Le Kinder Surprise, pour les incultes (ou les quelques fous voués à la nourriture saine), c'est cet oeuf en chocolat soigneusement emballé dans du papier alu (coucou, la planète...) et que les enfants déballent avec gourmandise et empressement. Le premier plaisir consiste à casser la coquille de chocolat au lait et blanc pour, tout en croquant un bout, ouvrir la petite capsule jaune qui renferme la surprise. J'ai toujours trouvé le principe génial sur le plan commercial. Cependant, et parce que bien plus que vous offrir une super surprise, Ferrero entend surtout vous vendre son produit, les consommateurs de ces oeufs savent qu'ils contiennent la plupart du temps des jouets merdiques (mais bon sang, où est la belle époque des séries d'animaux à collectionner...?).


BREF. Ce que je veux vous dire, c'est que la licence Tomb Raider est à Square Enix ce que l'oeuf Kinder est à Ferrero.


L'emballage est propre, l'oeuf a l'air appétissant.
Dans la zone de confort du studio, les joueurs du premier opus ne seront pas surpris de retrouver :



  • Un travail impressionnant sur l'esthétique des décors;

  • Une ambiance musicale et sonore soignée, vraiment réussie;

  • Un doublage (anglais) encore très propre.


L'on retrouve, classiquement, les points forts de la série, sur lesquels des efforts plus que louables sont à souligner :



  • l'aspect plateforme, bien plus approfondi (de nouvelles capacités et équipements ont permis de compléter de façon intéressante les possibilités déjà existantes dans le premier opus);

  • l'environnement, bien plus ouvert (l'on notera en particulier deux très grandes zones à explorer et un accès grandement facilité aux lieux déjà visités, ce qui était loin d'être une sinécure dans le premier);

  • l'exploration, bien plus développée (défis, missions, matériels et matériaux en tout genre...), le crafting étant LA véritable surprise du jeu.


On croque goulument dans la coquille, c'est super bon. On découvre enfin la capsule jaune...


Jouer à RotTR, c'est aussi réaliser, sur la durée, que le travail reste désespérément pauvre sur les points faibles de la série, et que j'avais déjà soulignés sur le premier opus de son reboot :



  • Le scénario tient toujours sur une feuille de papier cul : cet épisode, comme son grand frère, dénote un désintérêt presque évident pour l'écriture d'un scénario qu'un enfant pourrait écrire, tellement les archétypes et mécaniques mis en avant pour le dérouler sont connus de quiconque ne vit pas dans une grotte depuis euh... longtemps. On a droit aux mêmes recettes pour susciter la rage de survivre et de vaincre chez Lara (relation complexe avec le père, poids de l'héritage familial, mise en danger d'un proche, trahison d'un proche, gentils persécutés...), à l'éternelle dichotomie gentils/méchants, à la relique ultra secrète pas si secrète sur laquelle bien trop de monde veut mettre la main... Je reviendrai sur le scénario un peu plus loin.

  • Les personnages secondaires restent un indéniable point faible de la série : mal écrits, eux aussi, ils souffrent des mêmes lacunes que le scénario. Des portraits trop attendus, trop caricaturaux pour être crédibles sont dépeints sans qu'on ait vraiment réussi à leur donner une profondeur. Encore une fois, le studio s'est largement concentré sur Lara et a négligé les figures avec qui elle interagit alors qu'elles participent de la toute nouvelle richesse qu'est censé offrir ce reboot de la série à son personnage...


