Il y a pas si longtemps, des mecs ont créé Half-Line, un mélange entre Hotline Miami et Half-Life. Je sais pas pourquoi ils se sont cassés le cul, Teleglitch faisait déjà parfaitement le boulot depuis 3 ans.


Ce jeu, c'est un peu l'équivalent vidéoludique de la créature de Frankenstein.


Parce que c'est un patchwork de plein de choses, qui pourtant, parvient à les transcender pour acquérir sa propre identité.


Parce qu'il peut ne pas sembler très beau, mais que ce serait faire preuve d'un jugement prématuré que de le qualifier de mauvais pour cette raison.


Ou peut-être parce qu'il ne vous pardonnera jamais vos erreurs.



J'aurais du devenir comptable sur Prisma-3b



Teleglitch, sorti en 2012, est un jeu d'action en vue du dessus mâtiné de die & retry, à l'ambiance SF/horrifique. Les mauvaises langues le qualifieront d'infâme bouillie de pixels, j'y vois surtout un très bon hommage à tous ces bons vieux classiques du FPS (Half-Life, System Shock 2, Doom, et j'en passe) qui vous plaçaient, seul avec votre petit pistolet, contre un environnement dont la seule raison d'être était de vous utiliser comme engrais / poteau de signalisation / poupée gonflable.


Plantons d'abord le décor. Situé dans un coin paumé de la galaxie, la planète Medusa 1C sert de vaste champ d'expérimentations à la société Militech Corporation, qui, vous l'aurez compris avec un nom pareil, n'a pas choisi comme spécialisation la production de jouets ou de cookies fait maison.


Entre les recherches sur la téléportation, sur la régénération des tissus nécrotiques, le clonage ou encore l'expérimentation sur l'intelligence artificielle, l'habile amateur de science-fiction aura tôt fait de reconnaitre cet environnement de travail comme une poudrière installée dans une centrale nucléaire elle-même construite sur un volcan en activité dans un pays soumis à des frappes aériennes quotidiennes. Le parti pris de Teleglitch, c'est d'assumer tous ces clichés autant pour enrichir son univers que son gameplay.


Bien évidemment, la situation dégénère : le labo buchant sur la téléportation ouvre sans prévenir des failles dans le continuum espace-temps, ce qui fait complétement bugger l'AI de la base. SOS, et bien sûr, Militech envoie des soldats enquêter. Et bien sûr, peu après leur arrivée, tout contact avec eux est impossible. Ne voyant plus de profit possible dans une telle situation, Militech décide de s'en laver les mains, partir en sifflotant et laisser Medusa-1C dans sa dèche au fin fond de l'univers.


Sauf que. Une personne saine d'esprit est encore vivante sur Medusa. Ce scientifique, qui faisait partie de l'équipe "Téléportation", est resté planqué pendant des semaines, barricadé dans une réserve de bouffe. Ses réserves sont vides, mais il sait qu'il y a un moyen de s'échapper : parvenir jusqu'au prototype de téléporteur, et l'utiliser pour foutre le camp. Et of course, celui-ci est à l'autre bout de la planète.


Vous avez un couteau, un flingue, une montagne de boîtes de conserve vides, et une vague idée de ce qui vous attends dehors. Et comme le chante si bien De Palmas, vous n'avez qu'une seule vie. Bon courage !



Hum, qui a grogné ?



Teleglitch a énormément de choses pour lui.


D'abord son ambiance est excellente : l'histoire, accessible via plusieurs ordinateurs disséminés dans les niveaux, joue sans vergogne de son pitch parodique et, avec un ton décalé, parvient à intéresser et à justifier son gameplay.


En jeu, l'ambiance est moins à la fête : tout ce qui marche, rampe ou court veut vous tuer, et le sound-design retranscrit à merveille l'ambiance oppressante de ce laboratoire géant devenu foire aux horreurs. Peu de musique, des bruits de pas, des grognements : il n'en faut pas beaucoup plus. Parvenir à maintenir le joueur dans un état permanent de qui-vive avec trois bouts de pixels et du son, c'est un très bon boulot.


Parce que, oui, il faut bien y venir : Teleglitch n'est pas très joli. Même si de mon point de vue, son pixel-art simpliste n'est pas si désagréable à l’œil que ça, grâce à une palette de couleurs bien choisie et harmonieuse dans le genre "fin du monde sale et déprimante", il est évident que le premier réflexe de l'individu habitué à des graphismes un tant soit peu HD sera de vomir son petit déj à la vue de ce jeu. Si vous parvenez à passer cette barrière : les environnements fourmillent de détails et sont mine de rien plutôt variés.


Dans son design, le jeu est donc simple, mais extrêmement travaillé et très efficace.



What would McGyver do in that situation ?



Comme on l'a vu, le jeu est un shooter en vue du dessus. Sorti la même année qu'Hotline Miami, il est assez difficile de ne pas faire de parallèle avec ce dernier. Globalement, il se joue un peu de la même manière : ZQSD pour se déplacer, click gauche pour attaquer.


