Aujourd'hui nous allons voir ce qui fait qu'un jeu The Legend of Zelda est un jeu The Legend of Zelda.


Pour ce faire, prenons un cas d'école : The Legend of Zelda : Breath of the Wild. Beaucoup de critiques disent en résumé "Super jeu, mais est-ce-que c'est bien un Zelda ?". Ces critiques semblent, de prime abord justifiées principalement pour deux raisons :
La première, c'est que Miyamoto Shigeru (oui, les japonais mettent le nom de famille en premier) ne faisait pas partie des équipes travaillant sur le jeu.
La seconde et c'est celle qui est avancée le plus souvent, c'est que Breath of the Wild casse beaucoup de codes habituellement suivis par les jeux The Legend Of Zelda .


Les codes cassés par le jeu
L'absence d'équipements qui ne soient pas des armes : Dans les autres opus de The Legend of Zelda, on trouve des équipements qui ne sont pas forcément (que) des armes et qui servent à débloquer de nouvelles zones du jeu : le plus connu étant le grappin, mais on pourra aussi citer l'aerouage, le bâton anima, les bottes de Pégase, la plume, les bracelets de force, etc... Dans Breath of the Wild, il n'y a guère que la paravoile. Les connaisseurs de la saga rétorqueront que dans Ocarina Of Time qui sert de référence à pas mal de fans de la série, il n'y guère que le grappin qui ne soit pas vraiment qu'une arme. Et ils ont raison. On pourrait aussi ajouter que l'éventail koguru qu'on trouve dans Breath of the Wild n'est pas vraiment une arme mais plutôt un équipement "autre" même si son utilisation est très spécifique.


L'absence d'instrument de musique : Depuis Ocarina of Time (et même dans certains opus précédents), on était habitué à pouvoir faire de la musique. Et bien pas dans Breath of the Wild. Certains avanceront (et ils auront raison) que d'autres opus ne proposaient pas non plus d'instrument de musique.
Petite parenthèse : on notera la présence très faible de musique en dehors des zones habitées dans Breath of The Wild, d'après moi c'est un excellent choix qui accroît l'impression de grands espaces, de solitude et de légère mélancolie. Les musiques des différents villages et celles des combats sont, cependant très réussies et assez marquantes (mention spéciale à la musique du village Piaf qui est une excellente reprise du thème de l'île de l'Aurore de Windwaker). Beaucoup de musiques du jeu sont des reprises retravaillées de certains thèmes des jeux précédents (qui avait reconnu le Mambo du Poisson Lune de Link's Awakening ?), ces clins d’œils raviront les oreilles des fans.


L'absence de donjons cyclopéens : Pour beaucoup de joueurs, ce qui fait un peu le sel d'un The Legend Of Zelda, ce sont les immenses donjons à l'ambiance étouffante. Dans Breath of the Wild, ils sont remplacés par 120 sanctuaires dispersés sur la carte gigantesque du jeu. Ce sont de mini donjons d'une à dix salles renfermant des ennemis à combattre ou des énigmes à résoudre. On trouvera également des donjons avec des mécaniques particulières et un peu plus conséquents (mais toujours bien plus petits que ceux des opus précédents) représentés par les quatre créatures antiques ( Vah'Naboris (le chameau), Vah'Medoh (l'oiseau), Vah'Rudania (la salamandre) et Vah'Ruta (l'éléphant)). C'est vrai que, sur ce point, ça change mais c'est dans la continuité du chemin engagé par Skyward Sword, (regrettable) opus dans lequel les donjons sont très petits, les énigmes trop triviales et où le "manque de donjon" n'est pas compensé par la présence de sanctuaires. Breath of the Wild, lui, ne déçoit pas les amateurs d'énigmes ajoutant même un moteur physique bien travaillé (détaillé plus loin dans cette critique).