Quelques exemples :
- Jonah est l'archétype de l'ami tellement fidèle qu'il est près à se sacrifier pour Lara (on s'endort déjà).
- Ana est la salope de l'histoire, restée des années sous couverture à feindre ses sentiments pour le père Croft dans le seul but de trouver la source et qui est allée jusqu'à manipuler salement son frère pour arriver à ses fins (point qui serait intéressant s'il avait servi à un retournement de situation). Son histoire tient à peine debout.
- Konstantin, un personnage qui est intéressant mais qu'on a réduit à l'écriture au simple rôle de pantin prêt à tout pour sauver sa soeur. Seul le parallèle fait entre sa foi (suscité après manipulation de sa soeur, donc) et son amour pour elle est intéressant mais il ne sert jamais vraiment en tant que tel le scénario...
- Papa Croft, qu'on dépeint comme un chercheur obsédé par son travail au point d'en délaisser sa famille, qu'il aimait malgré tout, mais qui se suicide sous la pression médiatique alors qu'il était proche du but. Ce n'est pas tant le fond que la forme qui pose problème à son sujet, puisqu'il est insuffisamment mis en avant et le peu de lignes de textes ne servent pas le personnage.
- Jacob est un personnage largement sous-exploité, alors qu'il soulève des questions très intéressantes, notamment sur l'immortalité, l'autarcie dans laquelle il laisse vivre son peuple, ses expériences, sa maturité, ses remords, etc. Un vrai gâchis.
- Sofia, sa fille, qui n'est autre que l'archétype classique du personnage extrêmement méfiant qui s'adoucit par la suite, ne sert strictement à rien en termes de scénario.


Cette foutue capsule jaune, difficile à ouvrir. Il fallait mériter sa surprise, guidé par l'espoir de trouver un jouet qu'on pensait trop badass à l'intérieur...


Aux trois quarts de la trame principale, le constat tombe tel un couperet. La structure du scénario est exactement la même que dans le premier épisode. Le doute s'était déjà fait une place dans un coin de votre esprit quand le jeu a commencé... Je vous le prouve en un court paragraphe, applicable à cet opus comme au premier, à propos de la trame dans ses grandes lignes :


Lara part dans un but précis effectuer des recherches dans le trou du cul du monde avec x coéquipier(s). Arrivés à destination, un lieu relativement hostile aux visiteurs, la situation se complique et Lara se retrouve seule et sans nouvelles. Elle continue et découvre que les lieux qu'elle parcourt ont non seulement été habités mais ne sont pas déserts... Elle y découvre la présence d'illuminés meurtriers (!) enrôlés dans une secte (!!), dirigée par x individu(s) encore plus taré(s) qu'eux ayant pour but d'emmerder le monde une fois un mystérieux pouvoir acquis (!!!). C'était sans compter l'existence d'une armée de soldats immortels restés là pour protéger ledit pouvoir des envahisseurs qui voudraient s'en emparer (!!!!). Lara arrive juste à temps pour empêcher les illuminés de s'en emparer et de faire de la merde avec.


Pis, le rythme, les étapes, le climax sont exactement les mêmes, au point parfois d'aller jusqu'à nous livrer un décor à l'identique. Cette sensation de bâclage est particulièrement frappante dans le dernier quart du jeu. Tout y est d'une faignantise hallucinante, la différence avec le reste du jeu est réellement saisissante.


J'en arrive à la fin du jeu, parlons-en justement, un scandale sans nom qui ne consiste qu'en une alternance entre phases de plateforme et affrontements de vilains. Celle-ci ne se termine que par un combat final sans intérêt, tant en termes de gameplay qu'en termes de scénario, dont la seule récompense est un cliffhanger dégueulasse et une conclusion expéditive de Lara sur ce qu'elle vient de vivre.


La fin est si peu soignée que l'intrigue s'effondre avec elle et la déception est à la hauteur de l'expérience que le studio et/ou l'éditeur aurai(en)t dû tirer du développement du premier opus. Un bâclage incompréhensible quand on a si bien commencé...


Nous y voilà, au jouet pourri que renferment la plupart des oeufs Kinder.


La perfidie du Kinder Surprise, c'est qu'on l'achète toujours avec le même espoir de trouver un super jouet à l'intérieur; que ça commence toujours très bien, de la même façon, mais que ça finit presque toujours mal.
Du coup, la véritable question est : pourquoi continue-t-on à en acheter...?


À méditer.

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le 4 févr. 2016

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Camiille

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