera pas avare en réponses sur la fin, il aurait été intéressant de diluer plus de détails sur la longueur pour épaissir le mystère sous-jacent, et ce, jusqu'à arriver à cette fin réussie, mais qui semble accélérer le mouvement trop soudainement, c’est dommageable au vu des belles idées que le studio avait.

En somme Planet of Lana est un Cinematic Platformer classique qui n’aura certainement pas le même impacte qu’un Inside, pour encore le citer. Avec une première partie qui a du mal à trouver sa voie, proposant une lignée de puzzles peu inspirés, Planet of Lana ne démarrait pas sous les meilleurs auspices. En avançant les puzzles deviennent plus rares, mais gagnent en intérêt, avec même l'arrivée de QTE à de rares moments et par la même occasion le gameplay devient plus consistant et ce même si il y avait manière à faire bien plus. En parallèle, visuellement le jeu semble offrir plus de variétés et le récit devient plus passionnant à suivre et ce positivisme continuera jusqu'à la fin avec une conclusion qui à mon humble avis est presque parfaite.

Si au temps du premier Prince of Persia ou Flashback cette simplicité pouvait être justifiée et appréciable, on attend un poil plus que cela aujourd'hui, d’autant qu'entre-temps, quelques classiques sont venus dépoussiérer le genre et Planet of Lana ne fait pas nécessairement partie de ceux-là.

Cela n'empêche pas celui-ci d'être tout à fait pertinent et intéressant si on est sensible à quelques références SF tout en gardant en tête que les attentes devront être moins élevées, en particulier si vous avez déjà effectué la petite liste des pépites de ce type d'œuvres. L'expérience vidéoludique de chacun influencera certainement beaucoup votre avis final mais comme souvent, il est plus important d’avoir un projet complet et abouti qu’une oeuvre inachevée ou torturée, avec Planet of Lana les développeurs suédois de Wishfully savaient ce qu’ils souhaitaient et pouvaient faire et cela se ressent, une oeuvre classique mais qui se suffit à elle même et se conclut d’une bien belle manière, difficile de leur en vouloir et ne pas pardonner les quelques accros.

Sajuuk
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le 29 mai 2023

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