Il y a quelque chose d’un peu intimidant à entamer la critique d’un des FPS qui m’a fait plonger tête baissée dans le genre. Que dire qui n’ait déjà été dit à sa sortie ou depuis ? L’excellente surprise constituée par The New Order (voir ma critique à ce sujet) m’a replongé en pleine fièvre nostalgique pour la saga. J’ai commencé par Wolfenstein 3D dans le but d’arriver enfin à ce fameux mecha-Hitler, c’est fait, grande satisfaction personnelle. Et c’est tout naturellement que l’envie irrépressible de refaire ce Return to Castle Wolfenstein m’est venue, à la fois par nostalgie, par curiosité et pour mieux le replacer dans la saga et l’histoire des FPS.


Honnêtement, je ne me rappelle pas ce qui a pu être dit en 2000 ou 2001 avant la sortie du jeu, je ne m’intéressais encore que peu à l’actualité du jeu vidéo, mais je pense pouvoir miser sans risque sur le fait que ça a du crier à la suite sans imagination ou au viol d’une licence culte. Un peu comme pour The New Order et ses chiens mécaniques. Pourtant il faut bien dire que l’idée était brillante : même si la mode était encore lourdement à la WWII dans les FPS, où un homme pouvait décimer l’armée nazie, Wolfenstein avait pour lui ce côté « bad boy », inspiré de séries B et Z, qui le différenciait d’emblée. Tuer des nazis, c’est déjà fun, mais tuer des nazis, des zombies et des Uber Soldats, c’est encore mieux.


En fait, même si on a tendance à l’oublier avec le temps, si on se replace dans le contexte ce RTCW est un énorme pot-pourri de tout ce qui marchait à l’époque, agrémenté d’influences personnelles des développeurs (là encore comme The New Order). Pour ces dernières, les plus flagrantes sont Quand les aigles attaquent pour le téléphérique et l’attaque/évasion d’un château perché dans la montagne, Indiana Jones pour les tombes peuplées de momies et de pièges, et enfin les films comme Ilsa pour la garde nazie féminine toute de cuir moulant vêtue. Même si la chanson est sortie après, il y a dans ce jeu tout ce que cherche à évoquer un Rob Zombie avec « Werewolf Woman of the SS » (qui est aussi une fausse BA et aurait pu être un film, au passage). Le fait que les nazis aient conduit tout un tas d’expériences pas très orthodoxes a nourri une tonne de mythes depuis cette guerre, et ce Wolfenstein saute dedans à pieds joints, à tel point que les supérieurs de Blazkowicz ne manqueront pas d’exprimer à plusieurs reprises leur incrédulité.


Pour ce qui est du jeu, bon, qu’est-ce que ça fait d’y rejouer ? Premier constat, avec les options graphiques à fond et un petit patch permettant la résolution 1920x1080, ben c’est encore très beau. Evidemment on sourit un peu en lisant que c’était considéré « photo-réaliste » à l’E3 2001 (et il n’y a pas eu de downgrade graphique là), mais vraiment le jeu n’accuse pas ses 13 ans. Ce moteur de Quake 3 amélioré et poussé dans ses derniers retranchements fait des prouesses sur l’éclairage, la brume, les reflets, les animations sont très soignées et les quelques interactions avec le décor sont toujours bien senties. Il se dégage une certaine « chaleur » (je ne trouve pas d’autre mot) qui fait que l’on se sent à l’aise dans les premiers niveaux, tant que ça reste dans le château avec des humains en tout cas. Pour nous amener aux fameuses catacombes, les mecs savent faire monter la pression, que ce soit au travers de notes plus inquiétantes les unes que les autres ou de soldats discutant entre eux de disparitions et d’expériences bizarres. Une fois arrivé, bien mis en condition par une cinématique culte, vous voilà accueilli par cette piste glaçante : https://www.youtube.com/watch?v=o-sH4ewNioM


Brrr. Ce son qui grésille un peu, l’angoisse qui monte, les râles, voilà qui m’a rappelé d’emblée de mauvais souvenirs. La BO est excellente d’un bout à l’autre d’ailleurs, que ce soit la musique d’intro, celles qui reviennent lorsque l’alarme sonne ou dans les grosses scènes d’action, l’arrivée des gardes d’élite SS… Un vrai travail de composition digne d’un grand film, qui aide indéniablement à ancrer beaucoup de passages en mémoire. J’ai tellement de choses différentes à évoquer que j’ai peur d’en oublier la moitié à ce stade-là. Puisque c’était le but de ma rétrospective à la base, parlons des liens avec le reste de la saga. Tout d’abord, un des points marquants de Wolfenstein était ses secrets et ses trésors. Au lieu d’avoir à pousser bêtement tous les murs, ici les développeurs jouent habilement du level design pour nous laisser entrevoir ou deviner l’emplacement des différents secrets, si l’on est suffisamment attentif. Dalles à pousser, leviers à tiers, boutons et autres trappes sont en nombre largement suffisant pour attiser notre curiosité sans que l’on soit frustrés d’en rater la moitié (j’en ai découvert un paquet que je n’avais jamais soupçonné en rejouant justement).


