Et si Pokémon Go était tristement le jeu de la licence le plus réaliste, capitaliste et politique ?
S'il n'est presque plus besoin de présenter l'un des phénomènes des jeux pour smartphones de la précédente décennie il faut bien essayer d'analyser son évolution et ce qui l'a mené à sa forme actuelle. Car PkmnGo c'est un peu à la manière d'un No Man's Sky l'histoire d'un rêve et d'une réalisation sur la longueur et la douleur. Quand en 2016 nous est annoncé un jeu en réalité augmenté pour ENFIN pouvoir chasser des Pokémons dans le vrai monde, les perspectives sont infinies, la technologie beaucoup moins. S'il y a 10 ans les smartphones étaient déjà incroyablement compétents, le jeu se montrera vite énergivore, gourmand en stockage de données et en constant besoin d'améliorations techniques. Ce n'est pas la seule excuse au bridage du jeu dans ses jevnes années foylles bien évidemment. L'argument de la fidélisation en est un autre.
2016 c'est aussi l'année de l'apparition de la septième génération. Autant vous dire qu'on a donc déjà bouffé un paquet de chiens, cocons et autre oiseaux plus ou moins insignifiants et inspirés et qu'avec une carte grande comme LE MONDE on pouvait s'attendre à une distribution géographique généreuse. Mais PkmnGo n'est pas un jeu en boîte, qui s'achète une fois et se laisse ensuite apprécier, c'est un jeu pour mobile, qui au-delà de l'argent (on y reviendra bien évidemment), doit garder ses joueureuses. Et le constat est aussi simpliste que triste mais les développeureuses ne peuvent espérer garder suffisamment leur clientèle sans quelques carottes. Ainsi donc la seule distribution de la première génération aura quelque chose d'assez honteux puisqu'il faudra attendre plus de 7 mois pour que la G2 commence à apparaître. Et 150 pokémons, dans un jeu où les combats, l'histoire et la plupart des éléments emblématiques de la série et des jeux vidéos sont mis de côté, avec le gros de l'aventure qui se résume à du farming pour faire évoluer ses créatures, c'est vite peu. Un contenu rachitique donc, toujours débloqué au lance-pierre et qui va en plus jouer la carte du voyage de manière forte étrange.
On imagine le casse-tête qu'à du être la répartition des bestioles sur les divers continents. Le rêve, le vrai, c'était un Loklass diponible uniquement dans les lacs écossais, un Tauross dans les grandes plaines américaines et un Lipoutou dans les carnavals racist.. pardon traditionnels du nord de la France. Le jeu avait donc un concept fort à proposer quoi que peu écologique, devoir parcourir le monde entier pour remplir son pokédex. Et en fait c'est même le concept de tout l'univers Pokémon donc rien de surprenant. Et si on voulait réduire le bilan carbone il suffisait juste de mettre en place les échanges et ainsi connecter Rouen à Osaka ou Bridgeton. Sauf qu'encore une fois le jeu dans sa forme première est réduite à peau de chagrin, exit donc les échanges. Mais surtout le jeu de par sa forme mobile, a une volonté bien plus grande que d'être le meilleur opus de la saga, c'est celui d'être le plus accessible et donc populaire.
En s'adressant donc à l'ultra casual aussi bien qu'au nostalgique de la série télévisée (et peut-être joueureuse de Rouge/Bleu/Jaune), Niantic doit donc proposer une formule allégée et instantanément fun. Ainsi donc la majorité de la G1 est trouvable en effectuant quelques kilomètres, peu importe la région où on se trouve. Il y a bien des tentatives avec des pokémons eau plus présents près de points d'eau mais là encore problème et cette fois-ci de sécurité.
C'est bien beau de pouvoir capturer de la bêbête n'importe où mais vite le jeu se fait autant connaître pour son succès que pour les cas d'accidents divers et variés. On arrête donc de faire popper des monstres partout, une limitation de vitesse est imposée pour les petits malins en voiture, vélo ou train et donc la capture est moins compartimentée. A une exception et elle est bien curieuse. Car Niantic se rend bien compte que la communauté de fans est mondiale et va donc proposer des pokémons continentaux exclusifs. Ô joie l'Europe récupère Mr Mime parce que... la France et donc finalement la collectionnite aïgue trouve un challenge de taille. Au-delà de l'aspect cliché et qui réduit chaque continent à une carte postale animale il faut bien noter l'absence de l'Afrique. Alors on le sait, le continent bénéficie de la plus faible couverture réseau (facebook notamment proposait une version lite de son application à destination des pays qui avaient le moins de ressources en données) mais le rêve japonais en prend un coup. Et si l'idée est bien de faire valoir l'exception culturelle (ou spéciste tout du moins) des régions du globe on se doit aussi de rappeler que la formidable invention qu'est le zoo nous permet de pouvoir avoir à quelques heures de Paris des pandas, kangourous et autres félins en tout genre.