Des armes qui cassent : Dans Breath of the Wild, les armes ont une solidité et finissent par se briser à force d'être utilisées. Chaque coup usera votre arme qu'il soit porté sur un ennemi ou sur un élément destructible (caisses, tonneaux, bloc de pierre précieuse, etc...). Pour compenser, il est possible de récupérer les armes laissées par les ennemis (c'est d'ailleurs le principal moyen d'obtenir des armes). Je trouve que les armes sont un peu trop fragiles et, si on ne fait pas attention, il est tout à fait possible de se retrouver totalement désarmé (surtout en début de partie). Cette nouvelle mécanique de jeu colle parfaitement avec l'aspect "survie" souhaité par les développeurs. En effet, dans la majorité des jeux de survie, on retrouve des équipements périssables. Cela oblige le joueur à faire preuve de prévoyance et d'adaptabilité, deux traits bien utiles dans la vie de tous les jours (ou quand le jeu vidéo devient une école de la vie, oui j'use d'hyperboles).


L'Open Word et la fin de la linéarité : Monde ouvert oblige, à part les 4 premiers sanctuaires qui font office de tutoriel, il n'y a aucun passage obligé dans Breath of the Wild, vous pouvez aller affronter Ganon directement après l'introduction... et mourir pitoyablement parce que votre équipement sera insuffisant ! Dans les faits, vous serez donc contraints de faire quelques sanctuaires pour augmenter le nombre de vos cœurs et de parcourir le monde pour trouver des équipements au moins corrects. Et oui, la liberté ça n'est pas la facilité, au contraire : la facilité, c'est d'être tenu par la main en permanence ; la liberté, c'est le contraire. Cette liberté nouvellement acquise pourra peut-être dérouter certains habitués de The Legend of Zelda mais rassurez-vous, on s'y fait très bien !


Les nouvelles mécaniques de jeu
Le monde ouvert : Déjà expliqué dans la fin de la linéarité (juste au-dessus). Le jeu se paye le luxe de donner des leçons d'open world aux studios qui l'exploitent depuis les années 2000 (hein, Ubisoft !). Car oui, Breath of the Wild va bien au fond du concept d'open world : le relief du monde étant très travaillé, on se retrouve avec une myriade de points de repère qu'on peut exploiter pour s'orienter, comme le feraient de vrais explorateurs dans une zone inconnue. Les développeurs du jeu vont jusqu'à proposer de retirer la minimap (dans les menus) pour vraiment pousser jusqu'au bout le concept d'exploration.
Et, le jeu vous lâche la main, on peut découvrir la carte grâce au tours Sheika mais, elles ne vous signaleront pas tous les points d'intérêts de la carte comme c'est fait dans beaucoup d'open world (au hasard Assassin's Creed), rendant l'exploration totalement triviale et sans intérêt. Où est l'intérêt de découvrir un coffre lorsqu'il est signalé sur votre carte parce que vous êtes monté sur un clocher à 100m de là ? Dans Breath of the Wild il faut se débrouiller et à partir de là, quand on trouve quelque chose par soi-même, on en est d'autant plus satisfait.
On notera aussi qu'il est possible de nager et d'escalader dans les limites que permet la barre d’endurance qui suit le même principe que celle de Skyward Sword. Mais on peut vraiment grimper et nager presque partout, il n'y a pas de chemin tracé (on peut escalader une falaise en passant où on veut) et, à l'inverse de beaucoup d'Open World, la progression n'est pas limitée par le level design mais uniquement par la gestion de l’endurance et ça, c'est génial ! En effet, il est bien plus satisfaisant d'arriver en haut d'une falaise en se disant "j'ai bien géré ma barre d’endurance" plutôt qu'en se disant "j'ai enfin trouvé LE chemin que les level designers ont tracé".


La chasse et la cuisine : Ça va globalement de paire avec le monde ouvert, mais je le précise tout de même : dans Breath of the Wild, il y a bien-sûr des monstres mais aussi des animaux qui, la plupart du temps, ne sont pas agressifs (ils sont même relativement craintifs). Vous pourrez les chasser pour obtenir de la viande. Cette viande, mêlée à d'autres aliments (fruits, légumes, poisson, fruits de mer, herbes) vous permettra de concocter des recettes de cuisines régénérant la santé de Link et pouvant également avoir d'autres effets (protection contre le froid, le chaud, le feu, la foudre, augmentation de l’endurance, etc...). Dans Breath of the Wild, les monstres ne vous laissent plus de cœurs, la cuisine est donc une mécanique essentielle (et très bien mise au point) du jeu qu'il vous faudra apprendre à maîtriser. Petite parenthèse : à part rares exceptions, les monstres ne laisseront pas de rubis, vous gagnerez des rubis en effectuant les quêtes annexes mais aussi et surtout en vendant le fruit de vos chasses, de vos cueillettes et aussi les morceaux de monstres que vous récupérerez (crocs, griffes, viscères, etc...).


