The Elder Scrolls, une série pétrie de défauts plus ou moins rébarbatifs mais dont l'ambiance et la relative cohérence de l'univers savaient nous transporter des heures durant. Pour les pécéistes, le facteur déterminant du succès, en particulier depuis le 3ème opus «Morrowind», a été l'ouverture contrôlée du jeu à la modification par la communauté, à l'aide de l'outil made in Bethesda, j'ai nommé le «TESCS». Vous constaterez donc, qu'à l'heure où j'écris ces lignes, nous n'avons toujours aucune news concernant l'hypothétique release de ce qui est considéré comme l'outil magique de tous les miracles par les adeptes de la série. Malgré cela, j'ai mis 10 à Skyrim, ouais la note parfaite, celle qui définit n'importe quelle création comme une putain de chef d'œuvre tel que l'on en voit au mieux une fois par an. Pour certains, à chaud, je me serais grave emballé, oubliant au passage mon objectivité et le recul nécessaire à l'attribution de la note maximum. Ouais peut-être, mais ceux-là je les emmerde, et s'ils n'ont toujours pas mis les mains dans le cambouis, bah ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes. C'est donc bien sur une version vanilla (sans mod), avec le fichier « ini » légèrement modifié, que je commence cette aventure qui est en passe de devenir un de mes meilleurs souvenirs de gamer.

Me voilà en Bordeciel, sur une chariot en direction d'une prison, dans ce qui va être une des nombreuses cinématiques de la phase d'introduction. Non pas qu'elles soient foncièrement ratées, mais lors des deux heures qui vont suivre, on sera tenu par la main tel un autiste un peu beaucoup attardé. Passé ce court mais amer constat, ce sont les nombreuses tares et défauts du jeu qui nous sautent à la gueule sans rien avoir demandé. Je vais en énumérer quelques-uns :
- Une interface lourdingue et pas ergonomique pour un sou
- Des combats certes dynamiques mais super bourrins
- Des textures qui font saigner les yeux, dignes d'un Daggerfall de la grande époque
- Un système de levelling et de progression complètement chamboulé
- Des animations hyper raides à peine améliorées qui font toujours peines à voir
- Une création de personnage famélique comparée à celle d'Oblivion
- Un mise en scène hollywoodienne pas très d'à propos
bon je continue ou j'arrête...

Enfin, mon personnage, un dumner (elf noir) est finalement créé. Ça sera un héros polyvalent, aussi à l'aise avec une dague tapis dans l'ombre qu'en soutien prêt à lancer les sorts de Mister Freeze comme j'ai pu le voir dans le trailer qui était assez bandant. Passé ce tutorial, déguisé en film aux effets spéciaux hyper cheaps, s'offre enfin à moi la liberté tant espérée, celle de me déplacer où je veux et surtout quand je veux. La première demi-heure m'a semblé étrange. « Ce n'est plus un TES ! » m'écriais-je. « Ouais, c'est quoi ce putain d'univers ultra cohérent où tout semble à sa place ». Où étaient passées ces cartes bordéliques à la Cyrodill ou à la Daggerfall ?, où tout semble placé cube par cube comme dans une partie de Legos géants. Pour la première fois dans un jeu, je me sentais perdu, tous mes repères s'étaient fait la malle, le sol se dérobait sous mes pieds (je mens pour le côté dramatique). Je ne savais pas pourquoi, mais j'ai persévéré, sans prendre en compte le fait que toutes les vieilles habitudes du papy gamer que je suis étaient mis à mal sans aucune considération. C'est à partir de ce moment que toutes mes peurs, mes craintes et mes premières sensations guère enthousiasmantes se sont envolées d'elles-mêmes, comme par magie d'illusion en mode maître.

