SSX
6.4
SSX

Jeu de EA Canada et Electronic Arts (2012PlayStation 3)

Grand Dieu ce que j'ai attendu l'annonce de ce SSX ! Pendant de nombreuses années, j'ai guetté les conférences EA, je me suis farci le bullshit de Peter Moore, les élucubrations inintéressantes de Frank Gibeau, et je me suis maintes fois endormi devant des présentations de FIFA toujours identiques. Tout cela dans l'espoir que, au détour d'un "one more thing", Electronic Arts annonce enfin le retour de SSX, sur ce qui était à l'époque la new gen.

Et ce moment finit par venir. J'ai attendu SSX, oh oui je l'ai attendu. Ses trailers m'ont fait baver, ses ambitions rêver. Et pourtant, je n'écris guère cette critique en Mars 2012, mois de sortie du jeu, mais bien en Juin 2014, plus de deux ans après sa sortie. Car si EA a réussi à me faire attendre son jeu, il a également réussi à me stopper en plein élan comme aucune autre entreprise vidéoludique ne l'avait jamais fait, et cela avec une très simple double annonce : SSX ne serait pas jouable en multijoueur local, et il faudrait payer pour y jouer en ligne. Bref, un bon gros snowboard droit dans l'anus à tous les fans qui attendaient le jeu en grande partie pour pouvoir s'y éclater avec des potes en écran splitté. Mais si je m'étais alors senti trahi par la politique du géant de l'industrie, je ne doutais cependant pas de la qualité du jeu. Et, 2 ans plus tard, alors que le jeu n'est toujours pas jouable en local mais que le « jeu en ligne » est devenu gratuit, c'est pourtant bien sur ce plan-ci que le bât blesse.

Neuf spots à rider, de l'Antarctique aux Alpes en passant par le Kilimandjaro. Neuf descentes de la mort, des tunnels de lave où règne l'obscurité aux crevasses verglacées plongées dans le brouillard. Neuf personnages différents, chacun possédant ses propres caractéristiques et items afin de conquérir les pentes les plus dangereuses de la planète : wingsuit, lampe torche, armure, combinaison solaire… Ça fait rêver, n’est-ce pas ? Et si je vous dit en sus que le level design est souvent extraordinaire, et que je me suis maintes fois ébahi devant les villages enneigés des Alpes, les usines gelées de Sibérie ou bien les forêts épineuses d’Alaska, vous le sentez venir l’épisode ultime de la série ? Oui, mais non. Car ma note vous freine. Et car entre des concepts géniaux et un jeu vidéo, il y a un homme, pièce maîtresse et indispensable. Un élément de l’équipe qui a lui seul peut magnifier ou détruire un jeu : le game designer.

Et si on se visualise le game design comme un arbre de choix des possibles, alors le game designer de SSX (probablement bien aidé par EA) a minutieusement choisi toutes les mauvaises branches dudit arbre. C’est bien simple : comme dit, les idées sont là, l’équipe est talentueuse et passionnée, ça se sent, mais en l’absence de liant cohérent, de game design efficace, toutes les bonnes idées finissent étouffées dans la poudreuse.

Sans revenir sur l’absence de multi en local (choix complètement absurde : peu importe le downgrade graphique du splitté, ce mode aurait dû être présent), il n’y a pas non plus de véritable compétition en ligne : seulement des fantômes. Alors oui c’est amusant deux minutes de se battre contre le fantôme de ses potes, mais c’est surtout vite lassant. De même, le jeu comporte énormément de features online en tout genre : les géotags, les fantômes qui rapportent des points SSX pendant qu’on ne joue pas, etc. Mais quel intérêt, quand on ne peut même pas rider en compagnie d’un ami ? La glisse, en vrai comme en JV, c’est quand même vachement plus fun à plusieurs, qu’il s’agisse de se balader en profitant du grand air de la montagne ou bien simplement d’étaler son skill.

Identiquement, chaque personnage aura de nombreux équipements. Mais les items à acheter seront toujours moins performants que l’équipement fourni de base. Quel est alors l’intérêt de pouvoir changer d’équipement si on ne peut acheter que du matos moins bon ? Là vous me dites que ok, c’est absurde, mais qu’en achetant les plus mauvais équipements de meilleurs se débloquent. Eh bien j’ai essayé, j’ai acheté une quinzaine d’armures, et celles qui se débloquaient petit à petit étaient toujours aussi nazes ! Un non-sens total. Dépenser de la thune pour acheter des trucs inutiles ou merdiques, EA nous y avait habitué. Mais dépenser de la thune pour s’auto-downgrader, c’est quand même un nouveau concept assez puissant, il fallait y penser.

