Prey
7.4
Prey

Jeu de Arkane Studios et Bethesda Softworks (2017PC)

"Alors Prey c'est le Disho dans l'espace trololol."


Voilà peu ou prou l'image que la planète entière me renvoyait de Prey entre sa sortie il y a quelques années, et le moment où j'y ai enfin touché, il y a quelques mois.


Et quelque part, ma foi, ce n'était pas si faux que ça. Même studio que les Dishonored (enfin, oui et non puisqu'on a là un bébé d'Arkane Austin, pas de Lyon), même moteur, mêmes mécaniques de gameplay de base... La tentation du raccourci facile est donc très forte, mais comme je ne suis pas fan des petites phrases toutes faites, tentons-donc de creuser un peu au delà.


Avant toute chose, un peu de contexte. Vous êtes Mme ou M. Morgan Yu, soeur ou frère de M. Alex Yu. C'est le grand matin, vous vous préparez en vue de votre transfert sur Talos One, la grande station spatiale construite par le pater familias à diverses fins scientifiques et commerciales. Un petit bijou d'architecture céleste qui ferait passer l'ISS pour une simple boite de conserve (notez bien qu'elle en a déjà l'air même sans objet de comparaison, mais oublions). Il fait beau, le générique -très stylé- sent bon le sable chaud, tout ne peut bien sûr qu'aller pour le mieux en cette belle journée qui s'annonce.


Evidemment -vous l'aurez compris car vous êtes de grandes personnes- il n'en sera rien mais ça, je vous laisserai le découvrir par vous-mêmes.


Le premier truc qui frappe manette en main est bien entendu la patte Arkane : le moteur / gameplay de Disho, quoiqu'affiné, est bel et bien de la partie. Les premières minutes sont ainsi à la fois très familières et très déconcertantes. Une telle jouabilité pour de la SF ? Vraiment ? Allez, soyons fous, profitons à fond et respirons un bon coup de ce bol d'air frais, après tout on aura bien le temps de suffoquer plus tard dans la vacuité de l'espâââce...


Puisqu'on évoque Disho (promis après j'arrête), je dois confesser un désagréable point commun que j'ai ressenti sur ce Prey : comme sur Disho 2, j'ai mis quelques petites heures à bien rentrer dedans. Non pas que le jeu soit mauvais (loin de là), mais je ne sais pas... Une fois dans Talos One, le tout est si froid, si aseptisé, même pas un petit Outsider à se mettre sous la dent... Non la vraie chose qui m'a fait peur en début de partie fut une peur de me perdre dans le lore. Car il faut bien comprendre qu'au sein de l'équipage (et des passagers), chaque personnage est unique : il se voit doté d'un nom, d'un petit background, d'affinités (ou pas) avec tel ou tel collègue, d'une affectation, d'un bureau et d'un destin propre une fois la catastrophe en place. C'est vraiment une chouette idée, mais au point pour moi d'en devenir intimidant pour qui débarque au milieu de ce petit monde, qui se connait déjà très bien (je sais, je suis une petite nature).
Mais le jeu est suffisamment bien fichu pour que tout se structure finalement bien dans notre tête, et l'on suit avec intérêt une intrigue plutôt bien ficelée dans le genre "SF à bestiole en huis clos". Le lore pour commencer propose une base intrigante puisqu'on plonge cash dans l'uchronie bien grasse nous contant un Kennedy non assassiné, briguant même un second mandat durant lequel il collaborera avec Khrouchtchev, notamment sur la construction d'une première station spatiale commune. Vous vous en doutez, c'est là une information qui pourra éventuellement servir...