L’arsenal était des plus rudimentaires dans l’épisode fondateur, à savoir un couteau, un pistolet, une mitraillette et une Gatling. On retrouve d’entrée les bases avec un couteau et un Luger, les deux autres armes trouveront leur équivalent dans le MP40 et le fameux, ô combien jouissif et dévasteur Venom. Pour le fun, citons quand même le reste : Browning, Thompson, Sten, FG42, Mauser, Snooper rifle (le fusil silencieux avec vision nocturne, mouahaha), deux types de grenades et de la dynamite, lance-flammes, Panzerfaust, Tesla. Voilà, ça c’est un putain d’arsenal comme on les aime, qui permet tout un tas d’approches et de variété dans les combats. Et on nous emmerdait pas encore avec une limite « réaliste » de deux armes.


La gestion de la vie et de l’armure, dont j’appréciais le retour dans The New Order, difficile de ne pas la regretter pour moi. Il ne s’agit en aucun cas de réalisme par rapport à la régénération, débat sans intérêt à mon sens, mais plus de plaisir dans le gameplay. Je préfère très largement une santé sur 100 points avec des medikits et sauvegarder librement, que la santé qui se régénère et des checkpoints. Le seul détail de gameplay qui m’a « choqué » en commençant le jeu est l’absence d’iron sight, qui n’avait pas encore été popularisée par Call of Duty. Je ne suis pas forcément fan de la façon de viser de l'époque, coincée entre les FPS où l’arme était au milieu et ceux qui bénéficieront de l’iron sight, on a environ six ans où l’arme est à droite en diagonale et où il faut se contenter de la mire centrale pour viser. Rien de dramatique, mais pour le coup ça ramène en arrière.


Une grosse surprise fut également le méchant du jeu, pour être exact il y en a deux, mais l’un est plus humain que l’autre. Dès la cinématique d’introduction on nous présente un titanesque roi démoniaque qui se retrouve emprisonné par un sorcier, et dont la découverte par les nazis n’augure rien de bon. Un teasing bien senti du boss final, mais celui que l’on croisera à plusieurs reprise durant le jeu est bien Deathshead, le méchant jubilatoire de The New Order. Plus jeune, j’avais bouclé RTCW pas mal de fois mais toujours en VF, et je n’avais pas vraiment calculé que « Le Boucher » était la même personne, du coup je suis assez admiratif de la continuité qui a été mise en place par The New Order. Après avoir défait un roi zombie ressuscité dans un combat épique, on a tendance à oublier que Deathshead s’est fait la malle depuis un moment, et que le jeu n’indiquait rien quant à son avenir.


L’intérêt de refaire le jeu maintenant a aussi été de constater que j’étais bien mauvais dans les FPS à l’époque, surtout le premier niveau d’infiltration dans la campagne, que j’avais mis un temps fou à compléter. Alors qu’en fait c’est super bien équilibré, il suffit de rester discret, d’utiliser les silencieux et d’empêcher les gardes d’atteindre les alarmes (que l’on peut casser ou arrêter, c’est quand même génial ça) pour que tout se passe bien. Il est remarquable de voir à nouveau à quel point le jeu est parfaitement bien rythmé, il n’y a jamais de temps mort sans pour autant nous assommer sous l’action et les scripts. Que ce soit par les fusillades, l’exploration, les secrets, l’angoisse ou l’anticipation, le jeu a toujours une carotte à nous tendre pour donner envie de continuer et de mettre fin aux plans diaboliques des nazis. La structure même du jeu est dans cette optique classique mais efficace, avec des chapitres découpés en niveaux, un boss à chaque fin de chapitre (ou presque), une montée en puissance progressive, des ennemis de plus en coriaces et une grande variété de situations.


On en avait pour notre argent rien qu’avec cette campagne solo exceptionnellement peaufinée et complète, et même si ce n’était pas le but de ma critique, difficile de ne pas évoquer le multijoueur. Même s’il n’a pas inventé le concept de classes dans un FPS multi, il était parfaitement exploité ici, sur des maps ingénieuses et assez ouvertes pour permettre des nombreux retournements de situation. L’idée de le passer en stand alone gratuit sous le nom Enemy Territory fut également une grande idée pour le faire connaître, cette version ayant eu un franc succès, avec certainement encore des serveurs de nos jours.


En bref, avec un solo et un multi aussi grandioses et soignés, pas étonnant que ce RTCW ait une place de choix dans l’histoire des FPS. Une somme de tout ce qui se faisait de meilleur à l’époque, une ambiance inimitable qui prend encore aux tripes, une excellente BO (dommage que ce Bill Brown soit aussi discret), un gameplay au poil… A part ce détail de l’iron sight, je trouve franchement que le jeu n’a pas pris une ride et reste toujours aussi plaisant à jouer. Entre l’évasion du château, l’église maudite et la garde SS féminine, les catacombes, l’infiltration, les labos (j’ai beau savoir, je sursaute toujours au scientifique projeté sur une vitre), les Uber Soldats, le vol du V2, l’assassinat des gradés, l’invocation d’ Heinrich I… Que de passages cultes à découvrir absolument si vous n’avez jamais eu la chance de le faire.

blazcowicz
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le 5 juil. 2014

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