Un mégalopole cybernétique, un chat technophile, un récit futuriste, un coup de cœur bien réel...

C'est durant cette fin de mois de juillet 2022 toujours aussi chaud, lors d'un dimanche après-midi chômé à la maison, le cul bien installé sur mon canapé, le ventilateur allumé, une gobelet d'eau fraîche à proximité, une clope roulée à l'arrache, fumant au coin d'un vieux cendrier, les stores volontairement baissés afin de maintenir une température clémente, mon enceinte allumé à fond, le pad bien nettoyé quelques minutes auparavant, l'écran de PC légèrement incliné...que je me suis lancé dans ce fameux "Stray", développé par Bluetwelve studio, dont c'est visiblement leur premier jeu, édité par Annapurna, dont on présente plus la finesse de sélection, sortie il y a peu, sur Steam...qui m'avait franchement tapé dans l'œil, lors de ses multiples démonstrations notamment par sa direction artistique sublime et enivrante...et qui me promettait une errance au sein d'un univers dystopique Cyberpunk, dans la peau d'un chaton tout choupinou, vivant une folle aventure mystérieuse pleine de métaphores et de méditations....

C'est après un éphémère logo, un écran titre énigmatique, quelques menus, un brouillard étrange, une musique qui l'est tout autant, un fond qui semble s'animer...et au loin des yeux brillants dans l'obscurité, une frêle ombre d'un felidé s'approche, un miaulement se fait entendre, des vibrations se font ressentir, nous enjoignant à lancer la partie...on appui sur la touche...fondue au noir...on se réveille, le corps vaseux, l'image trouble, les détails environnants grossiers...on avance, on regarde, on écoute...une pluie, un sommeil, une ellipse...on se réveille de nouveau, l'image claire, le corps vif, l'ouïe ouverte...une lumière chaleureuse, une végétation luxuriante, une humidité rafraîchissante...on marche, on erre...peu de musique...un simple couloir baigné de reconfort et de tendresse...on joue un peu avec l'environnement, on essaie...on tombe, on chute...écran noir...on se réveille encore une fois...fragile, tremblotant, égaré...des égouts, des détritus, une puanteur...un malaise apparaît, un dégoût se fait ressentir, une envie de tracer tout droit semble être la seule option...quelques rencontres inhospitalieres, un sentiment de danger, une peur nous envahi, la mort et la solitude comme unique compagnon...et puis, soudainement, un échappatoire se fait visible...des êtres robotiques nous approchent, des portes s'ouvrent, des néons s'illuminent, des bâtiments deviennent accessibles, une vie semble encore exister, une ville se dessine, un monde se dévoile, un univers s'offre à nous...un immersion totale nous emporte, nous embarque dans une relecture du Cyberpunk sauce asiatique...entre un Hong-Kong et une Taipei...entre ses enseignes luminaires, ses échafaudages en bambou, ses affiches de vieux films, ces graffitis politisés, ses hangars de pirates informatiques, ses échoppes de nouilles, ses revendeurs au marché noir, ses laveries familiales, ses cercles de jeux clandestins, ses autels bouddhistes, ses appartements collectifs, ses marchés couverts, ses ruelles exigus, ses fumées urbaines, ses climatisations extérieures, ses caméras omniprésentes, ses Tuk-Tuks emblématiques, son métro sous-terrain, ses encens fumant, ses abris précaires, ses monticules de déchets, ses plantes exotiques grimpantes, ses immenses tours d'habitation, ses éternels travaux, ses ateliers de confection, ses câbles électriques tirés à l'arrache, ses vêtements séchant au bord des fenêtres...une cité labyrinthique, crépusculaire, magnifique, organique, onirique...où cohabite différentes classes sociales, sur différents niveaux, ayant différentes ambiances, respectant différents codes, mais semblant être prisonnier d'une mégalopole empreint d'un désastre écologique, où l'humain et l'animal à disparu, où les cycles sont infini...semblant naïvement imiter un passé qu'ils non pas connus...semblant vainement de s'accaparer des us et coutumes ancestrales...semblant survivre plus que vivre...semblant être des malheureux héritiers d'une civilisation un peu folle...un premier choc émotionnel et artistique...sublimé par des graphismes chatoyants, des textures cartoonesques, des lumières envoûtantes, des couleurs diversifiées, des plans de caméra cinématographique, un grain d'image photographique, une musique électro enivrante, des sonorités environnementales immersives...donnant à ce biome vivant et organique, une identité singulière...nous laissant totalement subjugué par celui-ci...

