Spirou
5.3
Spirou

Jeu de Infogrames (1995Game Boy)

Rétrospecfrite : 1/12


J'ai grandi avec les BD franco-belges, n'ayant découvert les mangas et les comics que sur le tard (à moins que vous ne comptiez Donald et Mickey comme des personnages de comics). Et si ces personnages bien de chez nous sont beaucoup moins populaires à l'internationale que Goku, Naruto ou Batman, ils ont tout de même traversé l'Histoire des jeux vidéo, quasiment depuis les commencements du médium (on trouve des jeux Astérix sur Atari 2600). Deux éditeurs ont principalement oeuvré à cette popularité : Infogrames dans les années 90 et Microids depuis les années 2010. Cette petite rétrospective (qui est, comme souvent, un moyen de nettoyer mon backlog) va nous permettre de nous replonger dans cette tendance, qu'on croyait morte enterrée il y a une dizaine d'années.
On inaugure tout ça avec ma série préférée : Spirou. Je suis un très grand fan du personnage depuis mon adolescence, et s'il a connu des moments difficiles depuis 20 ans, je reste profondément attaché à la plupart de ses 46 premières aventures.


Spirou a beau être un personnage culte de notre patrimoine littéraire (quoique toujours dans l'ombre de son rival Tintin), ses adaptations en jeu vidéo se comptent sur les doigts d'une main de lépreux. Un jeu Infogrames en 1995 (dont j'ai découvert l'existence grâce au JDG), un jeu Ubisoft exclusif à la GBC en 2000, et c'est tout. Allez, vous pouvez rajouter quelques jeux Flash sur le site des éditions Dupuis (qui sont, je pense, des "lost medias", je n'en trouve pas de sauvegarde et la mort de Flash les a définitivement condamnés) et des épisodes de la première série animée "gamifiés", mais vous aurez bien compris qu'on est loin du nombre d'adaptations de Tintin ou Lucky Luke.
Parlons donc du jeu d'Infogrames, compagnie connue comme le cauchemar des enfants des années 90. Son Spirou sera décliné sur toutes les plateformes de l'époque, y compris la Game Gear, parce que pourquoi pas.


La version Game Boy traîne dans mon backlog depuis presque 10 ans (la cartouche est comme neuve, m'est avis que son ancien propriétaire ne l'a pas beaucoup usée), et j'ai vu qu'abandonware-france proposait aussi la version PC, donc testons-la au passage, ce sera le seul jeu 16-bits du marathon (je suis un joueur de consoles portables, que voulez-vous ?).


Les deux jeux sont assez différents, donc la partie commune aux deux va vite être expédiée : Cyanure kidnappe le comte de Champignac lors d'un congrès à New York, ce qui pousse Spirou, Fantasio et Spip à enquêter (ou, plus précisément, Spirou et Spip enquêtent pendant que le blondinet se touche la nouille). Notez au passage que Cyanure a son look de la série animée, qui était diffusée à l'époque, et non de la BD.
C'est l'occasion d'adapter de manière succincte quelques albums de Tome & Janry, à savoir Qui arrêtera Cyanure ? et Spirou à New York (évidemment), mais aussi La Vallée des Bannis (parce que, le saviez-vous, Cyanure a installé son QG sous la Vallée), dans un jeu de plateforme dont seul Infogrames a le secret. Et Dieu merci.



Version chamPignaC



Si le jeu est graphiquement très fidèle à la BD, le level-design est extrêmement confus, et ce dès le premier niveau à New York avec des échelles qui fonctionnent aléatoirement. Le deuxième niveau (l'usine de jouets) commence avec plusieurs sauts de l'ange d'affilée, qui font perdre une vie en cas d'échec. Par la suite, le jeu va crescendo et multiplie les trous, les gimmicks foirés et les micro-énigmes un peu bâtardes. Une poignée de niveaux sont plus simples que la moyenne et permettent de souffler, je pense à l'usine de New York ou au niveau de shoot'em up, mais ils font office d'exception et non de règle.
D'ailleurs les niveaux ne sont pas vraiment longs, beaucoup peuvent se boucler en une minute si on connaît le chemin et les chausse-trappes, mais tout est pensé pour piéger le débutant, si bien qu'aucun bambin des années 90 n'a dû finir le jeu en moins d'une semaine.


Les niveaux dans la jungle souffrent également d'une mauvaise lisibilité, on ne comprend pas toujours très bien pourquoi certaines plateformes nous font monter ou descendre, s'accrocher au bord est parfois complexe, certaines mécaniques sont introduites en plein milieu d'une situation mortelle (la plante carnivore qui bouffe des tortues m'a fait perdre un temps infini)... Et en plus, Spirou glisse à chaque pas, c'est super chiant quand on doit sauter et atterrir sur de petites plate-formes. Bref, on meurt beaucoup, sans toujours avoir compris ce qui était responsable de notre trépas.
Heureusement, Spip nous accompagne et pointe certains éléments du décor avec lesquels on peut interagir. C'est clairement la meilleure idée du jeu, sans lui je n'aurais pas compris comment utiliser le super engrais par exemple.


Notez qu'en cas de Game Over, les crédits défilent. C'est une approche originale du concept, mais surtout cela signifie que la première chose que Spirou voit lorsqu'il meurt, c'est le nom de Bruno Bonnell, ce qui est probablement l'élément le plus cruel de la licence depuis le jour où celle-ci a été confiée à Yoann et Vehlmann.
L'OST de cette version PC est vraiment très mauvaise, elle sature beaucoup et est peu mélodieuse, ça arrache les oreilles. Dommage, le générique de la série animée a été utilisé comme leitmotiv dans la plupart des compositions, ce qui aurait pu être très plaisant si cela avait été exécuté avec plus de génie.


