Shadow Hearts: Covenant
8.3
Shadow Hearts: Covenant

Jeu de Nautilus et Midway Games (2004PlayStation 2)

Je précise que je vais partiellementconstruire cette critique en comparant cet opus avec son prédécesseur, Shadow Hearts. Et pour cause, on les compare assez souvent, sur le plan technique surtout. Pour rappel, Shadow Hearts premier du nom malgré beaucoup de qualités (ambiance, scénario, références culturelles, système de jeu, personnages…) avait souffert de son indigence technique, qui donnait l’impression de jouer à un jeu de PS1 porté/torché sur PS2 avec les moyens du bord, qui ne devaient pas être conséquent, Sacnoth/Nautilus étant un petit studio. Shadow Hearts : Covenant entendait donc corriger le tir en proposant des graphismes et de l’image de synthèse plus à la hauteur, afin de ne pas avoir à rougir de la comparaison avec d’autres J-RPG.


Donc, Shadow hearts : Covenant parvient-il à réparer les menus travers de son grand frère et à enfin atteindre le haut du podium ?


Je t'ai déjà vu, toi... Et t'as pas bonne mine.


Niveau histoire, on retrouve Yuri, héros du premier opus, plusieurs mois après la fin de son histoire, dans le village de Domremy, en France. Comme précédemment, le jeu met en scène une uchronie (utilisation de l’histoire pour en raconter une version “alternative”) : nous sommes en plein conflit mondial, l’Allemagne est plus menaçante que jamais et des conflits éclatent un peu partout en Europe et en Asie. Dans ce monde au bord de l’explosion, Yuri tente de défendre le village contre les troupes allemandes, ce qui aboutira à sa confrontation avec les membres de Sapiente Gladio, une secte dérivée du Vatican, qui trouve le moyen de le maudire, scellant ses pouvoirs. Le point fort, c’est que ce scénario est dans la parfaite continuité du premier opus et y fait régulièrement référence, ce qui aboutit à l’impression d’une histoire en deux temps, une pirouette scénaristique permettant même de justifier que le héros commence le jeu sans un seul pouvoir, qu’il devra regagner au fil du temps. Les conflits géopolitiques, s’ils ne sont qu’une trame de fond pour justifier l’élément fantastique, sont plutôt bien utilisés et - c’est ce que j’apprécie particulièrement dans cette saga - les “méchants” s’avèrent bien souvent les victimes de circonstances dramatiques, parfaitement conscients du mal qu’ils font autour d’eux, pour compenser le mal qui leur a été fait. Il y a un certain équilibre entre “bien” et “mal” dans Shadow hearts, qui sont en définitive des notions très relatives. On pourra regretter toutefois que “Covenant” soit plus manichéen entre les deux camps (Raspoutine, censé être un antagoniste de poids, n’a aucune réelle motivation ni personnalité, à part d’être...méchant. C’est plus que léger et le personnage est à mon sens complètement raté, il se fait par ailleurs voler la vedette assez rapidement).


Côté personnages jouables, Covenant en propose huit, chacun avec des compétences bien spécifiques, qui permettent réellement de calibrer différentes équipes et de moduler sa stratégie, un gros progrès par rapport à SH premier du nom qui était un peu plus limité en terme de capacité des personnages et de stratégies possibles.


Tiens, ma rétine ne pisse plus le sang...


Le jeu a également été revu sur le plan de son gameplay : si on retrouve toujours l’anneau de jugement (une roue parcourue par une aiguille qui la balaye et qui conditionne la réussite et la puissance de chaque attaque), beaucoup de choses ont été ajoutées, de quêtes secondaires liées aux personnages. En plus des capacités propres à chacun, on rassemble des sceaux qui contiennent des magies et que l’ont peut équiper aux personnages afin de leur attribuer des sorts. Il est même possible d’augmenter la puissance de ces sceaux via une sorte de carte à énigmes, la clé de Salomon. Il y a donc beaucoup de choix, beaucoup de possibilité, que je ne vais pas énumérer ici mais clairement, Shadow Hearts : Covenant a fait mieux qu’améliorer le principe de son prédécesseur et enrichit considérablement le gameplay. Du tout bon.


Côté graphisme, si on ne peut pas dire que le jeu fasse la nique à Squaresoft, on est loin des graphismes assez dégueu de SH 1. La modélisation est très correcte, l’animation beaucoup plus soignée et les cinématiques sont très belles, rien à redire, du boulot plus qu’honnête pour de la PS2 et un petit studio. Les monstres et personnages ont également fait l’objet d’un beau travail de design.


Un petit mot sur la musique qui propose de très bons morceaux, même si certains sont utilisés de manière ultra répétitive (même musique pour les donjons tout au fil du jeu, sachant le temps qu’on y passe, c’est un rien pénible). Cependant, ils ont beaucoup perdu de leur côté anxiogène. Et on touche là au principal problème de Shadow hearts : covenant.


