Oblivion n'est pas un jeu que j'affectionne grandement mais je me surprends pourtant à vouloir le relancer fréquemment : non pas pour ses qualités ludiques parfois relatives mais bien pour l'étrange aspect relaxant que le titre parvient malgré tout à véhiculer en dépit de ses nombreuses tares; une atmosphère contemplative sur laquelle le brave Todd Howard revient d'ailleurs assez longuement dans cette sympathique interview.


Quitte à revenir en Tamriel, il était temps de lancer cette extension fort appréciée dans la communauté des fans (et génératrice de nombreux Memes au fil des décennies); je ne savais pas vraiment dans quoi je mettais les pieds en m'aventurant sur cette île fort éloignée de Cyrodiil et le moins qu'on puisse dire c'est que ce Shivering Isles propose un sacré dépoussiérage en matière d'imaginaire après le classicisme assumé d'Oblivion : alors que le jeu originel se voulait être une représentation archétypale d'un périple chevaleresque (ce qui a sans doute fait sa renommée en son temps mais tend aujourd'hui à le desservir dans le domaine très prolifique de la Fantasy), nous arpentons ici littéralement le Pays de la Folie et la direction artistique se veut d'emblée bien plus audacieuse qu'il s'agisse des décors, du bestiaire ou même des armes et armures à notre disposition.


Mais derrière cette apparente excentricité, se dissimule pourtant une cohésion délectable dans ce World Building atypique : toute cette contrée est façonnée sur la thématique de la dualité, de telle sorte que la végétation, l'architecture et mêmes les gouts vestimentaires reflètent ses personnalités à double facettes; une schizophrénie à grande échelle dont la représentation démesurée demeure encore aujourd'hui assez inhabituelle dans le médium interactif (songez au repaire de Double Face dans Arkham City). Cette esthétique déroutante est de surcroît personnifiée par le mentor / antagoniste de cette extension en la personne de Sheogorath, déité abracadabrantesque et imprévisible dont même la voix française part délicieusement en roue libre avant d'être soudainement menaçante; le prince Draedique constituant dès lors un personnage beaucoup plus intriguant à suivre que les protagonistes assez ternes qui peuplent les terres de Cyrodiil (sauf toi Martin car t'es mon pote), offrant ainsi une belle compensation à l'absence d'ennemi marquant dans l'aventure originelle.


Bref, il s'agit là d'un terrain de jeu exceptionnel...Pour un RPG toujours aussi convenu à jouer, malheureusement.


Car Oblivion reste Oblivion et ses autres défauts persistent à entacher l'expérience globale, qu'il s'agisse de son système de combat redondant, ses donjons peu inspirés et bien trop fréquents, sa mécanique de persuasion absolument atroce (un comble pour ceux qui comme moi privilégient la parlotte à l'action) et surtout une étonnante rigidité structurelle dans de nombreuses quêtes en dépit de la liberté tant promise par l'exploration (le fameux "Jean Michel a perdu conscience"). C'est sur ce dernier point que Shivering Isles se montre, hélas, particulièrement perfectible tant la folie omniprésente du récit se voit cadenassée par une regrettable linéarité dans le déroulement de l’aventure ; à ce titre, il convient de mettre en garde les joueurs adeptes d'un Role Play Héroïque : au Pays de la Folie, il n'y a plus de Loi, de telle sorte que l'extension lorgne complètement vers une conduite machiavélique du joueur, avec ce que cela implique de tortures ou autres intimidations; pas d'alternative empathique dans le cas présent, aucun moyen de détrôner Shéogorath en faisant mine d'accepter ses excentricités sanguinaires : nous sommes un pantin guidé par un marionnettiste dément et il est quasiment impossible de secourir la veuve et l'orphelin dans une contrée déjà ravagée par l'infamie. Bref, l'immersion en prend quand même un sacré coup et il faut alors se contraindre à jouer littéralement le jeu, sous peine d'annihiler tout le Role Play savamment étoffé durant plusieurs dizaines d'heures au préalable : notre héros vaillant devient fou dès son entrée sur l'Île et si vous ne voulez pas qu'il en soit ainsi, n'y foutez tout simplement pas les pieds.


Bref, à l'image de l'aventure originelle, ce n'est pas une aventure que j'ai grandement apprécié dans sa globalité mais paradoxalement, je suis pourtant certain que de nombreux souvenirs perdureront dans ma mémoire de joueur, en définitive. C'était pas toujours très amusant à jouer mais c'est là encore un décor interactif qui mérite d'être découvert et surtout parcouru à son propre rythme.

Leon9000

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