Parfois, y a des jeux auxquels on joue dans les MEILLEURES CONDITIONS possibles. C'est le cas de Silent Hill 4 : The Room.
Vivant actuellement seul (mais avec un chat), dans un deux pièces en ville, des voisins ou bien bizarre ou bien complètement ignorés et avec un sérieux problème de plomberie dans mes sanitaires en ce moment (un ballon d'eau chaude qui fuit... je vous passe les détails).
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Non vraiment... SILENT HILL 4 : The ROOM ne pouvait pas être joué dans de meilleures conditions que celles dans lesquelles je vis actuellement.
Même d'un point de vu vidéoludique, mon background est idéal : mon passif dans le Survival Horror se résume à :
- Dead Space 2
- Resident Evil 4 (auquel j'ai joué partiellement chez un ami)
- Alien Isolation
- Signalis
Non, je n'ai joué à AUCUN Silent Hill par le passé. Je mets en gras Alien Isolation et Signalis. Car voilà... j'ai non seulement été admirablement conquis par ces deux titres de Creative Assembly et de Rose-Engine, mais également... j'ai ressenti en Silent Hill 4 l'impression de jouer à leur père spirituel.
Car disons le franchement, on sent dans le dernier titre de la Team Silent que Konami a dissoute (comme quoi, même dans les années 2000 les éditeurs de Jeux Vidéo se comportaient comme des malpropres avec les créatifs) une incroyable audace, pionnière dans la volonté de faire évoluer un genre à succès (pourtant de niche), au risque de s'aliéner les fans de la première heure.
C'est à dire, oser la caméra subjective dans une franchise (et dans un genre) pourtant habituée au style 3ème personne ou alors en caméra fixe. Et la vache... le titre est déstabilisant dés la première seconde. Cette vue en courte focale, nous permettant de nous déplacer dans un appartement d'une atroce banalité et d'une superficie à vous faire susciter une claustrophobie que vous ne pensiez pas un jour éprouver.
Non sérieusement : si vous en avez marre de cette époque actuelle où l'on vous sert AD NAUSEAM des open world à toutes les sauces avec des PNJ par centaines auxquels parler pour ne rien dire... SILENT HILL 4 The Room est LE REMEDE à ce ras-le-bol.
Dans ce jeux, vous jouez Henry, un type à la personnalité effacé, d'une banalité de look et de caractère à faire pâlir de jalousie un chien empaillé. Ce brave Henry a un problème : habiter dans l'appart le plus nul à chier du monde... car en plus d'y être séquestré de l'intérieur à cause d'une pléthore de cadenas (dont il lui manque la clef), y a un SDF assez flippant qui désire l'habiter, lui. Et ce SDF, Walter, est prêt à effectuer la pire des saloperie pour y arriver : tuer 21 personnes pour y accomplir un rituel franchement pas très catholique. Henry est donc coupé du monde et ne peut que regarder à travers les fenêtres de sa chambre, le judas de sa porte cadenassée et un trou creuser dans le mur qui le sépare de sa (très jolie) voisine Eileen (vous comprenez le titre de ma critique maintenant ?). Son seul moyen de sortir, c'est de se faufiler dans un trou qui vient de s'ouvrir dans sa salle de bain (vous comprenez pourquoi je vous parlais de mes sanitaires au début ?) pour rentrer dans une succession de mondes plus ou moins familiers... peuplés de monstres et d'une victime de Walter.
Voilà le pitch... et franchement... c'est l'un des meilleurs scénarios de jeu vidéo auquel j'ai joué. L'atmosphère est terriblement lugubre, sinistre, lourde et oppressante. Rarement la sensation de solitude n'a été aussi bien retranscrite dans un jeu vidéo. Une sensation... pourtant pas plaisante à ressentir, "à moins de kiffer les Survival Horror" me diront certains joueurs. Mais si dans Alien Isolation (qui porte bien son nom) et Signalis (mon jeu de cœur de 2022) cette sensation de solitude est presque une formidable ganache émotionnelle... dans SH4: The Room, c'est un véritable calvaire existentiel.
Car on se sent mal dans SH4: The Room. La solitude est pesante, oppressante... au point d'avoir envie de finir ce jeu le plus vite possible. C'est un sentiment que j'ai rarement ressenti dans un jeu... car voilà SH4: The Room est un jeu éreintant. C'est à la fois une critique... mais également un éloge, car on sent bien que le game designer de la Team Silent a atteint son objectif : procurer une expérience de sensation dérangeante pour le joueur... sans se soucier de son bien être émotionnel.
Et si non seulement le jeu est pesant sur le potard de la solitude, il l'est également sur le plan de la santé mentale. Certaines situation vous amènent à vous interroger sur votre niveau de folie.
Je pense par exemple à un passage où on compose un numéros de téléphone (dans le 5ème niveau), et une sonnerie d'un autre téléphone retentit dans le niveau. Alors on cherche à savoir d'où vient la sonnerie. On cherche. On cherche. Et cette sonnerie est insupportable. Puis on trouve le téléphone qui sonne, on décroche... et on constate qu'il n'y a personne au bout du fil... ce qui est logique puisqu'on s'est appelé soi-même.
