J'ai beau être de cette génération, je ne suis pas du tout nostalgique du gros pixel, ni des jeux d'aventure de ce que beaucoup appellent "la grande époque". Pour moi, cette époque est surtout celle de la chasse au pixel dans des décors illisibles et des énigmes débiles à foison. Le genre de jeu qu'on termine avec la soluce pour compenser les défauts d'écriture et de design qui nécessitent d'enchaîner les actions absurdes.


Mais quand on m'a parlé d'un huis clos rural d'inspiration Lovecraftienne dans une campagne anglaise puant le malaise et la superstition, j'étais séduit. Si on m'avait dit qu'on pouvait y câliner des poules, je n'aurais certainement pas autant attendu avant d'y jouer.


Hob's Barrow parvient-il à s'affranchir du handicapant héritage des ainés dont il s'inspire ? Pas complètement.


Malgré des péripéties s'enchaînant logiquement et des énigmes pas trop tordues, il y a quelques moments un peu foireux où on rate un objet dans le décor parce qu'il est composé de deux pixels gris sur fond noir, ou ces quatre pixels bleus dans un parterre de fleurs que je n'ai jamais pensé à survoler, parce que j'étais convaincu qu'il s'agissait d'une jacinthe, et non d'un objet critique à la suite du jeu. Il y a l'énigme absolument nulle de la pomme, qui semble tout droit sortie d'un jeu LucasArt.


La chasse au pixel est un défaut tellement facile à corriger que j'ai du mal à me montrer indulgent, mais le jeu se rattrape très bien sur à peu près tous les autres aspects :


■ Son ambiance subtilement pesante qui met mal à l'aise avec bien peu de choses, en laissant nos esprits tourmentés deviner ce qui n'est pas montré, ou ce qui se cache entre les pixels.

■ Des dialogues finement écrits et parfaitement doublés, notamment Thomasina : son accent d’aristocrate british et ses adorables tics de langage.

■ Une histoire remplie de mystères et étayée de flashback qui nous laissent peu à peu découvrir notre personnage, et donnent sans cesse envie de connaitre la suite.


[SPOILER MAJEUR]

Et... c'est là que le jeu trébuche malheureusement dans son dernier acte. Après avoir amplement fait monter la sauce et expliqué par le menu où il compte nous emmener, il prend un virage à 180° et-- Ah non, finalement, il nous emmène exactement là où on l'attendait, et c'est bien dommage.


Peu avant l'excavation, on découvre que tout ça était une conspiration pour manipuler Thomasina et la pousser à faire de don de son sang, de son plein gré, pour réveiller un démon. Avant d'entrer dans le souterrain, tous les villageois ont mystérieusement disparu de leur domicile, et il est absolument évident que quelque chose ne tourne pas rond.


Je m'attendais à deux issues possibles :


1- Elle se rebiffe et reprend le contrôle de sa destinée. Vu qu'une bonne partie du village est dans la combine, ça se serait sûrement mal terminé, mais qu'importe


2- L'engrenage implacable de ce piège se referme sur elle malgré tout, et elle joue le jeu des villageois. Mais pour que ça fonctionne, il aurait fallu éviter de lui montrer 18 red flags avant et pendant son exploration des catacombes.


Quand elle arrive finalement au fond du complexe souterrain et décide d'offrir de libérer le démon malgré tous les avertissements en lettres de sang qu'elle a vu sur son chemin, c'était vraiment la connerie de trop, qui m'a fait sortir du personnage. J'aurais aimé une manipulation plus subtile, moins évidente, plutôt que cette ruse grossière qui fonctionne uniquement parce que Thomasina est trop conne pour ne pas se faire avoir.


Et oui, le jeu prend largement le temps de construire son personnage et sa relation avec son père pour expliquer à quel point elle est prête à tout, mais ça n'a pas suffi.

Ezhaac
7
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le 11 févr. 2024

Critique lue 18 fois

Ezhaac

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