Je me souviens d'Exhumed.


J'ai eu la chance de pouvoir y jouer sur Saturn quand j'étais enfant. C'est mon père qui avait eu le bon goût de se le procurer, en plein dans sa période de joueur. Lui qui était déjà acquis à la cause de DOOM avait sûrement du être attiré par cette nouvelle itération d'un genre encore naissant et qui a bouleversé le monde du jeu vidéo.


Je me souviens de cet univers égyptien qui mélangeait des armes modernes et des créatures mythiques. Du tombeau de Ramsès et de la mystérieuse cité de Karnak. De cette musique typique de la représentation hollywoodienne de l'Egypte antique, du bruit strident des araignées qui s'opposait au son vif d'une machette. Et... c'est à peu près tout car le jeu était extrêmement difficile. Du moins à l'époque, avec la manette de Saturn, nous n'avions jamais réussi à aller beaucoup plus loin que le troisième ou quatrième niveau. C'est pourquoi l'annonce de ce remaster à fait remonté en moi ces quelques souvenirs d'un jeu qui m'avait fasciné, mais dont je n'avais jamais pu en apprécier que des bribes, un court échantillon. C'était comme avoir joué à une démo. L'heure de la revanche avait donc sonné, il était temps pour moi d'enfin boucler la lourde tâche inachevée de libérer la vallée de Karnak de ses sinistres agresseurs.


C'est encore une fois l'excellent studio Nightdive qui a mit la main à la pâte. Leur réputation dans le milieu n'est plus à prouver aujourd'hui, la qualité de leurs remasters parle pour eux. Sauf que cette fois-ci ils ont décidé de s'attaquer à un cas un peu plus particulier car il leur était impossible de se contenter d'adapter le jeu sur leur moteur maison, le Kex Engine, pour la simple raison qu'il en existe plusieurs versions différentes. Ce n'était pas si rare à l'époque de voir un jeu PC entièrement réadapté en raison des trop grandes différences d'architecture des consoles. On pensera tout de suite à DOOM 64 qui devint finalement une expérience très différente du jeu original. Dans les cas d'Exhumed ou Powerslave, comme il est appelé aux Etats-unis en référence à un album d'Iron Maiden, la version Saturn fut la première à voir le jour en fin 1996. Suivit d'une version PC (MS-DOS) et Playstation en 1997. Les différences sont ici bien plus profondes qu'un simple portage et il convient de bien les dissocier.


Mettons d'abord de côté la version PC qui est à part et un pur Doom-like comme il en existait tant à cette époque. Un jeu néanmoins solide qui reste un des grands représentants du Build engine. Mais ce n'est pas celui-ci qui sera utilisé dans le présent remaster, Nightvide ayant décidé de se pencher sur les versions console. Car oui, la vision originale d'Exhumed de Lobotomy Software, les créateurs, est bien contenue dans les CD-rom Saturn et Playstation, n'en déplaise aux "PC master race".


Les deux Exhumed sur console sont donc sensiblement le même jeu, avec tout de même quelques variations importantes. La mouture dédiée à la machine de Sega possède des niveaux plus vastes et plus ouverts, ainsi qu'un meilleur éclairage et quelques spécificités propres comme le "rocket/grenade jump". Le portage Playstation avait été l'occasion pour les développeurs de rééquilibrer le gameplay et de faire des changements dans le level-design, les ennemis, etc. En résulte une expérience très différente. Pour les besoin de ce remaster, Nightdive à eu l'excellente idée de combiner les deux versions pour créer un mélange unique qui retient les spécificités de chacune. L'exemple le plus probant sont les ennemis de base qui sur Saturn sont des araignées rouges et sur PS1 des scorpions bleus. On à donc maintenant les deux qui apparaissent de façon aléatoire. Le meilleur des deux mondes.


Outre l'aspect graphique qui prend maintenant en charge les résolutions 16:9 (avec hélas une légère déformation), des textures hautes-résolutions et tout un tas d'options entièrement paramétrables, le gameplay a aussi le droit à quelques ajustements notables. Tout d'abord, la sauvegarde rapide n'était pas possible sur console. En cas de mort, il fallait recommencer le niveau dans son entièreté, comme c'était d'ailleurs d'usage dans ces années là. C'est ainsi que le jeu a été pensé, mais il est pourtant évident que cela risquait de poser quelques problèmes au vu des standards actuels du jeu vidéo. Pour rendre l'expérience moins frustrante, et surement éviter d'éventuels retours négatifs dès la sortie du jeu, Nightive a décidé d'ajouter un système de checkpoints en disséminant plusieurs scarabées à activer dans l'ensemble des niveaux. L'idée est bonne car la progression et le challenge restent intactes tout en rendant le jeu beaucoup moins punitif. Il faut dire que la difficulté devient assez élevée dans la seconde moitié.


Cette difficulté est causée en partie par la grosse hitbox du personnage, qui a été laissé telle quelle par soucis d'authenticité. Elle tellement énorme qu'elle empêche de se coller aux murs ou aux entités. Elle rend surtout l'esquive des projectives très compliqué, tout particulièrement dans les lieux étroits (et ils sont nombreux). Il n'est pas rare de se faire toucher alors qu'on pensait pourtant être suffisamment éloigné. Difficile de retrouver les sensations propre à un DOOM ou un Quake, où ce genre d'esquive peut se faire au pixel près, ou presque. Cela rend les combats moins satisfaisants, obligeant parfois dans certaines situations à échanger des dégâts avec l'ennemi en espérant le tuer le plus rapidement.
Les armes avaient aussi la particularité d'être volontairement imprécises, conçus pour le tir au jugé et la visée automatique verticale qui était la norme sur les tout premiers FPS. Surtout que celui-ci à été pensé pour être joué à la manette. Le remaster choisit de désactiver complètement cette fonction "auto-aim", la compatibilité avec la souris étant évidemment totale. Cela créé un jeu assez étrange dans ses mécaniques de tirs, plus brouillon que ses homologues. Nightdive fait tout de même le bon choix d'obliger le joueur à viser pour tuer, améliorant l'expérience globale dans le bon sens.