Ce qui est ironique c'est que PkmnGo débarque dans un 21ème siècle ultra mondialisé et globalisé où par besoin de conservation (et un peu de tourisme hein) les espèces animales, les cultures, bref la singularité se retrouve partout à tout moment. Et la licence dès son début à toujours eu à cœur de s'inspirer d’éléments de régions spécifiques de notre planète tout autant que lesdites régions pour proposer des villes radicalement marqués par un climat, une particularité visuelle ou quoi que ce soit justifiant l'apparition spécifique d'un type de créatures. Alors, quand débarque l'application avec un Mystherbe en pleine zone industrielle ou un Salamèche posé près des côtes, on se dit qu'il ne faut plus chercher aucune logique, quand bien même le jeu tente d'en réinstaurer une avec ses pokémons géographiques. L'opération sera renouvelé avec de nouvelles régions pour la G2 puis perfectionné avec par exemple Prismillon, un papillon disposant de plusieurs couleurs différentes qui correspondent à autant de zones spécifiques non limitées à une région (la forme Blizzard peut se trouver aussi bien en Suède qu'en Russie ou au Canada). Mais qu'est-ce qui empéchait de proposer une génération par région du monde quand on voit rien qu'en Europe la diversité de climats et biomes ? Peut-être encore une fois la volonté de proposer au casu, l'opportunité d'avoir toute la G1 iconique et de ne pas jalouser l'autre bout du monde.
La plus grosse incohérence n'est pourtant pas dans sa répartition des zones naturelles mais bien des zones habitées.
Pokémon c'est un concept simple, des villes où l'on se combat ou prend soin de ses compagnons (y a déjà là une dissociation assez succulente) et des "routes" ou zones libres de captures (et un peu de combat aussi). Seulement PkmnGo c'est un concept presque inversée, car en se basant sur les données récupérées d'un de leur précédent jeu, Ingress, Niantic est donc dépendant de la concentration de joueureuses à un endroit donné. C'est bien beau de dire à tout le monde d'aller prendre en photo et renseigner des informations sur tout les points d'intérêt du globe, mais il y a naturellement une tendance à ce que des monuments, des rues rigolotes ou juste des gares attirent bien plus qu'une fontaine perdue en haut d'un massif montagneux. Le constat apparaît alors très vite à toute la communauté : les campagnes sont désertes. Et ça de la première génération jusqu'à actuellement. Au-delà du problème de couverture réseau dans des coins reculés qui rend l'application inutilisable, beaucoup de villages se retrouvent avec un simple pokéstop, nécéssaire pourtant à l'obtention d'objets et aucun point de repère pour savoir où trouver les quelques créatures qui n'apparaissent donc même pas sur le radar. Un comble ! Un jeu qui devait appeler à l'aventure et à la reconnexion avec la nature vous encourage à rester proche des centres commerciaux qui auront décrochés de juteux partenariat pour vous faire obtenir des exclusivités.
Pokémon Go n'est pas ce jeu vaguement écolo qui voulait sensibiliser sur le réchauffement climatique ou l'industrialisation toxique, il est le capitalisme même. La campagne n'est pas digne d'intérêt, certains continents n'existent pas et la ville est tout.
Et au jeu de perdre sa substance car misant tout sur la réunion massive de joueureuses à un endroit donnée (donc souvent des villes) plutôt que de partir s'échapper au gré des rencontres aléatoires. Et là encore tout se fait dans un processus assez long. Car au début même si les vidéos de gens courant en meute dans les parcs avaient fait le buzz, le niveau d’interaction était de zéro. On échange pas, on ne peut pas discuter, s'envoyer des photos, se combattre. Le monde est illusoirement peuplée uniquement de bestioles alors qu'en levant le nez on se retrouve dans un métro entouré•e d'êtres humains. Les améliorations viendront, année après année mais malheureusement trop tard pour que les casuals et les personnes en attente d'une vraie expérience ne soit pas déjà parties. Aujourd'hui le jeu propose des challenges d'équipes mais combien de gens jouent seul•es dans leur coin ? On peut désormais faire des raids légendaires à plusieurs mais la solution la plus viable est de rejoindre des communautés en ligne pour s'inviter à distance. On combat avec des inconnu•es, le temps de se dire un "GG" sur Discord et hop, retour à la vie normale. Des guerres entre les 3 équipes (jaune bleu et rouge) éclatent dans les diverses arènes mais ce ne sont que des dresseureses de passages.
