Red Dead Revolver
6.8
Red Dead Revolver

Jeu de Rockstar San Diego et Rockstar Games (2004PlayStation 2)

Quand une oeuvre est marquée par deux cultures

Il était une fois, un jeu, une oeuvre qui a grandi parmi un peuple intelligent et ayant une conception de la vie ma foi très décalée. Arrivée à un stade avancé, quelle surprise fut pour le jeu quand il a été abandonné par les siens, laissé à l’agonie sur un sol humide et froid dans une cave qui est rempli déjà de projets avortés dans un état piteux comme lui, tels que The Last Guardian et Prey 2. Mais la vie est remplie de surprise, très vite, il fut récupéré par un gang de branleurs au grand coeur. En quelques mois seulement, le jeu fut réhabilité par ses nouveaux mentors, gardant les bases de ses aînées en mélangeant les techniques que le gang lui a appris, le jeu devenu grand et prêt à sortir pour se battre conte les lois du marché et essayer de se venger de ses anciens amis.

Derrière cette introduction piquée dans n’importe quel script de Western Spaghetti (surtout de Peckinpah), je voulais vous parler d’un jeu, de Red Dead Revolver en particulier, pourquoi me direz-vous ? Bien pour deux raisons. La première c’est que j’aime Red Dead Redemption, malheureusement je l’aime à un tel point qu’il figure comme le dernier des crevards dans mon Top 10 jeux vidéo, ce qui dans n’importe quelle réunion de branleur bien pensant du média vidéoludique ou bataille d’arguments dans un forum, vous fait perdre automatiquement en figure d’autorité ainsi qu’en crédibilité parce que c’est un jeu des studios Mainstream Rockstar, et vous le savez tous, basher les GTA c’est cool, ça donne un petit côté anticonformiste. La seconde raison pour que je vous écrive sur ce jeu, c’est que RDR version 2004, est une preuve ou un témoignage de ce que pourrait apporter la collaboration de deux studios « talentueux » ayant une culture différente sur quasiment tous les points créatifs.

Au début, Red Dead Revolver devait être un jeu teinté d’un certain classicisme nippon où le principe de l’arcade faisait loi.Un jeu reprenant quasiment le concept de Time Crisis en vue à la troisième personne avec une histoire de fond où le joueur incarnait Red, cowboy sombre au grand coeur qui se lance à la poursuite des tueurs de ses parents. Développé par Capcom en interne et chapeauté par une équipe composée d’entre autre Akira Yasuman (Chara-designer des Street Fighter). Arrivée à un stade très avancée du développement et plusieurs présentations dans les salons professionnels (E3, Gamescom), Capcom décide de tout bonnement l’annulé, car il ne croyait pas au succès commercial au japon, trop américanisé pour toucher la communauté de joueur japonnais et potentiellement pas assez pour se vendre facilement en occident, qui plus est, étant donné sa position de nouvelle licence, le coup de poker fut trop risqué pour tenter quoi que ce soit.

Pendant que le monde entier se sont demandé pourquoi ils n’ont pas préféré d’annuler le très casse-gueule Steel Battalion à 199 €. Le studio Rockstar intéressé par ce projet avorté contacte Capcom pour pouvoir acheter la licence et récupérer tous les assets du jeu. Take Two, le chasse garde, le maître de bord et le dieu de la bourse souhaite que les studios internes se magnent le train pour la clôture du bilan fiscal de 2003. Manhunt n’ayant pas fait un carton à la GTA, pour cause de médiocrité et de provocation vide de sens, le volet San Andreas quand à lui se faisant attendre pour le bilan fiscal 2004.

Ryan Brant, le CEO, veut du chiffre pour gagner en crédibilité en bourse, il va alors passer le message aux équipes des frères Houser pour sortir un jeu le plus vite. Enfin, ce n’est qu’une théorie que j’avance, mais c’est la seule théorie que je trouve crédible par rapport au rushage qu’a été le développement et les problèmes qui en découlent sur le système du jeu (ou c’est peut être dû à l’incompétence des développeurs, mais n’est pas Square Enix Montréal qui veut). Sam et Dan Houser et le studio Rockstar North sont occupés pour la finition du quatrième volet de la licence. Ils vont déléguer le boulot au studio de San Diego, responsable entre autre des Midnight Club.

La team composé par Josh Needleman (Futur Producteur de GTA V et RDR) va avoir 6 mois pour finir le jeu. Red Dead Revolver dans sa version de base ne convenait à personne, le jeu était dur, punitif et lourd à jouer. L’équipe décide de garder quelques éléments récalcitrants comme la construction très arcade du jeu, pour compléter ces tableaux qui s’enchaînent, ils vont ajouter des cutscene gratinés de dialogue savoureux écrit par Sam Houser et en profiter pour étoffer le pitch de base.

