Je ne sais pas comment s'appelle le héros qu'on incarne dans Sniper Elite V2. Appelons-le John Wayne, le soldat américain qui peut mener la guerre à lui tout seul. John a une grosse voix virile pour lire le texte en début de mission que je n'écoute jamais jusqu'au bout. John est avare en cinématique. Mais les cinématiques, rares, sont toujours pertinentes et puissantes en émotions ; John passe en mode cinématique quand il trouve un nouveau fusil à lunette, et à la fin de chaque mission quand il se barre, et que des fois ça explose derrière lui. Poignant à chaque fois.
John place des explosifs pour faire péter un char d'assaut, nettoie la place publique avant d'éliminer un Adolph, se rend à l'église pour... je ne sais plus mais ce n'est pas pour prier, s'infiltre dans une usine à fabriquer quelque chose qu'il faut faire exploser, récupère des documents dont on se fout royalement du contenu. Du concret !
John a tout compris au jeu vidéo. Il y a deux écoles du jeu vidéo. Kojima qui dit à l'époque qu'il faut scénariser son Metal Gear sur l'équivalent de la Nes afin de motiver le joueur, et son patron qui dit que ça ne sert à rien. Les deux ont raison. Parce que la série Metal Gear Solid c'était quelque chose. MAIS ! Tous ces titres narratifs insupportables de fausse maturité avec des choix moraux bidons qui ont commencé à pulluler à partir de la PlayStation 3, non !
Et John est arrivé. Discret. Sans bruit (c'est un sniper). Un jeu de niche ? Non, un jeu bien fait, classique, avec pour cadre une Seconde Guerre Mondiale pas réaliste du tout, d'où le soulagement de ne pas jouer sur la morale et la fausse profondeur comme Spec Ops The Line et autres tartufferies. Parce que vouloir être une oeuvre d'art avec un gars qui tue des centaines de méchants à lui seul, c'est navrant. D'ailleurs même si le nombre d'ennemis est abusé comme d'habitude, on fait quand même face à moins qu'ailleurs.
John anticipe l'Histoire. Il tue des soldats allemands, mais dézingue aussi les Russes en prévision de la Guerre Froide.
John s'assume. John propose même des tirs au ralenti qui radioscopient le récepteur de la balle, comme ça tu vois le crâne du type voler en éclats, ou ses vertèbres changer de place. Ça ne sert à rien, c'est gratuit, c'est minable ou rigolo, selon les sensibilités. Les deux, en fait. C'est le jeu vidéo, con et divertissant, divertissant parce que con. Kojima l'a bien compris aussi et s'est fait un point d'honneur à remplir ses Metal Gear d'humour potache.
Les graphismes sont très agréables encore aujourd'hui sur PS3. Profondeur du champ, visages bien faits (rares chez les studios occidentaux de cette époque), décors colorés malgré des bâtiments en ruine, jeux de lumière créant des atmosphères.
L'action se passe en Allemagne avec un challenge corsé, le niveau Normal correspondant au Difficile voire parfois Extrême des autres Third Person Shooter comme Uncharted et Tomb Raider (la nouvelle licence), notamment les tirs de snipers qui ne pardonnent pas. Même en Facile le jeu ne se traverse pas sans un minimum de prudence. En Normal les missions duraient une heure pour moi. En Facile environ 35/40 minutes. J'ai fini cette fois en 6 heures, ni trop long ni trop court.
John n'est pas super maniable, on n'en fait pas ce qu'on veut. Il escalade à son rythme et n'a pas des réflexes extraordinaires. Il sort de sa couverture pour tirer et prend son temps pour évaluer un lancer de grenade. Sa mitraillette n'est pas précise et les balles se dispersent beaucoup. Le pistolet, silencieux, n'est pas puissant. Le fusil à lunette demande une évaluation de tir (optionnelle). Voilà tout le sel de Sniper Elite ! On ne peut pas foncer. Même face à trois ennemis, même en Facile, il faut évaluer l'approche par rapport à la distance.
Ce qui change en Facile, c'est qu'on avance plus relax. C'est une partie pour se détendre. Mais l'essentiel du défi est présent, quoique allégé.
Je dirai qu'on retrouve, toutes proportions gardées, la rigidité des vieux Splinter Cell mais dans un jeu assoupli, plus réactif (mais pas trop) et plus précis. L'évolution naturelle du Third Person Shooter passant de l'ère PlayStation 2 à la génération PlayStation 3, au lieu du boostage lunaire à la Uncharted.
L'IA est particulièrement idiote, les ennemis faisant la file pour se faire flinguer chacun leur tour, mais en même temps elle est souvent imprévisible car pas toujours logique.
Les scripts notamment sont étranges et réservent des surprises. Tu as tué tout le monde dans la rue, tu cours et trois gars t'attendaient sans raison dans un cadre de porte alors qu'ils auraient dû participer à la bagarre. Ben non ! Et ils te flinguent et tu crèves. C'est leur script. Il se déclenche quand tous les autres sont morts et que tu entres dans leur champ de vision. Voir leurs camarades crever, ça ils s'en foutent. Ou alors ils surgissent dans ton dos alors que tu avais tout nettoyé derrière toi. Encore le script.
J'ai embrayé direct sur Sniper Elite 5, pour découvrir que John s'appelle Karl. À bientôt !