Ce jeu fabuleux mais que je ne peux aimer... Ou l'ironie du temps qui passe.

Avant de commencer, si vous êtes choqués par la note que j'ai attribué à ce jeu vous devez comprendre la chose suivante : pour moi une note n'a aucune valeur en soi quant à évaluer un jeu ou un film ou quelconque autre oeuvre. Mon 5/10 ne sanctionne pas tant la qualité du jeu que mon "ressenti" face à ce dernier. Bon c'est un peu de l'ordre de l'évidence que lorsque l'on donne un avis on livre un ressenti, mais en ces temps de crispation générale où tout devient un prétexte à aiguiser les fourches et à livrer des impies au bûcher; il est bon de la rappeler cette évidence. Aussi je ne donne pas cette note dans une volonté absurde de me distinguer de la masse afin d'être à contre courant. Une manière condescendante pour moi de me hisser au dessus du tout venant et d'aller dans la direction de la contre hype (phénomène que je trouve encore plus débile que la hype). Comme le dit le titre de cette critique, je considère Red Dead Redemption II comme étant un jeu fabuleux... sauf que je n'y accroche définitivement pas. Et ici, plutôt que de livrer une critique; je vais surtout tenter, dans une démarche totalement nombriliste, de comprendre pourquoi je suis incapable d'apprécier un jeu qui a pourtant tout pour me plaire.


Alors on va parler de tout le positif dans un premier temps, histoire d'expédier les évidences. Vous l'aurez vu si tant est que vous n'êtes pas Gilbert Montagné, le jeu est beau... Vraiment très beau. Les développeurs de chez R* ont des talents relevant limite de la prestidigitation tant le résultat à l'écran est un modèle d'optimisation. Pour info je fais tourner le jeu sur ma PS4 fat, qui a une architecture de 2014 et la claque demeure. Pas un poil de tearing, ni clipping malgré une végétation dense, un framerate assez constant, une profondeur de champs hallucinante... Alors certains Jean Krafismes trouveront bien le moyen de gueuler après une ou deux textures un peu cradingue, le fait que le jeu ne tourne qu'à 30fps... et à ces derniers j'ai juste envie de dire de la fermer. Quand on voit la somme de détails s'accumulant afin de crédibiliser cette open world tels que les effets sur la boue ou la neige, les animations de la faune et des PNJ... Il faudrait être un blasé de première pour cracher sur la qualité technique du soft pour deux ou trois défauts minimes alors que le rendu global demeure impressionnant. Un peu comme des parents trop exigeants qui reprocheraient à leur gamin de ne ramener que des 19/20 et non des 20/20. C'est quoi l'intérêt de gueuler pour ces Jean Krafismes ? Ils semblent persuadés que ce sont leurs critiques qui amèneront les développeurs à se transcender la prochaine fois... Sauf que non. Quand on voit le soin global apporté à l'aspect technique du soft, on se rend compte que l'on est fasse à des développeurs ultra talentueux et motivés qui ont fait tout ce qui leur était humainement possible de faire afin de transcender les limitations techniques qui leur étaient imposées. Il est clair qu'ils n'attendent pas les critiques de quelques gamins en pyjamas obsédés par les 60fps pour eux même regretter de ne pas pouvoir faire tourner le soft avec ce framerate et que si ils le pouvaient, ils le feraient. Alors oui, RDR 2 est sans doute LA claque technique de cette génération et on ne pourra jamais lui enlever ça. En outre il faut aussi souligner le soin apporté sur l'aspect sonore du jeu. Qu'il en soit des effets sonores, de leur spatialisation, des doublages, des musiques... là aussi ça défonce sévère.


Bon maintenant que ces évidences sont relevées, attaquons nous à l'essentiel à savoir le pourquoi j'accroche pas et la réponse à cette question se révèle finalement assez limpide : le temps. Voyez vous, la vie nourrie cette douce ironie qui veut que lorsque l'on vieilli, alors que l'on a davantage les moyens d'assouvir nos envies, on trouve moins de temps afin de le faire. Si ce RDR II était arrivé tels quels, il y a 10 ans de cela et bien je l'aurai encore plus surkiffé que le premier. Pire encore, je me rend compte que tout ce qui fait que je n'accroche pas à ce jeu aujourd'hui, bah c'est exactement tout ce que je regrettais ne pas trouver dans le premier. Car oui, bien que ce dernier fasse partie de mes jeux préféré, j'ai toujours déploré le fait qu'il ne poussait pas le côté "cow boy simulator" plus loin. Et alors que je me retrouve face à sa suite, qui bénéficie de cet aspect, tout en conservant les qualités du premier (réalisation, écriture, soins apporté à l'univers) et bien... non je n'arrive pas à l'apprécier.