Continuons : en appuyant sur L1, on peut utiliser la fonction « rewind », qui permet de revenir en arrière lorsqu’on se foire sur une action. Fonction de casu, avais-je hurlé à l’annonce ! Oui et non, encore une fois. Car si lors des compétitions de tricks remonter le temps ne se soldera que par une légère pénalité au niveau des points, lors des courses c’est tout autre chose : pour peu qu’on tombe dans un précipice, on meurt. Heureusement, le rewind est là !! Sauf que pendant qu’on rewind, la course continue sans nous. Donc non seulement la pénalité est souvent fatale, mais surtout cela nuit complètement au fun, au rythme et au plaisir de jeu. Surtout qu’on se rend des fois compte bien trop tard qu’on fonce dans le vide, faute de bonne visibilité vers l’avant. On doit alors remonter le temps sur 10 à 15 secondes, flinguant ainsi la course et annihilant tout plaisir de jeu. Surtout que nos adversaires, eux, ne tombent évidemment presque jamais ! Et lorsque c’est le cas, ils repopent tout simplement sur la piste, en mode old SSX. Approche certes bien moins réaliste, mais au combien plus adaptée au plaisir immédiat et nerveux d’un SSX ! Avant, en tombant on se prenait une petite pénalité de temps, et on repartait ensuite derechef. On pouvait également appuyer sur select pour réapparaître sur la piste si l’on était bloqué quelque part dans le décor. Ici, dans les deux cas il faut bien souvent recommencer la course…

… et se taper un de ces putains de chargements immondes qui massacrent le jeu. Je pourrais encore m’attarder longuement sur tous les problèmes de game design qui ruinent le jeu, mais je me contenterai d’un dernier exemple : l’ultime course est sensée être difficile mais fun et bien foutue. Sauf qu’on nous y balance sans choisir notre équipement, et qu’on pourra galérer comme pas possible sur certains passages sans savoir qu’on doit utiliser tel item, item que ce perso n’a jamais eu de tout le jeu, mais qu’il possède ici. Mais ce n’est pas le pire. La course étant difficile, arriver au bout premier n’est pas une sinécure. Et lorsque vous y arriverez, vous serez obligé de perdre une fois. Pourquoi ? Car là où pendant tout le jeu le rider s’arrête automatiquement sous l’hélico à la fin de chaque course, ici il ne s’arrête pas, il faut sauter dessus. Seulement, comment le savoir ? Eh bien en fonçant droit dans le vide la première fois. Voilà. Et vous n’avez plus qu’à recommencer une course hardcore déjà gagnée et que vous n’avez nullement envie de rejouer. Pourtant, le jeu regorge d’indications, entre le pilote d’hélicoptère qui nous survole invariablement et nous donne toujours des indices audio sur la route à suivre et les inscriptions dans la neige servant d’aide. Mais ici, rien. Il faut deviner. Et mourir. Et recommencer. Une blague.

Ce problème général de game design fait que le jeu oscille entre des passages franchement fun et jouissifs, où on profite à fond du génial level design, où on kiffe les sensations purement SSX, et des moments où on va juste rager contre des précipices trop présents qui tuent le jeu face à une IA cheatée (heureusement, le game designer a décidé qu’il fallait terminer 3ème sur 4 pour avancer, histoire que y’ait un max de challenge), des équipements souvent inutiles et des pistes qui ne provoqueront qu’un ennui poli face à la déconcertante facilité de la majorité du jeu.

SSX avait donc le potentiel pour être un jeu génial. Au final, il n’en est rien et, en tant que fan de la franchise, j’en suis le premier attristé. J’espère toujours un (re)retour de la licence sur PS4/XBO, en gardant cette fois certains des fondamentaux qui rendaient SSX si fun et si fendard, à commencer par le multi en splitté, tout simplement vital. Mais quand je vois l’échec (toutes proportions gardées hein) qu’a réussi à pondre EA malgré une équipe talentueuse et passionnée, malgré un level design (élément essentiel du jeu) de grande qualité, et malgré tant de choses bien pensées mais mal implémentées, je ne peux m’empêcher d’avoir peur. Et là de faire l’analogie avec Star Wars Battlefront, autre franchise dont j’attends plus que tout le retour. Certes, DICE est aux commandes, une équipe talentueuse et qui en veut, mais pas forcément plus que celle de SSX ici. Alors, et si EA pourrissait le jeu par des décisions marketing foireuses comme ils en sont les maîtres ? Et si SWBF ne possédait pas de multi en écran splitté ? Honnêtement, et sans aucune diabolisation préalable d’EA, cette proportion à tirer vers le bas certaines licences via de mauvaises orientations de game design ou des choix marketing dont la visibilité est bien trop ténue, cette facilité de ruiner le travail de certaines équipes talentueuses, c’est juste terriblement flippant. Alors prions ensemble pour Battlefront.

Créée

le 16 juin 2014

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