A l'insu de mon plein gré, je me suis retrouvé happé par cette région aux relents scandinaves comme rarement ça a été le cas. Jamais dans un RPG je me suis senti autant dans le rôle de mon avatar, et s'il y a bien une finalité à ce type de jeu, c'est sans aucun doute de ne faire qu'un avec son alter ego virtuel. Cette incroyable immersion est évidemment renforcée par une putain d'ambiance qui se dégage de chaque plan de Bordeciel (traduction ingame plus que littérale de Skyrim). Chaque contrée traversée possède une âme qui lui est propre, et je n'emploie pas ce terme à la légère. Devant la rigueur et la dureté de chaque instant de ces terres inexplorées, je ne pouvais m'empêcher d'être fasciné et admiratif devant ces créations de D.....euh attendez je m'égare. Un aspect, souvent sous-estimé mais au combien important, n'est pas en reste également, je parle pour sûre des compositions de Jeremy Soule qui nous soumet des thèmes musicaux toujours autant évocateurs de son immense talent, auxquelles cette fois-ci viennent s'ajouter des chœurs s'accordant on ne peut mieux avec le chant puissant des vents montagneux. Les bases, imparfaites quoiqu'on en dise, sont établies et suffisamment majestueuses pour pleinement nous ensorceler en un instant. Maintenant que la moitié du boulot est abattu, encore faut-il que les joueurs aient cette envie viscérale de jouer toujours plus. Pour faire simple :c'est fun ou c'est pas fun ?...

Le charme hypnotisant de ce 5ème TES agît encore malgré nous. Car si nous nous rendons à l'évidence, après un Fallout New Vegas à l'excellente écriture, ça serait mentir que d'affirmer que Skyrim soit de la même veine. Les quêtes ont un souffle épique évident mais une profondeur sans éclat, la quête principale en atteste : « Un prisonnier amnésique qui doit sauver Tammriel », bon ok, je simplifie exagérément. Les villes aux architectures réalistes et enchanteresses ont chacune leurs identités respectives, elles souffrent pourtant d'une certaine étroitesse et mériteraient de gagner en taille, ce qui, par causalité, influe également sur le nombre de PNJ, tous différents les uns des autres (quelques pnj génériques éphémères), mais encore trop peu nombreux. Il en va de même pour les donjons qui sont, pour la majorité, splendides, méticuleusement dessinés à la main par une équipe de plusieurs level designers, mais ne proposent pour la plupart qu'un chemin possible pour en voir le bout. Ce n'est pas du hit&run pour autant, mais laisser le choix au joueur, aussi risqué cela puisse t-il paraître, pouvait rendre chaque choix important et chaque succès gratifiant. Le levelling, sous la forme d'un arbre de compétences auquel on attribue un point dans chaque branche afin d'évoluer vers un gameplay spécifique, m'avait déstabilisé dès le départ. Pourtant, après plusieurs heures, il prend tout son sens et force le joueur à prendre des décisions capitales qui pourront changer drastiquement son gameplay et dans une moindre mesure, conditionner le comportement des entités (guildes, pnj, châtellenies etc...) envers le joueur.
Le « Radiant AI », même s'il est loin d'être tout à fait au point, permet quant à lui de créer des quêtes procédurales ou des évènements aléatoires, qui soyons francs sont plus souvent anecdotiques qu'autre chose, mais parviennent à insuffler un vent de fraîcheur bienvenue.

Skyrim est comme vous l'avez lu ou peut-être vous-même constaté, bourré d'erreurs de jeunesse dont certains sont impardonnables et sont pitoyables pour une production AAA. Les détracteurs pourront à loisir s'en servir pour fustiger le jeu et sa finition perfectible. Pour être honnête, on ne peut nier leurs arguments. Oui mais voilà, Skyrim est indubitablement le RPG qui propose l'univers le plus cohérent, le plus complet dans ce qu'il propose et le plus immersif qu'il m'ait été donné d'expérimenter dans ma vie de gamer. Quand je cries haut et fort tout cela, je n'oublie pas Baldur's Gates 2, Fallout 2 et même Arcanum. Ceux-là aussi souffraient de défauts particulièrement handicapants, mais ça ne les a pas empêché d'atteindre le firmament du plaisir vidéoludique.
A peine ose-t-on ouvrir Skyrim qu'on peut être sûr d'y jouer plusieurs heures en perdant toute notion du temps, et quand vient le moment de s'arrêter, la seule à laquelle on pense est de pouvoir y retourner le plus tôt possible. Si cela n'est pas le signe d'un jeu d'exception comme on en fait plus, s'il vous plaît, dites-moi ce que c'est...
Mehdi-Ouassou
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le 20 nov. 2011

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Mehdi Ouassou

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