S'il ne brille pas forcément pas ses grandes qualités de shooter, ce qui rend Exhumed si intéressant et le candidat idéal pour un remaster, c'est la façon unique avec laquelle il mélange les genres. Pour aller droit au but : c'est un Metroidvania ! Eh oui, s'il conserve une progression fragmentée sous forme de niveaux, Exhumed incorpore toutes les composantes de ce game-design qui a aujourd'hui acquis ses lettres de noblesses. Au fil du jeu de nouvelles capacités et objets se débloquent, permettant d'atteindre des endroits auparavant inaccessible. Il est donc souvent nécessaire de revisiter certains niveaux une fois une nouvelle compétence en poche afin d'y dénicher quelques secrets et surtout de nouveaux embranchement vers d'autres cartes.


A titre d'exemple, Karnak est le lieu dans lequel il faudra souvent revenir car il fait office de croisée des chemins avec pas moins de quatres destinations possibles. Au tout début il n'est pas possible de sauter très haut, malgré la sensation lunaire des bonds que fait le personnage (un peu à la Masterchief). Rapidement le joueur découvrira les sandales d'Ikumptet qui lui permettront de bondir beaucoup plus haut et donc de passer par dessus certaines corniches qui demeuraient infranchissables dans la ville de Karnak. C'est du pur Metroid mais dans un FPS. D'ailleurs au moment où le joueur acquiert une compétence, le jeu fera en sorte qu'il soit bloqué et ne puisse continuer qu'en utilisant la-dite compétence. Exhumed reprend cette façon très intelligente qu'à la série culte de Nintendo d'apprendre au joueur comment jouer au jeu en… lui faisant jouer au jeu. Bien joué Lobotomy Software.


L'exploration est donc une composante principale de Powerslave Exhumed. De nombreuses phases de plateformes, souvent agrémentées de pièges mortels, rythment la progression et se mêlent habilement aux phases de tirs. Il est même possible de faire de la plongée sous-marine, de détruire certains murs qui apparaissent craquelés et bien d'autres choses dont j'éviterai de gâcher la surprise. Toujours dans l'esprit Metroid, le système de soin et de munitions se fait sous forme d'orbes de couleurs : les rouges régénèrent la santé, les bleues rechargent le compteur de munitions de l'arme équipé. Simple. Et cela donne en plus la liberté au joueur de choisir quelle arme il souhaite prioriser. Ces orbes sont soit lâchées par les ennemis, soit dissimulées dans des contenants. Beaucoup plus rares, les ankhs qui sont très bien cachés et donneront une barre de vie supplémentaire, à l'image des "health tanks" de Samus. Ce qui est vital étant donné la dangerosité des adversaires qui frappent très fort. Le jeu est d'ailleurs assez sadique car les fameux vases, ou contenants car ils existent dans toutes les formes, s'ils sont une source salvatrice de soins et munitions dans les débuts, deviennent au fil de la progression aléatoirement piégés. D'abord par des ennemis, puis carrément des bombes… Pas cool, surtout dans les moments critiques.


Que dire du level-design ? Chaque bon FPS se devait d'avoir son lot de bon niveaux et Exhumed ne déroge pas à la règle. S'ils sont moins vastes et possèdent moins de secrets que dans un DOOM II ou un Heretic, peut-être à cause des limitations des consoles, ils n'en restent pas moins complexes et plus verticaux. Beaucoup d'embranchements, des pièges, une progression non linéaire et parfois labyrinthique… deux caractéristiques qui peuvent s'appliquer à la fois aux Metroidvania et aux Doom-like. En règle général chaque carte est construite autour d'un thème visuel et d'un design particulier, renforçant leur caractère unique. En partie grâce à cela le jeu parvient à bien se renouveler tout du long.


Malgré les défauts de l'âge, il faut absolument jouer à ce jeu.
Powerslave Exhumed est unique pour son époque et restait jusqu'alors injustement méconnus. Saluons l'excellent travail d'adaptation de Nightdive qui aide également à la préservation des œuvres vidéoludiques dans le temps. Je lui colle l'étiquette de Metroidvania, mais c'est d'une manière rétrospective vu que Symphony of the Night sortira quelques mois plus tard. C'est un véritable avant-gardiste et à ma connaissance le premier à avoir mélangé un FPS avec le game-design d'un Metroid, et seulement deux ans après le légendaire Super Metroid. Disons le clairement, c'est Metroid Prime avant l'heure.


Apprécions pour finir l'habile jeu de mot contenu dans le nouveau titre "Powerslave Exhumed" ou littéralement "Powerslave exhumé". Sorti de son sarcophage et ressuscité pour être découvert par une nouvelle génération de joueurs et peut-être enfin gagner la reconnaissance qu'il mérite, sa place parmi les grands.



Tell me why I had to be a Powerslave.
I don't wanna die, I'm a god.
Why can't I live on?



Iron Maiden, Powerslave, 1984


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le 1 mars 2022

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Karadras

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