Une valeur d'armure : A part l'armure magique dans Twilight Princess, je n'ai pas le souvenir de vêtements de protection dans les jeux The Legend of Zelda. Et encore, cette armure était plus un gadget qu'autre chose. Dans Breath of the Wild, les vêtement sont nombreux et ils ont tous une fonction particulière ainsi qu'une valeur d'armure. Plus votre valeur d'armure est élevée, moins vous perdrez de cœurs lorsque vous subirez une attaque. C'est une mécanique habituelle dans les RPG mais jusque là absente des jeux The Legend Of Zelda.


Un moteur physique : Ce moteur physique est exploité principalement par l'utilisation des 5 sortilèges du jeu ( "Bombes à distance" (sphériques ou cubiques), "Polaris", "Cinetis" et "Cryonis") mais aussi par d'autres actions plus triviales : il est, par exemple, possible de faire rouler des rochers ou des troncs d'arbre du haut d'une falaise ou d'une côte pour balayer ou écraser des ennemis.


Bon alors ? C'est encore un The Legend Of Zelda ou pas ?
Ma réponse (et non LA réponse) est "oui" (parce que LA réponse, de toute façon, c'est 42). Oui, parce que, bien que bousculant certains codes, d'autres sont conservés : le jeu est toujours une nouvelle adaptation de la "légende du Héros" qui sauve la princesse des griffes de Ganon, le gameplay bien que doté de nouvelles possibilités (incluant le saut contrôlé par le joueur) est toujours basé sur celui d'Ocarina of Time, on retrouve des monstres du bestiaire original du jeu (bokoblins, lizalfos, mobelins, etc...), on retrouve la dimension d'exploration du jeu, elle est même poussée au paroxysme, etc...


Tous ces points nous poussent à nous rappeler que nous sommes bien devant un The Legend of Zelda, mais il y a un point souvent oublié alors qu'il est pourtant le plus important : lorsqu'on a demandé à Miyamoto Shigeru comment lui est venue l'idée de The Legend of Zelda, il a répondu que c'était en se promenant dans la forêt et en se rappelant comment, enfant, il courait partout et grimpait aux arbres et aux rochers... Et ça, on y consacre une bonne partie du temps passé sur Breath of The Wild !
Donc oui Breath of the Wild est bien un jeu The Legend of Zelda, c'est même celui qui se rapproche le plus de l'idée originale que s'en faisait le créateur de la saga.


Parlons un peu graphismes : le jeu est beau, les ambiances sont très bien rendues sur l'écran de la Switch ainsi que sur une télévision HD. Je me suis surpris à laisser mon cheval galoper sur une route sans but précis juste pour admirer les paysages, à passer plusieurs minutes à observer le paysages en contrebas quand j'avais atteint le sommet d'une montagne (ce que je fais vraiment lorsque j'arrive au point culminant d'une randonnée dans les Alpes). En bref, les graphismes ne sont pas réalistes (ça n'est pas le but recherché) mais ils sont suffisamment beaux pour qu'on ait des sensations comparables à celle d'une promenade à cheval ou une randonnée en montagne. Le jeu porte très bien son titre : Breath of the Wild.


Pour conclure : *The Legend of Zelda : Breath of the Wild" mérite bien la mention The Legend of Zelda et, en plus, il se paye le luxe d'être un excellent open world presque exempt de "murs invisibles" et de chemins prédéfinis (bien sûr, il y a des chemins et des routes, mais rien n'oblige à les emprunter). Après un Skyward Sword extrêmement décevant, c'est véritable vent de fraîcheur qui souffle sur la saga.


Malgré quelques petits points négatifs (les armes se brisent un chouia trop vite et l'absence de gros donjon), le jeu mérite son 10/10 rien que pour la façon exceptionnelle dont il gère l'open world.

Créée

le 18 mai 2017

Critique lue 598 fois

2 j'aime

Samuel Vimaire

Écrit par

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