Tu me passes les tripes ? Tu me passes le sucre ?


Le gameplay est excellent, la modélisation plus que correcte, la musique est bonne, l’histoire très travaillée et haletante...mais je n’ai pas dis un mot sur les personnages ni l’ambiance et pour cause.


Le premier Shadow hearts faisait certes très mal aux yeux mais avait été principalement plébiscité pour son ambiance sombre et gothique, les thèmes traités sans concession (le deuil, l’inquisition, la guerre, la perte de soi…) : le jeu était angoissant et avait une identité forte et son seul réel défaut était technique, défaut qui paradoxalement lui donnait un certain cachet.


Shadow hearts covenant est beaucoup plus lisse. Exit les morts, les villages hantés jonchés de cadavre, les magiciens fous rasant des villes entières, les médecins jouant à dieu tentant de ramener les morts dans des enveloppes charnelles monstrueuses...Ici, pas une goutte de sang, les décès sont bien souvent à peine montrés, voire éludés et un visuel beaucoup plus coloré. Le jeu se permet même plusieurs passages d’humour absurde certes amusants...mais absolument pas compensés par une partie plus sombre. Si le scénario permet quelques scènes réellement poignantes, notamment avec un Yuri qui meurt à petit feu pendant tout le jeu, reste que je n’attendais pas de Covenant qu’il se contente de jouer les tire larmes consensuel. Et consensuel, il l’est. Beaucoup trop, selon moi. Les personnages jouables, pour certains, ont des personnalités de feuille de papier à cigarette et des motivations inexistantes, voire aucun background. Ils sont juste...là. Si le principal personnage féminin du premier Shadow Hearts avait une personnalité parfois irritante, reste qu’elle gagnait en épaisseur et en profondeur au fil de l’histoire. Ici, Karin, personnage féminin phare est aussi inconsistante que cliché et la manie systématique de foutre les filles jouables en tenue courte et moulante m’a passablement gonflé, en prime. Soit, cette composante existait déjà pendant le premier shadow hearts mais ici, ce sont les seuls arguments des personnages jouables féminins. En-dehors de ça, elles ne sont ni intéressantes, ni bien développés, ni attachantes (si on excepte Anastasia, qui est une petite fille et n’a donc heureusement rien à montrer pour exciter le beauf.). Côté masculin, c’est à peine mieux, même si les personnages de Kurando et de Gepetto ont davantage de background, malheureusement à peine étoffés. Le seul à bénéficier d’un traitement réel est Yuri, sachant que ce travail avait été largement effectué dans le premier Shadow Hearts, le personnage ayant finalement peu besoin d’évoluer.


Et que dire de la fin (la “bonne” fin) qui, sans rien spoiler, réduit en gros à néant tout ce que le joueur a fait pendant les deux jeux (oui, oui, les DEUX jeux) et annulant toute la dimension dramatique du personnage de Yuri et de son histoire, en se fendant en prime d’un twist qui rend le personnage de Karin franchement malsain - et pas dans le bon sens du terme. Pourtant, les idées ne sont pas mauvaises mais arrivent tels des cheveux - que dis-je, des touffes entières - sur la soupe.


En toute logique, le jeu est également beaucoup plus facile, lissage oblige alors que le premier opus était plutôt bien dosé en la matière.


T'es un mec cool mais tu files un mauvais coton


En tant que jeu, Covenant parvient à surpasser son prédécesseur sans mal, tant il est plus abouti au niveau de sa technique et de son gameplay, améliorant avec brio ce qui avait besoin de l’être. Il y perd cependant beaucoup de son identité et de son ambiance et personnellement...ça ne passe pas bien. Il existe pléthore de J-RPG lisses et propres, Final Fantasy en tête, en quoi a-t-on besoin qu’une licence comme SH tende aussi vers ça ? Covenant a partiellement effacé tout ce qui faisait le sel du premier opus et aux vues de critiques positives, il a eu raison de s’affadir. Pourtant la technique finit tôt ou tard par dater, quand le travail d’ambiance résiste au temps, c’est donc raisonner à court terme que tout miser dessus. Pour ma part, je préfère une indigence graphique ( qui ne peut pas devenir plus moche que ce qu’elle est déjà) au service d’une histoire et de personnages forts qu’un jeu tellement concentré sur ses améliorations techniques qu’il en a oublié ses fondements. Covenant est extrêmement fun à jouer, c’est bien, mais ne mérite certainement pas de lauriers pour avoir été le premier pas de la licence sur une mauvaise pente, que le troisième jeu finira de descendre. En tout état de cause, si vous aimez le J-RPG, ce "SH : Covenant" est un excellent cru. Si vous aviez adoré le premier, vous serez probablement plus mitigé.

SubaruKondo
7
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le 10 janv. 2016

Critique lue 339 fois

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SubaruKondo

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