Silent Hill 4: The Room
6.9
Silent Hill 4: The Room

Jeu de KCET, Team Silent et Konami (2004PlayStation 2)

Le mal aimé, le plus détestable et détesté, c’est souvent ce que j’ai eu l’occasion de lire à propos de ce quatrième épisode, pourtant à la sortie de cette dizaine d’heures éreintantes, je peux sans nul doute affirmer que j’ai vécu peut être la plus perturbante et passionnante aventure dans l’univers de la série, avec ses défauts certes, mais avec une volonté réelle de réinventer ce que l’on pensait être établi.

Chacun imagine Silent Hill à sa manière, mais personne ne peut vraiment savoir ce que la regrettée Team Silent avait comme objectif final quant aux réactions des joueurs, mais dans mon cas le seul fait d’avoir changé radicalement de formule en comparaison des épisodes précédents, à fait que j’ai été passionné par l'aventure. Il est vrai que la deuxième partie semble légèrement être une pirouette pour finir le projet en temps et en heure, la progression est aussi parfois inutilement labyrinthique, mais, car il y a un mais, Silent Hill 4 est unique, ce que procure cette œuvre est simplement une expérience qui n’a pas son pareil.

La proposition "d'enfermer" le joueur dans un appartement des plus étranges avec une vue sur l'extérieur se manifestant via de multiples ouvertures plus ou moins légitimes, m’a littéralement obnubilé. Si je juge le troisième épisode presque comme un chef d'œuvre, il n’était qu’un prolongement des précédents, une sorte d’aboutissement malgré sa courte durée de vie, ici Silent Hill 4 casse tout, pour reconstruire l’univers d’une façon différente. À la fois totalement Silent Hill, à la fois intrinsèquement différent dans sa construction, et je comprends tout à fait que cet épisode ait pu diviser, mais c’est le souhait de l'équipe derrière, vous emmener sur des sentiers non pas nouveaux pour le genre, mais pour l’ensemble de l’industrie.

À première vue Silent Hill 4 n’existe pas seulement pour procurer du plaisir, car comme vous vous en doutez nous sommes amené à quitter l’appartement à un moment et ce de multiples façons non conventionnelles que je ne dévoilerai pas ici, mais avec un subtil équilibre entre l’enfer qui se trouve de l’autre côté de la porte et le confort de son chez soi, pourtant bien étrange, on a rarement envie de partir très loin et plutôt tendance à revenir rapidement “à la maison” et épier ce qui nous entoure au plus vite.Silent Hill 4 va extirper de vous tout ce que vous pensiez ne pas être, en somme qui pense vraiment avoir la maîtrise sur l’autre, vous ou le jeu ? Tout cela est notamment parfaitement bien mené, car durant une grande partie de l'aventure, rentrer à l’appartement offre quelques avantages qui vous seront enlevés de manière brutale à un moment bien précis, déstabilisant le joueur qui n’aurait pas minutieusement préparé un avenir plus sombre. 

Plus riche et varié que son prédécesseur, durant la première partie de l’aventure, Silent Hill 4 a quelque chose d'étrange car il semble être la matérialisation de désirs inavoués de développeurs qui souvent ne dépassent pas la case de l'approbation du board. Avec des choix de game design risqués et pas nécessairement bien intégrés, on peut vite pester sur celui-ci, le côté labyrinthe des énigmes en premier lieu.

Encore une fois tout ceci colle magnifiquement à une volonté de changement réel entrepris par la Team Silent. Au-delà du simple fait de changer la façon de se mouvoir ou l'absence de lampe torche, c’est dans sa globalité que les changements sont les plus intéressants, on pourrait prendre comme exemple les puzzles qui sont pensés dans un tout éclaté, ici le puzzle ne prend pas place sur un objet, une porte par exemple, mais le niveau est le puzzle avec de nombreuses étapes; pas toujours très claires, à accomplir pour en sortir intact.

On ressent comme une légère volonté de “nuire” au joueur, mais intelligemment, pas de cadeaux mais rien d’insurmontable simplement une œuvre qui ne place pas des repères auxquels on est généralement habitué et ce même dans d'autres classiques de l'horreur. C’est un peu comme si les développeurs avaient sciemment réfléchi à ce que les joueurs n’aiment pas pour leur faire vivre un malaise profond. 

L’aventure est longue et procure quelques moments de sueur intense, et la deuxième partie de celle-ci ne fera que confirmer ce sentiment. C'est à partir de cette seconde moitié qu'une division nette peut s'effectuer entre les joueurs, car ce qui nous est demandé d'accomplir semble être sorti tout droit des enfers, escorter une personne à travers les mêmes lieux que la première moitié du jeu, et ce, jusqu'à la fin ou presque.

Plus brutale, plus stressante et moins engageante, la deuxième moitié peut faire fuire les plus sensibles au genre, d'autant que l’appartement, s'il dévoile des parties de scénario importantes à chaque visite via des messages glissés sous la porte, devient de moins en moins accueillant, le havre de paix n’existe plus et je n’ai même pas évoqué le bestiaire J-Horror que vous trouverez au coeur du jeu, un bonheur... 

C’est via ces changements que le jeu décidera aussi de la fin vers laquelle le joueur se dirigera, et à la manière de Silent Hill 2, nos actions accomplies durant l'aventure dans sa totalité ou presque décideront de la sentence irrévocable quant à la fin qui nous sera attribuée. De manière plus terre à terre et objective, il existe également quelques points qui mériteraient des ajustements. L'inventaire n’est peut être pas idéal ou les combats semblent moins fluides et agréables que durant le 3ème épisode, mais Silent Hill 4 a fait le choix de bousculer les joueurs qui pensent trouver les même codes établis par la série, il ne fait rien comme les autres mais ça n'en fait pas pour autant un mauvais élève.

Mon plus gros reproche serait simplement le boss de fin, si on peut le qualifier ainsi, qui n’est presque qu’un vulgaire sac à PV qui peut être une vraie plaie si on a pas économisé durant toute sa partie les munitions des rares armes à feu disponibles, l’accent étant mis sur le corps à corps dans cet épisode.

En conclusion Silent Hill 4 est tout ce que j'espérais de lui, un jeu qui bouscule mes habitudes et tort mes idées préconçues que je pensais établi pour un Silent Hill.

Il est sans aucun doute le moins accueillant de la série, mais ce qu’il a à offrir en retour est certainement l’une des plus marquantes aventures d’horreur que j’ai eu la chance de découvrir. S'il possède objectivement quelques défauts qui m'obligent à calmer mes ardeurs et à le noter moins haut que les autres de la série, les risques pris en matière de game design ont donné une œuvre unique en tout point. Pour tout cela et sans oublier son OST et son ambiance sonore générale, je ne peux que conseiller Silent Hill 4, pensez simplement à ouvrir votre curiosité à quelque chose de nouveau et vous glisserez facilement vers les portes de l’enfer. 

Si vous aviez un doute après cette lecture… https://www.youtube.com/watch?v=JUGpbzIRfo8&list=LL&index=3

Créée

le 23 juil. 2023

Critique lue 114 fois

8 j'aime

Sajuuk

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