Je m'explique. Si il y a un défaut récurent qui venait à la bouche de certains concernant le 1er opus sorti en 2010 c'est que finalement il n'était qu'une déclinaison de la formule GTA mais avec une skin "western". Et encore une fois, alors que j'adore ce jeu, je ne pourrais pas contredire ce fait. Alors ce qui comptait réellement c'était le soin apporté au contexte du jeu qui était superbe et à lui seul permettait de le distinguer d'un GTA, mais dans les faits, les mécaniques et la structure interne étaient similaires à la licence phare de R*. On se déplaçait d'un point A à un point B pour trouver des missions que l'on accomplissait avec souvent la même finalité (poursuite ou fusillade). Et visiblement même R* semblait conscient de ce défaut. Ainsi avec RDR II, surement dans une volonté de distinguer cette IP de leur autre licence phare, ils ont œuvré à enrichir les systèmes de jeu s'axant sur le craft, la survie, le lien avec la monture... bref des chose censées renforcer l'immersion du joueur dans une univers où ce dernier se trouverait tout petit et où lui faudrait composer avec ces systèmes afin de réellement pouvoir évoluer à son gré dans ces terres hostiles. Et c'est là où vient mon problème majeur avec le jeu.


Alors je ne critique pas en soi ces systèmes pour ce qu'ils sont mais surtout pourquoi ces derniers ont contribué à me sortir de l'expérience proposée par le soft. Et le problème majeur pour moi vient de comment ils sont introduits, c'est à dire d'un bloc dès les premières minutes... Sauf que pendant que le jeu tente de nous expliquer toutes ses features, bah à côté il déroule aussi son histoire, il tente aussi de nous immerger... Et moi, bah je dois être fondamentalement limité, parce que mon attention ne peut pas se porter à la fois sur l'appréhension de mécaniques et la narration... en tout cas pas avec autant de mécaniques à appréhender. Pour dire, j'ai trouvé le début catastrophique. Et malheureusement c'est ce point de départ loupé qui a orienté toute mon expérience avec le soft.


Là, au delà du ressenti je vais faire une critique plus "objective" concernant la jouabilité et l'ergonomie de l'ensemble qui est selon moi un grand raté du titre. Disons le, mais au niveau de l'interface c'est brouillon et peu intuitif. Et quant à la jouabilité... Alors bien que j'ai apprécié les multiples options permettant de paramétrer cette dernière à ma guise avec par exemple l'idée judicieuse de distinguer le choix du type de visée que l'on soit à pied ou à cheval; je ne peux pas passer outre un problème de manque de souplesse dans l'ensemble. Alors j'en vois certains qui vont me parler de l'inertie du personnage, que c'est normal et que cela renforce le réalisme et l'immersion... Ok va pour l'inertie. Mais le fait que le mec galère autant dans les intérieurs et se prenne des murs, des meubles, tout ça parce que la précision des commandes répond peu présente, c'est pour le réalisme aussi ? Alors on peut s'accommoder de cette jouabilité hasardeuse ainsi que de cette ergonomie aux fraises, et nul doute que pour la grande majorité qui le fera, cela en vaudra la chandelle... mais en ce qui me concerne ça ne m'a pas aidé à apprécier le titre.


Mais ce qui a définitivement tué dans l’œuf toute ma volonté d'aller plus avant dans l'expérience proposée par R* c'est ce temps que j'ai évoqué plus tôt dans ma critique. Comme je viens de vous le dire, RDR II regorge de systèmes de jeux à appréhender afin de se plonger dans l'immersion. Certains assez basiques et clairs, d'autres plus "cryptiques" et peu expliqués. Au delà de ça il propose aussi un contenu assez énorme entre quêtes annexes, quêtes avec collectibles, options de personnalisations à débloquer pour le personnage... On peut se perdre dans ce jeu. Et ce n'est pas un défaut en soi. Juste que de par son postulat, accéder à toutes ces features et les exploiter va requérir temps et patience. Patience car dans un jeu où chaque trajet est assez long et où il n'y a quasiment pas de voyage rapide, devoir se taper toutes les distances nécessaires rien que pour arriver aux points d'intérêts risque d'être chronophage. Ensuite ces mêmes activités vont requérir la même patience avec un côté RP plus poussé. En outre, pour plus de réalisme chaque chose que vous faites, même la plus anodine va déclencher une animation qui va prendre du temps...comme par exemple le dépeçage. Alors nul doute que cela renforce l'immersion et beaucoup ne verront pas le problème avec ce que je décris. Et je comprend que vous adoriez cet aspect. Moi même je respecte énormément le fait que R* ose proposer au grand public une expérience privilégiant un rythme posé allant vers la contemplation , à cette époque où tout tend à aller dans le sens de l'immédiateté du plaisir de jeu et de la frénésie. Pour dire c'est même ce qui m'avait fait adorer le premier en 2010 : son aspect contemplatif.


