La killer app de la Wii U

Pour le retour de sa poule aux oeufs d’or sur sa dernière génération de console, Nintendo a opté pour une approche patiente. Super Smash Bros. s’est déjà illustré sur Nintendo 3DS, avec une version qui ne semblait alors ne rougir en rien de la comparaison avec ses aînés. C’était vrai. Jusqu’à ce que le vrai monstre ne se manifeste.

Alors qu’on pensait que Super Smash Bros. Wii U prenait du retard, la plus grande bataille entre les égéries de Nintendo est finalement précoce. Une sortie anticipée d’une semaine par rapport à la date initiale, qui ravit les fans du monde entier déjà sur les dents après une vidéo de présentation plutôt démente. On nous promet huit joueurs simultanés, une pléiade de modes de jeu, seul ou à plusieurs, un contenu dantesque, presque submergeant. Même pas gênés d’être spoilés, on a juste peur que Nintendo ait mis la barre si haut que l’on soit déçu du produit fini. Nous aussi, on vous gâche la surprise : les attentes sont respectées, et plus encore.

ON PREND LES MÊMES ET ON RECOMMENCE (À HUIT)

Pour ceux qui découvrent le monde, la vie et l’univers (bon courage), Super Smash Bros consiste en la rencontre de divers personnages du monde de Nintendo dans un jeu de combat à la fois accessible et incroyablement précis. Une prise en main immédiate mais une maîtrise complexe, qui s’acquiert à la dure, le front plein de sueur et les doigts tremblant – l’inverse marche aussi. Précédé de son fils spirituel Super Smash Bros. 3DS, la filiation est naturelle : on y retrouve les 49 mêmes personnages. Neuf d’entre eux sont déblocables simplement, par quelques actions spécifiques ou pour les plus feignants, par une succession de combats.

Autant de combattants qui viendront s’immiscer en nombre devant l’écran. Majeure attraction de cette première version HD de Super Smash Bros (eh oui, ça fait un choc au début), le combat à huit est déjà plaisant en solo, épique à plusieurs. Jamais a-t-on pris autant de plaisir à se mettre smash chargés et autres coups de marteaux dorés, même quand la tactique vire presque invariablement à parer au plus pressé. Un joyeux repas que ce chaos maîtrisé, où les éléments se déchaînent et se multiplient sans jamais se muer en frustration. Chapeau.

Toujours dans un souci d’équilibrage, Super Smash Bros. Wii U est moins nerveux que ses prédécesseurs, mais plus précis aussi. Fini, le temps où les courses erratiques tendent à transformer les terrains en patinoires géantes. Les personnages les plus puissants (Bowser, Ganondorf, Roi Dadidou) gagnent eux en lourdeur et sont, de fait, moins frustrants lorsqu’on les rencontre.

VENEZ COMME VOUS ÊTES

Seuls quelques stages sont disponibles pour le mode « Smash à Huit ». Une contrainte pas si affreuse que cela au ressenti, ceux disponibles étant de toute manière assez variés dans leur conception et leur taille pour assurer un plaisir pérenne. Surtout, le mode n’est pas qu’un mirage, et ce de deux manières. Dans un premier temps, on ne peut que saluer le travail de Nintendo d’avoir permis autant de manettes pour contrôler son personnage, de la Wiimote à la glorieuse et intemporelle manette GameCube, en passant par la 3DS. Cette dernière est, au passage, reconnue de manière exemplaire, rapide et sans heurts de latence. La seule barrière est votre niveau de sociabilité.

Avec cette flopée de possibilités de manettes, Nintendo a eu la brillante idée de donner la possibilité aux joueurs de personnaliser leurs commandes, poussant le vice jusqu’à pouvoir modifier indépendamment les manettes les unes des autres. Une initiative qui permet de ne laisser personne sur la touche, et surtout, qui débarrasse des fausses excuses pour les perdants.

En ce qui concerne les stages, ils sont pour la plupart repensés, avec quelques petites nouveautés. C’est avec joie que l’on retrouve le fameux « Temple » des heureux connaisseurs de Super Smash Bros. Melee sur GameCube, par exemple. Il n’empêche que les maps sont beaucoup moins punitives lors de leurs animations que dans la version nomade, quitte à normaliser les évènements d’arrière-plan et à faire apparaitre quelques redondances de forme. Cette dernière n’en demeure pas moins plaisante, où chaque environnement possède clins d’œils et références en veux-tu, en voilà.

MODES À GOGO

Super Smash Bros. Wii U assure dans son accessibilité immédiate pour les soirées entre ami(e)s. S’arrêter à ce constat, c’est effleurer la surface d’un monstre aux possibilités abyssales. On connait déjà les modes Bombe ou Home-Run, loin d’être aussi anecdotiques qu’ils n’y paraissent quand le défi rejoint le scoring. Le mode Classique bénéficie d’un lifting de façade, plus fouillis toutefois que celui de l’épisode 3DS, mais sensible en tout point. A noter que sa difficulté a été légèrement rehaussée, surtout lors d’une épreuve finale qui mettra souvent vos nerfs (et votre dextérité) à rude épreuve. Toujours pour ceux qui veulent titiller les limites du réflexe digital, le mode « Commandes Spéciales » vous promet d’énormes récompenses sous la forme des sempiternels trophées et éléments de personnalisation de personnages, tant que le joueur enchaine des victoires loin d’être acquises. On vous aura prévenus.

Déjà pas bien radieuse sous la forme de l’Aventure Smash dans la version 3DS, le mode plateau multijoueur de Super Smash Bros. Wii U change de forme et de fond. Nommé « Odyssée Smash », mélange de jeu de l’oie et des systèmes d’améliorations de statistiques, il faudra que les participants passent par quelques parties pour bien maîtriser ce qui aurait dû être une version accessible et évènementielle du jeu, et qui finit par se noyer sous une interface des plus confuses. On l’essaie une fois, mais on y revient pas. Enfin, le multijoueur souffre de moins de latences, qualité du Wi-Fi oblige, que son homologue portable. Sans grandes originalités par rapport à celui-ci, il sert surtout à se faire les dents contre des adversaires autres que digitaux, en attendant que les potes arrivent.

BROS. BEFORE HOES

Des personnages charismatiques à gogo, des stages qui les subliment, un nombre impressionnant d’éléments de personnalisation qui impliquent les joueurs et transforment « un » jeu en « leur » jeu. Super Smash Bros. Wii U relève à lui seul l’intérêt de la console de salon dernière génération de Nintendo, elle qui ne semble pas se relever autrement que par l’exploitation de ses anciennes gloires. Méritant amplement l’appellation de « Killer App », le bébé de Masahiro Sakurai (peut être son dernier dans la franchise) est un hymne au combat de salon autant qu’une gloire à l’univers entier de Nintendo.

Oui, à force de s’étoffer de tout, Super Smash Bros. Wii U attrape au passage le n’importe quoi, l’Odyssée Smash en parfait exemple. Pour autant, ce ne sont pas ces trop-plein qui viennent gâcher une fête complète et majestueuse. Pour un jeu de franchise, se déroule devant nos yeux ébahis un rare équilibre entre modernité technique et respect de l’héritage. Une impression générale fantastique, comme le summum de la maturité autant que de l’innocence. Oui, Super Smash Bros. Wii U est un must-have immédiat. Dans ces temps d’approximations dans le monde du jeu vidéo, il se fait salutaire de reconnaitre, enfin, la qualité catégorique d’un produit.

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