Le jeu se voit donc doté d'une certaine richesse d'écriture (peut-il en être autrement venant d'Arkane ?) malgré un pitch principal pouvant avoir une apparence inverse. On va pas se le cacher, le coup des vilaines bestioles (ici dénommées Typhons, prononcer Thaï-foune) qui veulent vous croquer dans un huis clos spatial, ce n'est pas l'innovation du siècle. Ce qui l'est un peu plus en revanche, ce sont les Mimics, ennemis devenus emblématiques de par leur capacité à se camoufler en n'importe quel objet inerte du jeu : mug, chaise, munitions, tubes à essai, paquet de chips... : savoir que tout peut vous sauter à la tronche à chaque instant fonctionne vraiment pour instaurer un sentiment d'angoisse permanente au joueur. D'autres ennemis suivront, plus ou moins classiques, mais pas plus rassurants pour autant.


Heureusement, nous pourrons pour notre survie nous appuyer sur tout un tas d'armes et surtout d'améliorations déblocables via deux arbres de compétences (un humain, un Typhon) permettant une certaine liberté d'action, à la fois dans l'exploration, les situations et les fins qui en découlent. Une des principales différences de game-design avec Disho est l'implémentation d'un système de recyclage et de craft. Futur (écolo ?) oblige, sont désormais disponibles des machines transformant tout objet en éléments basiques de construction, que l'on peut ensuite assembler dans une autre machine visant à la construction. Associé à un inventaire limité (à la Diablo), il découle de ce système toute une gestion de ce qu'on doit garder, transformer ou laisser par terre la mort dans l'âme. Idée géniale qui amène sa petite touche de stratégie comme on aime. A noter à ce sujet la présence de l'excellente "Bethesda touch", qui consiste à donner à chaque item de loot une existence propre, qui fait qu'il ne disparaîtra jamais, où qu'on soit sur la map, quelque soit le temps qu'on le laissera traîner par terre. C'est une feature que j'apprécie beaucoup sur les Fallout/TES, que j'ai été agréablement surpris de retrouver ici. Et histoire de compléter le tableau, existe également une petite grenade à loot, item inusité transformant tout objet ou mob à sa portée en brique élémentaire. Fun.


Mais parce que refroidir du Typhon ne fait pas tout, quel plaisir également que de se déplacer dans Talos One, construite autour d'une idée de l'exploration plutôt raffinée : goût de la décoration, variation des différents quartiers... le tout doublé d'un véritable travail sur la verticalité des installations (explorables via un canon à mousse expansive, directement tiré de Shadow Complex), ainsi que de la navigation en apesanteur. On a beau perdre la notion de haut et de bas dans l'espace, la jouabilité smoothie de ces phases en font toujours des moments très plaisants, tant en combat qu'en reconnaissance. Le tout au gré des différentes surprises qui s'offrent à nous (les mini histoires des PNJ rôlistes ou bricoleurs, les objets insolites et leurs utilisations, les divers faux semblants et twists scénaristiques, jusqu'au finish...).


Prey sait donc se montrer séduisant sur la durée une fois bien assimilés les prérequis de son univers et ses particularités de gameplay. Il sait intriguer, il sait effrayer, il sait amuser, il sait émouvoir, tout en sachant aussi assumer ses influences : on se surprend au fil de l'eau à discerner le fruit d'illustres références de type Alien, Bioshock, Portal, The Truman Show, System Shock ou encore Total Recall : on a vu pire.


Mais ce que je retiens au final, c'est qu'au delà du scénario et de l'action qui forgent l'expérience, Prey raconte aussi quelque chose sur notre époque. Qu'est-ce que Talos One sinon le fantasme d'un futur proche de l'industrie spatiale actuelle ? Sorte d'ISS ultra-deluxe, elle reste une station unique, privée, vouée à faire avancer la science et l'économie spatiale (industrielle comme touristique). Elle est financée à coups de milliards par une holding multinationale qu'Amazon ou Space X ne renieraient pas aujourd'hui. Pour quel avenir ? Peut-être qu'un petit Prey 2 pourrait nous en suggérer davantage...

Kaiser-Panda
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Créée

le 17 avr. 2022

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Kaiser-Panda

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