Il faut bien aussi évoquer le Covid qui a été un obstacle de poids pour un jeu prônant la marche jusqu'à très loin et la rencontre en physique des personnes. Paradoxalement le confinement rendra le jeu bien plus accessible puisque des aménagements seront mis en place pour effectuer des combats à distance et cette fois-ci c'est bien les personnes résidentes en campagne, loin du tumulte de la ville et des contrôles de police qui tireront leur épingle du jeu. Mais fatalement l'expérience de jeu en prendra un coup et la communauté redoublera d'intelligence pour contourner les règles...
Et la triche est même un gros sujet de la communautés, avec la possibilité par exemple de voyager partout où l'on veut dans le monde en "flyant". Les développeureuses mettront bien sûr tout en place pour stopper l’hémorragie, comme ils interdiront les cartes interactives permettant de savoir où se trouve un Ronflex tant espérer. Et ce n'est pas que dans une optique de fair play, c'est surtout, vous vous en douter, pour le POGNON.
Là non plus je ne vais pas refaire tout une thèse sur les free-to-play et les joueureuses baleines mais la formule économique de PkmnGo est claire, tout peut se faire gratuitement, tout est plus simple avec de l'argent. Les pokéballs, potions et rappels bien connus des fans s'obtiennent avec moults quêtes, pokéstops et évènements impromptus mais une boutique existe depuis les débuts (ça y a pas eu besoin de réfléchir à des améliorations visiblement). Et en même temps pourquoi pas puisque les shops sont un élément indissociable de la licence. Mais l'on pourra toujours débattre des prix (car si l'on gagne un peu d'argent virtuel, il est bien question ici de sucer jusqu'à la moelle le compte bancaire de personnes parfois mineures) et de la volonté de créer une communautés hardcore réunie surtout par sa capacité à payer. Beaucoup d'évènements communautaires en effet s'obtiennent avec des pass, moyennant quelques euros et qui cassent bien l'image d'un jeu voulant réunir le monde entier. Et quid de l'habitant•e de la Creuse qui faute de pouvoir se procurer gratuitement des items devra bien passer à la caisse sous peine de voir son expérience de jeu inexistante ?
Oui ce genre de free-to-play a un côté nauséabond, parce que proposé par une entreprise qui fait péter les scores sans rien sortir de nouveau et qui donc volontairement rend l'expérience gratuite laborieuse pour pousser au micro paiement. Je n'ai aucun souci avec l'achat de vêtements pour avatar ou autre collectionables mais force est de reconnaître qu'en étant même pas fichu d'avoir encore dévoilé toute les créatures des neufs générations ou corrigé les nombreux bugs (faisant parfois perdre des consommables qu'on peut payer, je viens d'en faire l'expérience (je n'ai rien payé mais j'ai perdu un objet que j'aurais pu payer à cause d'un bug)) Niantic et la Pokemon Compagny ont surtout l'air motivé par la recherche du profit maximum, proposant une boutique toujours plus fournie.