Un autre passage nous amène en possession d'une chemise sale qu'il convient de nettoyer dans... notre baignoire qu'une flaque de sang a antérieurement dégueulassée.
Un autre passage encore... nous demande d'assembler les morceaux d'un mannequin assis sur une chaise roulante. Lorsque terminé, le mannequin se vautre avec sa chaise... laissant apparaitre un trou à emprunter sous le siège... Mais alors... c'était pas plus simple de pousser ce foutu fauteuil roulant ?
Le jeu vous met dans des situations à vous questionner sur votre santé mentale... et atteint un paroxysme lorsque commence le coup de théâtre à la moitié du jeu. Vous retrouvez Eileen, votre voisine, elle aussi victime de ce SDF avide d'occuper votre appart'... et comprenez qu'il va falloir refaire tous les niveaux du jeu avec elle.
J'ai cru comprendre que beaucoup de fan de SH dans les années 2000 avaient pesté contre ce procédé. Ben pas moi, car enfin, le jeu me mettait en compagnie de quelqu'un. C'était presque une bouffée d'air frais APRES 6-7 heures de sensation d'isolement (je ne suis pas certain que j'aurais terminé le jeu s'il n'y avait pas eu ça).
Surtout que le personnage de Eileen est particulièrement réussi en termes de caractère : bienveillante, soucieuse du bien-être des gens, même à l'agonie.
Même à la fin, elle se soucie pour la version jeune de Walter... qui pourtant lui posera d'énormes problèmes... mais Eileen veut toujours aider. Et voir un tel personnage positif dans un tel jeu... oui... c'est motivant. Un narration par le contraste, moi, ça me touche... comme dans la fin de Signalis.
Et le périple est semé d'embuche... et là, j'ai ressenti la vibe à laquelle Alien Isolation m'avait initié : celle de la fuite en avant, non stop car confronté à des adversaires ABSOLUMENT insupportables. Des fantômes qui traversent les murs, qui volent, qui infligent des dégât à distance et qui semblent increvables... sauf en usant d'une arme RARISSIME (car en 5 exemplaires seulement dans tout le jeu)... MAIS QUI VEUT SE BATTRE CONTRE CES MERDES ?
Le Xénomorphe, à côté, c'est un brave toutou rigolo.
Et si vous pensiez que votre appartement merdique était le seul havre de sécurité dans ce jeu... attendez la seconde parties : vous en viendrez à redouter d'y retourner... même pour aller sauvegarder votre partie.
Même ça c'est épatant : la Team Silent est allé jusqu'à faire susciter chez le joueur la crainte de sauvegarder votre cheminement. Il n'y a que dans Alien Isolation que j'ai ressenti cette sensation (car dans ce jeu, le process de sauvegarde est intradiégétique et lent... un moment où l'Alien peut vous trouver et vous tuer).
Le parti pris de Silent Hill 4 : The Room est sacrément tordu... et donc difficile à apprécier.
Surtout lorsque le principe des bougies est si mal expliqué. C'est peut-être LA MECANIQUE du jeu la plus importante... et pourtant elle est super mal expliquée.
J'ajouterai aussi des éléments de gameplay curieux comme... le fait qu'une arme confiée à Eileen (sac-à-main, chaine, cravache ou la matraque... paie ton arsenal BDSM) prenne toujours autant de place dans mon inventaire... alors que l'objet n'est techniquement pas sur moi. Ou alors le fait qu'on ne puisse pas lui donner un médaillon de protection.
Je sais que la pénibilité des emplacements d'inventaire fait partie du délire du game design d'un Survival Horror... mais un peu de cohérence sur ce plan n'est pas de trop. Signalis par exemple avait réglé ce problème avec l'Œil cybernétique et la Torche qui, une fois équipée, ne prennent (logiquement) plus de place dans l'inventaire car définitivement assimilé dans le corps de notre personnage.
On se retrouve ainsi avec un jeu plus basé sur l'expérience sensoriel que sur l'amusement.
Pourtant brillant. Pourtant novateur (ces switch de vus 3ème personne/vue 1ère personne m'ont rappelé le méconnu Nomad Soul). Pourtant foutrement bien designé (le monde de la prison... GENIAL). Pourtant super bien écrit (c'est véritablement pour l'histoire que je me suis forcé à aller au bout de ce jeu). A l'ambiance sonore FANTASTIQUE (Akira Yamaoka est un dieu).
Mais mince... ce jeu n'est pas amusant, car on s'y sent mal. Seul. Oppressé.
Un point très positif cependant que je voudrais reconnaitre à ce jeu... un point qualitatif qui est désormais devenu très rare dans le jeu vidéo : la caméra est excellente. Silent Hill 4 : The Room fait preuve d'énormément d'inventivité avec la caméra... qui joue vraiment avec le joueur et le décors. Pas une fois je n'ai été enquiquiné par ça... et je dois dire qu'aujourd'hui, jouer à un jeu à la troisième personne qui ne présente aucun pb de caméra, au point même de proposer des cadrages intéressants... ben c'est exceptionnel... surtout quand le jeu a 20 ans.
Voilà comment je définirai Silent Hill 4 The Room : un jeu brillant... auquel jouer uniquement si vous allez bien. Sinon, n'y jouez pas.
Bon, maintenant, il faut que je règle ce problème de ballon d'eau chaude.