On est toujours sur l’époque fin XIXe dans le très Ouest américain avec Red qui doit venger ses parents tuer par un affreux général portant la moustache avec classe et distinction. Red devient un chasseur de primes afin de pouvoir remonter la trace de l’assassin de ses parents accompagner de quelques autres protagonistes haut en couleurs, comme la fermière Annie Stoakes qu’on retrouvera sous les traits de Bonnie Macfarlane dans l’opus suivant de la licence. Référence appuyée à la cinématographie des westerns spaghettis, on a des références au film de Peckinpah dans tous les coins, ça transpire l’esthétique du film Django de Sergio Corbucci lorgnant avec des personnages sortis tout droit de la filmographie de Leone. On est clairement dans la même optique de production des GTA qui eux s’inspirent de la filmographie de Michael Mann ou Scorsese.

La différence de la version Rockstar, c’est que même si le jeu n’est pas comparable en terme d’investissement de temps et d’argent par rapport à Red Dead Redemption, on a tout de même un cachet d’un montant de plusieurs zéros que Capcom ne peut se permettre derrière la version finale. On a des graphismes soignés et des textures plutôt propres pour de la PS2, un doublage de qualité pour les personnages du jeu, même si généralement les acteurs sont des inconnus notoires enchaînant les petits rôles dans des sitcoms bas de gamme, les acteurs s’en sortent à merveille sur le jeu. On a le droit également à une OST composée des travaux d’Ennio Moriconne, qui à mon humble avis doit coûter bonbon auprès des ayants droits, on a bien sûr les frais marketings qui permet d’arroser les sites internet et les pages de journaux spécialisés, même si le budget est moins conséquent que celui de GTA V (100 millions d’euros).

Pour les phases de jeu, le studio va réfléchir à quelques features pour l’intégrer de manière cohérente dans un univers de Far West. Ils vont tout d’abord implanter les duels, ces moments iconiques des films de Western-Spaghetti et des oeuvres diverses traitant de cette époque comme la BD Lucky Luke. Ces duels sont un des éléments de Gameplay qu’on retrouvera 6 années plus tard sur le volet Redemption, j’émets toutefois une réserve, ces phases de jeu sont toujours un mystère pour moi, je galère toujours autant à tuer les ennemis sur ces phases, je pense pas être le seul, mais de voir qu’ils ont transposé sur Red Dead Redemption le même système foutraque où on doit lever son stick vers le haut et marqué des points sur le corps de l’ennemi, je me dis que je dois être la seule brêle à ne pas savoir maîtriser l’art du duel. En contrepartie, je m’en fous, je vous prends tous à Towerfall Ascension.

Les personnages du jeu ont chacun un pouvoir particulier, la fermière redneck Annie Stoakes, qui tire des rocket-critics qui ferait envier le soldier de TF2, Red et Jack eux ont le Red eye, une feature qu’on retrouvera également dans sa suite. Un élément de gameplay reprenant un peu le grain de ce qu’a établi le jeu Max Payne du studio finlandais Remedy avec le bullet-time. Le Red eye après avoir au préalable monté jusqu’à un seuil de la jauge qui se remplit en enchaînant les kills, permet d’arrêter le temps, viser tranquillement et d’enchainer les tirs à une vitesse qui ferait rendre les Chocapics à mon idole de jeunesse et son cheval Joly Jumper. Le Red eye sera de retour dans Red Dead Redemption pour le plus grand bonheur des chasseurs de cougars et expert en cueillette.

Malheureusement, le jeu n’est pas exempt de défauts, la jouabilité pour commencer est très mal optimisée, enfin, je ne sais pas comment les développeurs auraient pu renouveler la jouabilité en 6 mois, mais c’est un des stigmates négatifs restants de ce développement sur un développement, le contrôle des personnages est assez frustrant par sa lourdeur, quand on essaye d’esquiver des tirs, des projectiles ou des putains de buffle en rute, on se fait rouster facilement, a très peu de moments on peut se couvrir ce qui est dommageable, car on mange beaucoup de plomb sur les niveaux et très peu d’endroits pour se protéger.

La visée du jeu est effroyable, elle aurait convenu si le jeu était resté dans la forme de rail-shooter façon Time Crisis, mais là Rockstar a décidé d’ouvrir les niveaux et de laisser le personnage se balader à sa guise sauf que le système de visé n’est prévu pour se genre de ballade frénétique, les ennemis vont très vite, ces salauds vont dans tous les coins pendant que nous, pauvres joueurs, nous essayons vainement de les tuer pour remplir notre jauge de red eye et d’ainsi finir le niveau sans se faire chier a essayer de les viser avec le curseur foutraque.