C'est donc au sein de ce biome organique, cette mégalopole labyrinthique, cette ville de bric et de broc...que l'on évolue, que l'on erre...dans la peau d'un petit chat de gouttière, au pelage orangé...sautant de droite à gauche, se faufilant à travers les endroits les plus exigus, traçant tel un guépard, pioncant quand cela lui chante, lappant la moindre goûte d'eau, griffant le moindre bout de tissu, brisant tout la porcelaine disposée ça et là, s'amusant avec le moindre objet du quotidien, vadrouillant selon son bon vouloir, gobant la moindre merde trouvé au sol, s'extasiant devant le moindre panorama, se léchant constamment les parties génitales, peu fragilisé par la moindre chute, se frottant à la moindre jambe, miaulant à la moindre occasion et dépendant du moindre être...nous immergeant immédiatement dans une vie de chat digitale...mais grâce à une drôle de rencontre, une collaboration obligée, une association improbable...se voit doté de capacités supplémentaires, lui offrant bien plus qu'il ne pouvait en espérer, lui permettant moulte conversations, lui ouvrant moultes interactions, lui permettant de transcender son simple statut et offrant au joueur par la même occasion...tout un tas de possibilités, d'actions, d'activités, de plaisirs, de gameplay...entre jeu de plate-forme, puzzle game, jeu d'infiltration, jeu de course, jeu narratif, jeu d'échange, jeu de rythme, jeu de Shoot, point'n'cliquer...où l'observation fine, l'exploration minutieuse et une collecte approfondie sont nécessaires mais pas obligatoire...où nos sens, nôtre dextérité et notre intelligence sont nos armes et nos outils...le tout sans barre de vie, indicateurs de quêtes, niveaux d'expérience, d'arbre de compétence, de point d'intérêt, de carte, de tutoriel, de mort...le tout sans mots ni texte clair et limpide...le tout sans chargements et découpages...le tout sans notion de temps et d'espace...un second choc émotionnel et ludique...sublimé par une maniabilité simple et accessible, un level-design ouvert et permissif, une affordance visuelle et sonore, une variété de situations et d'événements, une liberté d'approche et d'interactions...donnant à ce petit être des rues et mal léché, un caractère singuliers et attachant...nous laissant subjugué par celui-ci...

C'est donc dans la peau d'un véritable aventurier à quatre pattes sans nom, au sein d'une mégalopole asiatique cybernétique...que notre récit prend vie, que nôtre voyage se passe, que nôtre errance se fait, que nôtre scénario s'écrit...autant par son environnement, la vie qu'il héberge, les histoires qu'il raconte, les instants de vie qu'il dépeint, les indices qu'il égrene...permettant une première lecture, une première métaphore...sur la société, l'humanité...à travers son économie, sa politique, sa spiritualité, sa science, sa philosophie, ses dogmes, sa technologie, sa culture, sa structure, sa science...entre ses réussites et ses échecs...entre ses avancées et ses dérives...entre son passé et son futur...entre sa mesure et sa surenchère...que sur nôtre duo de protagonistes principaux et les différents rencontres qu'ils effectuent et leur quête commune...permettant une seconde lecture, une seconde métaphore...sur l'homme, l'animal, le "vivant"...à travers ses actes et paroles, ses actions et luttes, ses préjugés et ouvertures, ses peurs et craintes, ses espoirs et fantasmes, son corps et esprit, sa vie et mort, sa définition et conception...entre héroïsme et lâcheté...entre collaboration et opposition...entre naturel et synthétique...entre mémoire et oubli...entre apprentissage et transmission...entre être ou ne pas être...un dernier choc émotionnel et intellectuel, entre humour et drame, entre effroi et réjouissance, entre violence et apaisement...ayant des relents bien actuels, des faits qui se sont produits il y a peu, des thématiques de nôtre quotidien, des sujets auquel nous sommes tous sensibles, des réflexions que nous devrions toujours avoir, des perspectives auxquelles nous devront faire face...donnant à cette allégorie un aspect singuliers et fort de sens...où jouer s'est ressentir, où jouer s'est lire, où jouer s'est écouter, où jouer s'est comprendre...nous laissant définitivement subjugué par celle-ci...

C'est donc après un ultime panorama sur cette cité crépusculaire ayant repris vie, une lumière chaleureuse la sublimant, une ultime léchouille de la part de notre cher felidé, une ultime disparition d'un proche, une ultime marche vers une nature luxuriante, une ultime musique enivrante, une ultime image baigné de tendresse, une ultime interprétation de ma part, un ultime bruit étrange evocateur...un générique de fin...un retour Windows...que je quitte ce petit jeu, cette aventure de 5 heures, cette errance volontaire, ce voyage méditatif, cette sensible vision artistique, cette rafraîchissante conception ludique, cette profonde allégorie numérique...le cœur serré, les mains tremblantes, l'imaginaire nourri, les émotions bousculées, mes fantasmes concrétisés, une clope bien méritée...heureux par cette découverte, attaché à cette démarche, surpris par cette fluidité, amoureux de ce petit être rouquin que je fût, égayé par ce monde organique devenu mien, nostalgique de ces habitants charismatiques, troublé par leurs histoires personnelles évoquées, amusé par nos brèves tranches de vie partagées, subjugué par mon périple, ravie d'avoir aidé au mieux, triste par un adieu que je n'attendais pas...typiquement genre de production que tu lance dans l'après-midi et que tu finis le soir même, jamais usant et éreintant, laissant chacun le parcourir selon son envie et engagement, où chacun se crée sa propre voie et histoire...toujours dans la veine des propositions émanant de cet éditeur qui m'est chère...dans la droite lignée de ces jeux Indé, bien plus intelligent et cohérent que n'importe quel triple A...me réconfortant sur cette industrie et se qu'elle peut produire...confirmant mes envies vidéo-ludiques prochaines...créant en moi une volonté de revoir ces développeurs sous d'autres prismes...validant totalement mes attentes vis-à-vis de ce jeu...clairement un coup de cœur personnel, une perle à jamais gravé dans ma mémoire...une œuvre intemporelle et universelle...un top de cette année et pour bien des années.....putain en 2022 j'aurais incarné un vulgaire chat de gouttière......

AlMomoSan87

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