Mais il ajoute quelques subtilités :



  • un système de visée : l'utilisation d'une arme à feu ne peut se faire qu'en maintenant le click droit de la souris : cela a un prix, puisque vous en serez ralenti et donc plus facile à atteindre. Ce click droit vous permet également de déplacer la caméra en amont dans la direction où vous visez : très pratique pour anticiper la prochaine horreur qui essaiera de vous charcuter.

  • son inventaire : merveilleux à parcourir et à organiser. Il se présente sous la forme d'une liste. La molette de la souris vous
    permet d'y naviguer, la touche ctrl et la même molette vous
    permettent d'y déplacer un élément. Ultra simple à utiliser, même
    dans les situation d'urgence, type quand vous avez un troupeau de
    zombies aux fesses.

  • son système de craft : beaucoup de jeux se sentent obligés de l'inclure sans qu'il fasse sens, dans Teleglitch, il est vraiment
    essentiel à la survie et décuple vos choix. En combinant divers
    objets de votre inventaire, vous pouvez améliorer vos armes, changer
    vos médikits en drogues stimulantes, vous créer une armure ou un
    fusil à clous, ou même fabriquer un leurre explosif. Chaque objet
    s'avérera utile dans une situation donnée, mais vous coûtera
    également quelque chose. Rien n'est toutefois inutile, et ça, c'est
    du crafting comme on aimerait en voir plus souvent.


Globablement, s'il faut comparer le gameplay de Teleglitch à celui d'Hotline Miami, mon cœur balance en faveur du premier : tout aussi brutal, plus fluide, plus riche sans être plus complexe, extrêmement instinctif, ce jeu est une merveille à prendre en main.


Niveau difficulté : le jeu joue de son scénario justifiant toutes les horreurs possibles et imaginables pour lancer contre vous divers menaces, aux forces et faiblesses variées. Sans spoiler, il y a un bon rooster d'ennemis, leur IA est correcte, malgré les occasionnels bugs de collisions, et aucun d'entre eux n'est à sous-estimer, même en début de partie.


Les contrôles sont d'ailleurs pensés pour ne pas vous faciliter la tâche : votre petit couteau vous expose aux coups, votre pistolet n'a pas une précision infaillible si vous l'utilisez en bougeant ou trop près de vos ennemis, et vos explosifs peuvent vous revenir dans la tronche si vous n'êtes pas assez rapide pour vous planquer.


Ajoutons à cela un facteur aléatoire : les niveaux sont générés aléatoirement, mais suivent une courbe de progression thématique et contiendront tout le temps un certain set d'objets vous permettant d'avancer : si vous ne les trouvez pas, vous n'avez pas bien cherché.


Sa difficulté vient de là : une seule vie, un chouïa d'aléatoire, des ennemis solides et des contrôles qui demandent d'utiliser son cerveau. Bref Teleglitch est un de ses jeux qui peut vous faire passer d'une impression d'avoir le contrôle complet de la situation à un "ohmerdeohmerdeohmerdjefaisquoi" en quelques secondes.



A retenir




  • Ambiance +++ : L'ambiance sonore et l'absurde décalage qui existe entre les réflexions de votre perso et l'enfer dans lequel il est plongé font vraiment beaucoup.

  • Difficulté ++++ : Un jeu qui ne vous fera aucun cadeau, mais qui s'avère souvent très juste. Beaucoup de die & retry.

  • Gameplay ++++ : La grande force du titre : proposer des éléments vus et revus, mais d'une manière on ne peut plus limpide et efficace. Un régal à parcourir.

  • Graphismes ++ : Du pixel art plus travaillé qu'il n'en a l'air, mais très minimaliste et rebutant au premier abord.

  • Scénario ++ : On joue rarement à un roguelike pour son scénar, mais ici il faut bien avouer que ce qui aurait pu être un empilement de clichés est assez bien intégré et agréable à parcourir.

  • Rejouabilité +++ : La difficulté et la génération de niveau aléatoire en font un assez gros challenge, le gameplay en fait un solide défouloir.


Pensé comme un hommage aux classiques du survival horror et du jeu d'action, et complétement conscient de cet aspect, Teleglitch mélange un gameplay nerveux, un univers sympathique et une bonne ambiance pour en faire un cocktail d'une maîtrise impeccable. Tout va très vite, le jeu est nerveux tout en sollicitant vos neurones, bref, c'est de l'action comme on en fait pas assez.


PS : l'édition sortie en 2013, Teleglitch : Die More Edition, enrichit l'IA des ennemis, diversifie les niveaux, leur agencement et ajoute quelques nouveaux ennemis.

Créée

le 7 oct. 2015

Critique lue 1.9K fois

2 j'aime

Hamsolovski

Écrit par

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2

D'autres avis sur Teleglitch: Die More Edition

Teleglitch: Die More Edition
bunnypookah
4

Au moins cette version du jeu porte bien son titre.

Hotline Miami sous perfusion de rogue-like ça vous tente ? Moi pas. Teleglitch repart des mêmes bases (shooter nerveux en vue du dessus, graphismes moches 8 bits, maniabilité imprécise et difficulté...

le 21 août 2015

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