Le jeu se base également sur un système de scoring en dollars, qui nous permet à chaque niveau de pouvoir améliorer son équipement, cette idée était aussi dans la version originale sauf que Rockstar l’a gardé. Certes ils ont dû trouver l’idée bonne, sauf qu’ils n’ont pas su doser ce système, on est généralement jamais en rade de points(dollars), on peut mettre son équipement complètement cheaté si on arrive à débloquer tout ce qu’il vous faut afin d’améliorer vos armes.

Attention, je ne dis pas que ça rend le jeu plus facile, mais ça rend le système complètement inutile vu qu’on peut s’acheter les améliorations à chaque nouveauté, ce qui est complètement con, nous débloquer de nouvelles compétences à chaque fin de niveau directement aurait été plus judicieux.

Dans l’ensemble, le jeu me laisse perplexe, on a un coté intéressant avec des tonnes de personnages sortis d’un folklore de japonnais se réappropriant la culture des Westerns Spaghettis, n’en déplaise au protagoniste principal, Red, qui me fait penser à un certain Spike de Cowboy Bebop avec un chapeau et une cicatrice sur le coin de la tronche, mais on a aussi des boss complètement wateufeuk, je pense notamment à Pig Josh qui pourrait sortir tout droit d’une autre production de chez Capcom tel que God Hand. La culture des boss avec une jauge de vie est très nippone comme game-design, le studio Rockstar n’a jamais utiliser le système de boss en fin de niveau dans ses productions, c’est très loin de leur culture.

Autant en majorité je le trouve amusant et varié par ses diverses situations et par le nombre de personnages que le jeu nous propose de contrôler et vivre, autant j’ai l’impression finalement de jouer à un jeu dont on fait qu’enchaîner des niveaux avec des bouts d’histoires écrites à la va-vite pour faire un liant avec les différents niveaux que l’équipe de chez Capcom avait déjà accomplis. À mon avis, le jeu aurait été beaucoup plus abouti si Rockstar s’était payé avec la licence quelques développeurs nippons pour faire un échange de connaissance et de savoir sur le projet, en faire une oeuvre commune.Le film The Grudge de Takashi Shimizu est une production qui peut étayer facilement mon propos par rapport au jeu et qui est un excellent film d’horreur que je vous conseille malgré ce qu’en disent les branleurs cinéphiles du fond.

Malgré que ce soit un remake d’un même film du même réalisateur pour le marché américain, a l’image de Funny Games US par Haneke, pour la production du film, la société de production a fait appelle a Sam Raimi, qui est un des pionniers du film d’épouvante moderne (Evil Dead). Et je trouve le film beaucoup plus réussi et abouti que le premier jet sorti en 2000, outre le scénario merdique avec une Sarah Michelle Gellar qui joue comme la dernière des patates, les idées visuelles et sonores m’ont bouleversé, ce ronronnement qui me fait encore flipper. Je trouve aussi le mélange de deux cultures de l’horreur subtilement mélangées, on a d’un côté le gore burlesque qu’on aime volontiers dans Evil Dead 2 qu’on retrouve dans cette scène, l’esthétique des films d’effroi d’Argento avec un mélange du folklore horrifique japonnais, on est en face finalement à une sorte de série B ouverte au grand public tout ça transposer dans un Tokyo dénué de ses lumières. Un vrai travaille main dans la main entre deux équipes avec deux cultures différentes qui donne quelque chose de plaisant.

Je trouve que ça manque beaucoup de ce type d’initiative dans le monde du jeu vidéo, ok généralement les gros studios ont plusieurs nationalités au sein de leurs équipes, mais une production entre un studio de l’occident et le pays du soleil levant devrait se faire plus souvent, deux industries qu’on met souvent en dualité pour leur différence en parti-pris de gameplay et esthétique. Je peux me tromper, mais selon vous, il y a pas quelque chose à espérer face à des productions conjointes ?

Cela serait toujours plus probant que les jeux consanguins qui sortent de la même machine marketing. Red Dead Revolver est malheureusement trop incohérent pour réussir ce genre d’exercice, ce n’est finalement qu’une production fignoler à la va-vite avec tous les traits artistiques qu’on trouve chez Rockstar. J’espérais en voir une production mélangeant habilement deux cas d’école, deux cultures différentes, mais non, malheureusement on a assisté à une fausse couche.
Koreana
5
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le 18 août 2014

Critique lue 928 fois

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Luc Le Gonidec

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