(Golden) Axe : laisse le charme agir.

Attention, cette critique et principalement le souvenir d'une époque révolue.

Pour en saisir pleinement la mesure, il faut se replacer dans le contexte. Le début des années 90 et l'explosion du jeu-vidéo avec l'arrivée des consoles de salon. Les bornes d'arcades diffusant dans les bars et autres salles enfumées leur lumière bleutée et crachant leur "Insert coin" répétitif pour notifier aux gamins s'excitant en vain sur les joysticks et boutons que les quelques minutes de plaisir n'étaient pas gratuites.
Pour contrôler ce combattant body-buildé et abattre son épée sur ces hordes d'orcs, pour décocher les flèches lumineuses de cet elfe visiblement en quête d'un toilette pour pouvoir de nouveau fluidifier ses déplacements, il fallait cracher. 5 francs le crédit, 10 francs pour 3 chez les plus radins. 5 francs les 3 et 10 francs les 7 pour les rares autres.
Imaginez. Prochainement. Ici, un Buffalo Grill. La chaîne de restauration française la plus américaine se développe et les ouvertures s'enchaînent. Un totem pour accueillir le menu. Des serveurs sortis tout droit d'un western à petit budget. L'ambiance feutrée et cosy d'un box sous cette lumière rouge. L'entrée donnant sur les cuisines frémissantes et fumantes où les sourires bienveillants des cuisiniers plein de "on est là pour toi, profites" t'accueillaient tout autant que les serveurs. Vous le voyez là, l'incrédule et facilement émerveillé gosse de 13 ans devant sa salade gratuite ? "Mais, on a rien commandé" s'était exclamé mon père. C'était gratuit, la mise en bouche avant l'aller simple pour le Texas et ses morceaux de viandes de boeuf démesurés.
Mais, sauce barbecue sur le T-bone steak, pile sur le trajet des toilettes se trouvait la dite borne d'arcade, le sésame accessible uniquement grâce à l'étonnante combinaison de mots proférés au redoutable gardien du trésor : "Maman, je peux avoir 10 francs pour jouer au jeu vidéo s'il te plait ?"

KING OF DRAGONS

Nous développerons cette critique, mon alter-ego enfantin et moi même selon 3 axes qui me permette ce jeu de mots digne du boute-en-train qu'était Cauet lors de son apogée radiophonique sur Skyrock : Heroic / Fight / Easy.

Heroic

Heroic car armé de mes 7 crédits, autant vous dire qu'il aura fallu attendre des années, que je retrouve le nom de ce titre grâce à un de mes éclaireurs Sens Critique (All Hail Behind), pour enfin venir à bout de ce soft de Capcom, avec fort heureusement, sauvegardes et continus à discrétion.
Heroic car jusque là, un beat'em up, pour moi, c'était des rues poisseuses abandonnées aux vauriens et autres punks rompus aux attaques en traitres, prêts à vous laminer à coups de barres de fers ou de couteaux. C'était une noble cause, un sauvetage en bon et du forme avec l'option nettoyage des rues au karcher. Les vrais héros, guerriers, magiciens et elfes s'adonnaient à d'autres activités.
Mais ici, pas de princesses à sauver, pas d'univers à développer, non. On rentre dans le vif du sujet en adaptant graphiquement cet univers de magie et de chevaliers au travelling brutal du genre, sur des niveaux relativement courts, dézinguant à tour de bras des hordes d'ennemis jusqu'au boss final. On sélectionne son personnage parmi les habitués du genre, magicien, clerc, nain, elfe, guerrier, chacun avec ses attributs propres. Cette légère différence associée à la reprise du principe de l'XP du personnage et de ses armes, empruntée au RPG, est à souligner mais elle ne change pas particulièrement l'expérience de jeu, tout comme la carte qui nous balade d'un niveau au prochain.

Fight

Sauter. Frapper. Attaque spéciale diminuant votre propre vie. La formule classique adaptée au monde de l'heroic fantasy. Si la mécanique est ultra éprouvée, on regrettera malgré tout l'absence d'enchaînement dans les mouvements, nos héros se contentant d'enchaîner les coups tels des aficionados du jeu de la taupe. Bonne idée cependant, de temps en temps, des sphères de pouvoirs bienvenues déchaînent une attaque élémentaire sur vos ennemis. Elles vous suivent dans votre escapade sanglante et peuvent vous rendre un fier service si vous les activez au bon moment, en faisant ce que vous savez faire de mieux, les frapper, tâche soit-dit en passant ardue lorsque l'ennemi pullule.

(Not so) Easy

Simple et classique sur la dynamique, The King of Dragons est une parfaite machine à sous. Si les ennemis lambdas sont assez facilement gérables passées quelques secondes pour comprendre leur fonctionnement, le timing sera ici votre pire ennemi, plus particulièrement face aux boss démesurés, boulimiques de crédits. En bon jeu d'arcade, le principe d'allègement du portefeuille est parfaitement respecté et pour avoir sué et râlé d'un samedi sur l'autre à essayer d'aller de plus en plus loin avec cette inusable pièce de 10 francs, en venir à bout des années plus tard est une juste récompense.

Avec le temps, les qualités de ce King of Dragons n'en sont donc plus vraiment et les souvenirs de ces tentatives infructueuses pour atteindre le dernier boss et l'abattre resteront de loin les raisons qui me poussent à aller au-dessus d'une note à peine moyenne. Indéniablement quelques bonnes idées et des graphismes au service d'un level et d'un chara-design attirants pour l'époque mais, si vous découvrez ce soft maintenant, je doute qu'il vous charme autant qu'un gamin de 13 ans, dans les années 90, hypnotisé par la lumière bleutée d'un tube cathodique, à quelques mètres des toilettes du Bufallo Grill de Tours Nord.