Pire : le menu principal contient une section "Mot de passe", mais il n'y a qu'un seul mot de passe pour toute l'aventure, qui n'est donné qu'à la mi-parcours (sur une douzaine de niveaux). Je n'aurais jamais pu finir ce jeu à la loyale, pas sans y passer des dizaines d'heures jusqu'à connaître le layout des niveaux sur le bout des doigts. C'est incroyable de se dire que 3 erreurs peuvent vous faire perdre jusqu'à 50% de votre progression.
Fort heureusement, une recherche fortuite m'a appris qu'il existait une manipulation qui permet d'accéder à un menu debug où on peut se téléporter dans n'importe quel niveau et remplir sa barre de vie à volonté. J'ai donc utilisé sans vergogne cette astuce.
Evidemment, elle rend les dégâts des ennemis négligeables, mais on peut choisir d'adapter son style de jeu, en ne l'utilisant qu'une fois par niveau par exemple. Vous mourrez toujours dans les nombreux abîmes du jeu, cela dit.
Cette manipulation existe dans toutes les versions, y compris sur consoles portables, vous auriez tort de vous priver. Mais évidemment, j'aurais préféré un jeu mieux branlé et qui ne nécessite pas un tel code de triche pour en voir le bout sans devenir une sorte de Dieu du rétrogaming.



Version zorGluB



La version Game Boy est extrêmement fidèle à la version principale, puisqu'on y parcourt autant de niveaux, avec les mêmes environnements et dans le même ordre, mais avec un level-design différent.
Cela dit, les designers n'ont pas toujours pris en compte les limitations de la Game Boy, et on se retrouve encore une fois avec des sauts de l'ange dans plusieurs niveaux. Nouveauté exclusive à ce portage : si Spirou tombe de trop haut, il prend des dégâts. Ces sauts à l'aveugle sont donc assurés de vous blesser, dans l'hypothèse où vous ne tombez pas directement dans un trou. C'est lourd.


Le jeu jouit toutefois d'un niveau de difficulté légèrement abaissé. Les niveaux sont toujours courts mais légèrement plus simples, et on a désormais droit à deux mots de passe ! Evidemment, le code pour se téléporter au niveau qu'on veut reste de loin le plus utile, mais si vous essayez de battre le jeu à la loyale vous avez un peu plus de chances d'y parvenir. D'ailleurs, ce code ne permet plus de vous remettre toute votre vie, donc le défi est tout de même un peu plus présent dans cette version.
Spirou se contrôle également mieux, mais c'est à double-tranchant. S'il ne glisse plus quand il court, le bouton de course et le bouton de tir ont été assignés au même bouton : B. Se déplacer vite devient alors ultra-frustrant vu qu'une fois sur deux, Spirou préférera sortir son flingue, qui a une animation étonnamment longue. Je ne comprends pas ce choix, surtout que la vitesse de course de Spirou est utile 90% du temps. Peut-être aurait-il fallu mettre à profit le bouton Select (qui ne sert à rien) pour passer du mode course au mode marche, d'une simple pression (donc sans le maintenir appuyé) ?


Le jeu est plutôt mignon, même si on perd forcément beaucoup de détails par rapport à la version PC, en particulier sur les arrière-plans qui étaient extrêmement fidèles à la BD et qui sont ici uniformément blancs. Notons quand même un bémol sur le design de certains ennemis, qui ne ressemblent à rien (je pense aux salamandres électriques qui ressemblent désormais à une sorte de blob).
La musique est indéniablement le point fort de cette version. Très dynamique et exploitant à fond le style chiptune propre à la GB, elle est infiniment plus plaisante que sur PC même si on perd le leitmotiv de la série animée. Aucun musicien n'est crédité, mais j'ai remarqué que cette OST ressemblait beaucoup à Lucky Luke sur la même console. Après quelques recherches il s'avère que le compositeur de ces deux jeux est Alberto José Gonzalez (ah oui au fait, le portage a été développé en Espagne, d'ailleurs le nom des niveaux dans le menu de triche est resté en castillan) qui a composé la majorité des musiques des portages GB d'Infogrames. Ses compositions pêchues vont donc m'accompagner quelques mois, et c'est une excellente nouvelle !



Bilan



Les différentes versions du jeu sont plus que moyennes, au point où j'ai du mal à trancher entre les deux. La version PC est plus belle, la version GB sonne mieux, les deux ont des problèmes de contrôles et d'équilibrage. La (relative) simplicité du jeu GB me ferait toutefois pencher vers ce dernier.
En tout cas, autant M. Grenier exagère dans pas mal de ses vidéos, autant ici je rejoins totalement ses critiques. Si vous êtes très fan de Spirou, je vous recommande plutôt La Panique Mécanique sur GBC, même s'il est assez moyen, il est bien mieux équilibré et assez original dans sa présentation. Notre groom préféré n'a en tout cas pas été gâté par ses adaptations vidéoludiques, je prie secrètement pour que Microids s'y attelle un jour ou l'autre.


Enfin, le vrai crime dans cette histoire, c'est qu'une méchante aussi cool et badass que Cyanure soit l'antagoniste des deux jeux Spirou alors qu'elle n'apparaît que dans une seule BD. Donnez-lui plus de d'apparitions, rogntudju !

Sonicvic
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le 12 juin 2023

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