Tout comme certains jeux Mario que je maudis pour leur absence de contenus massifs, Pokémon m'a toujours frustré par sa timidité à enfin réunir les plus de 1000 créatures du bestiaire dans un seul jeu. Et force est d'avouer que la version mobile est pour l'instant la plus proche de ce doux rêve même si encore une fois, tout n'est pas accessible au même moment et qu'entre deux évènements excitants et riches en nouveautés, PkmnGo traverse d'énormes phases de creux, reproposant toujours les mêmes choses pour les retardataires qui arriveraient à peine. Paradoxalement, les parties semblent donc toujours en constante évolution en même temps que piégées dans le temps, depuis maintenant une décennie. Mais surtout le jeu est terriblement déshumanisé parce que vide de tout enrobage. Le lore est pratiquement absent, la team rocket est là juste parce qu'elle est méchante, les monstres légendaires apparaissent parce qu'un calendrier l'a teasé à l'avance et la carte où évolue notre avatar n'a aucune consistance. Plus qu'un jeu, on est bien face à une app, un compagnon de jeu pourrait-on dire qui ne se cache pas de n'être que ce qu'il est. PkmnGo sait qu'il existe conjointement à d'autres vrais opus de la licence dont il fait régulièrement la promotion. Il est une vitrine de promotion en même temps qu'un concurrent un peu malade. Comme de nombreux jeux portables il réduit l’interaction à de courtes phases lors de ballades ou d'ennui au boulot. Comme toute l'expérience utilisateur sur smartphone, il prône l'utilisation sur le pouce alors même qu'il tente aussi de vous rendre accro avec toute ses notifications et interactions à ne pas louper. Comme toute la licence, le jeu se perd aussi dans les 3000 formes alternatives de pokémons, qu'iels soient shiny, mega, gigamax ou d'autres mots un peu absurdes. Comme une grosse partie de l'industrie vidéoludique, il axe une grande partie de sa raison d'être à vous faire collectionner des choses. Alors oui Pokémon l'a toujours fait mais ici cela en devient presque maladif. Le farming qui impose de capturer beaucoup de fois un même monstre de poche pour ensuite pouvoir le faire évoluer rend le jeu bien plus bête que de devoir comprendre les subtilités de combat. Pour les casual gamers, on oubliera les paralysies, sommeils et autres états secondaires. Les attaques veulent tout et rien dire et il suffit juste d'avoir des stats élevées et savoir s'entourer le moment venu.
Mais c'est dans son message que le jeu rend le plus triste. Car voilà, Détective Pikachu avait essayé de rendre logique et même drôle l'intégration du bestiaire à un monde réaliste. Les flics ont des Arcanins, les Dracofeus font des combats illégaux et Pikachu est détéctive. C'est très niais mais il y avait une tentative. Dans PkmnGo, la nature n'existe pas. Toute la carte est monochrome, tel un vulgaire plan google maps. Le climat ou la géographie n'a aucune importance. Les mégapoles sont attractives, pleine de choses à faire et de créatures à capturer. Et l'on marche, de nombreux kilomètres, 3500 pour ma part. J'aurais presque pu aller à pied au pôle nord ou au fond de la Géorgie. Alors oui, bêtement, je me suis motivé à arpenter des coins inconnus autour de chez moi, à braver les éléments pour marcher autour d'un monument. J'ai redécouvert les paysages (urbains et naturels) tout autant que je les ai beaucoup loupés, le nez rivé à l'écran. Et la formule est addictive, c'est un fait, quand bien même je continuerais de la critiquer. Mais plus j'y pense et plus je me dis que si les pokémons avaient vraiment existé, je ne crois pas que leur monde serait aussi idyllique que ce que nous a vendu la licence depuis plus de 20 ans (par idyllique j'entends déjà qu'on ferait combattre pour aucune raison des animaux de compagnies qu'on aime pourtant d'amour). Car comme dans Pkmn Go où l'on capture 15 Ratatta qu'on relâche aussi tôt juste pour en faire évoluer un seul, notre monde verrait les créatures comme des consommables. On les chasserait, les mangerait, les exploiterait (et pas juste les Charpenti pour faire du bâtiment) comme on le fait déjà avec les animaux, et bien souvent les humains. On épuiserait les ressources de la nature, dérégulerait les populations, on sera envahis d'insectes nuisibles et aurions des fermes massives d'Ecrémeuh. Les combats seraient peut-être bien la moins pire des choses qui les attendraient car ce serait bien le seul cas où il faudrait prendre soin d'eux, veiller à leur évolution. Dans quel autre cas quelqu'un garderait un renard qui vous menace de plusieurs générations de malédictions si vous touchez l'une de ses queue ? Nous n'avons pas inventé les pokéballs mais on transporte bien nos chats et chiens dans des caissons ridicules pour les amener en vacances.
Pokémon, notamment dans ses versions de Galar, nous sensibilise sur l'impact de nos modes de vies sur la biodiversité. Il invite à la spiritualité et aux respects de formes légendaires qui nous dépassent. Il prône le voyage comme une rencontre de l'autre, un apprentissage de toute une vie. Il enseigne aux enfants que tout est possible avec persévérance et chaque chose à sa place dans l'univers.
Sa version GO elle, nous propose juste une réduction de 35% sur un pack de 30 pokéballs.