Mais c'est là où l'on en revient à la problématique du temps. Avec l'âge, les priorités changent ça c'est un fait. On affirme ses goûts et même dans le cadre des activités de loisirs, ces dernières tendent à se cloisonner. On les priorise. Avec le temps, je me dois bien d'admettre que parmi tout les loisirs que je peux pratiquer, le jeu vidéo est sans doute celui que "j'apprécie" le moins. Au delà de mes activités sociales, je privilégierait toujours la découverte d'un film, d'une série ou d'un livre à un jeu vidéo. Là où la priorisation exerce un effet vicieux c'est qu'elle pousse aussi à diminuer notre "disponibilité intellectuelle". Pour ça lorsque je parviens à donner du temps à un jeu mon exigence vis à vis de ce dernier va vers l'immédiateté du plaisir de jeu et une progression fluide. Ainsi si je peux jouer à des jeux chronophages (mes deux derniers jeux sont quand même Yakuza Kiwami 2 et Assassin's Creed Origins, deux jeux longs), ces derniers se doivent de directement m'apporter un plaisir de jeu. Il est ironique de constater qu'au fur et à mesure que je vieilli mes attentes en terme de JV sont à l'opposé de mes attentes cinématographiques. Et il est d'autant plus ironique de constater qu'au fur et à mesure que je vieilli ce rapport s'est inversé (plus jeune je cherchais des expériences de jeux plus contemplatives). Ainsi lorsque je me retrouve face à un Red Dead Redemption 2, requérant tant de temps mais aussi d'investissement personnel; et bien ça ne passe pas. Ca ne passe pas parce que le gameplay n'est pas suffisamment jouissif dans l'instant pour me procurer un plaisir de jeu immédiat. Ça ne passe pas parce que je me sens écrasé par ces systèmes de jeu à appréhender. Le jeu est formidablement riche, mais en ce qui me concerne, cette richesse me fait fuir. D'ailleurs pour l'anecdote rigolote, alors que je croise un inconnu dans le jeu, qui me propose une quête de chasse aux trésors, mon premier réflexe a été de passer la cinématique et ensuite de le tuer... Pourquoi ? Parce que j'ai pris "peur" devant une autre couche venant se superposer sur une expérience que je trouvais déjà trop éparpillée.


Alors j'ai essayé pourtant. J'ai même relancé le jeu, mettant mon décrochage sur le compte d'un début mal foutu, m'ayant gavé d'informations m'empêchant de m'immerger complètement. Je me suis dis que maintenant que j'avais à peu près enregistré ces infos, j'allais pouvoir me concentrer sur le jeu et son immersion. Sauf que le mal était fait. Le premier rendez vous est manqué... Passé la découverte initiale, impossible pour le jeu de me surprendre à nouveau et de me scotcher comme il a pu le faire avec tant d'autres joueurs plus chanceux que moi. L'open world aussi beau, fourmillant de détails et de vie soit il, ne peut plus exercer sur moi une quelconque fascination. Tout ce que j'y vois au delà du tour de force technique impressionnant, je dois l'admettre, c'est une aire de jeu trop vaste, un gameplay poussif, des mécaniques trop opaques et trop présentes sans pour autant être "funs", un contenu trop éparpillé... Un jeu qui en fait trop pour moi, devant lequel je me sens écrasé.


Alors, je conçois et respecte totalement le fait que c'est justement ce que je reproche qui émerveille tant de personnes. RDR 2 est incontestablement un jeu généreux, fait avec les meilleurs intentions du monde (en tout cas venant des développeurs dont je salue le travail avec déférence). Mais pour moi, il est ce jeu qui m'en demande trop en terme de temps et d'investissement et ne m'offre finalement plus les choses que je demande à un jeu vidéo à cette heure, à ce moment de ma vie. Si il était arrivé ainsi il y a 10 ans, sans doute en serait il autrement. Mais pour l'heure, le constat qui s'offre à moi c'est : putain de temps qui passe...

Hunter_Arrow
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le 28 oct. 2018

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