Oui, je pense qu'on peut dire sans trop exagérer que je suis grand fan de la saga Zelda.
Depuis que je l'ai découverte avec l'épisode A Link To The Past, elle m'a fait connaître claque sur claque à chacun de ses épisodes, des deux opus mythiques de la N64 à Wind Waker, au point de poser les bases fondamentales du joueur que je suis aujourd'hui...
...Et pourtant, non, je n'attendais pas avec impatience cette nouvelle mouture prévue pour lancée la Switch. Loin de là...


Parce qu'en effet – sachez-le – je ne m’étais fait aucune joie à l’annonce de ce Breath of the Wild. Pire encore, j’avais acté le fait de ne pas l’acheter et de ne pas y jouer.
Bah oui. C’est que tout fan de Zelda que je suis, j’avoue malgré tout avoir été déçu du manque d’originalité et de renouvellement des derniers épisodes phares de la saga.
Twilight Princess ? Je l’ai trouvé propre mais sans audace. Une simple reprise mis au gout du jour d’ Ocarina of Time ; un jeu de commande pour satisfaire les fanboys et les fangirls.
Skyward Sword ? Un jeu qui reste très pro et exigeant, mais qui a témoigné selon moi des limites que la saga n’arrivait pas à dépasser, à la fois en termes de narration, de technique, mais aussi de gameplay.
Alors pensez-vous donc : après deux épisodes qui représentaient en tout et pour tout douze ans d’une déception bien macérée, je peux vous dire que c’était largement suffisant à mes yeux pour reléguer cette saga au rang des belles franchises appartenant au passé. Et pourtant…


Il aura donc fallu l’abnégation d’un pote, des retours absolument dithyrambiques sur ce jeu et quelques concours de circonstances pour qu’au final je me risque à un petit coup de folie.
Alors allez… Une petite Switch et le dernier Zelda pour tout tenter sur un seul coup : le feu d’artifice tant vanté ou le coup de grâce qui me permettrait d’entériner mon divorce avec Nintendo en toute sérénité…


Eh bah au final, ce fut presque le feu d’artifice.
« Presque », parce que ce jeu est loin d’être parfait, et pour moi il aurait pu être nettement meilleur si certains choix, anecdotiques ou pas, avaient été faits.
Mais au-delà de ça, je me dois quand même d’être lucide sur mon expérience. C’est vrai : j’ai pris ma claque.
J’ai revécu ce que j’avais vécu avec A Link To The Past, avec Ocarina of Time, avec Majora’s Mask, ou bien encore avec Wind Waker. J'avais l’impression qu’on me réinventait un truc ; j’avais l’impression de partir à la conquête d’un tout nouveau champ d’expérience du jeu vidéo jusqu’alors jamais exploré.
Oui, Breath of the Wild m’a fait cet effet là…


Mais néanmoins, mettons tout de suite les points sur les « i ». Je sais à quel point les louanges disproportionnées peuvent nuire à la découverte d’un jeu.
Donc, oui, pour moi cet épisode réussit à explorer quelque chose de nouveau – c’est vrai – mais attention, cela reste un pur Zelda dans ses mécaniques de base.
Pas de révolution, sur ce point : la filiation est assurée. Personnage de chevalier devant sauver la princesse – exploration – épée et bouclier – rencontre avec des personnages – accomplissement d’épreuves pour acquérir cœur et armes upgradés : là-dessus pas de nouveauté.
Mais malgré ça, ce Zelda, dès son intro, il pose tout de suite sa marque.


La première baffe de ce Breath of the Wild, c’est l’épure.
Après des épisodes qui jouaient de l’épopée à tour de bras, à la fois dans les musiques, le scénario ou le gigantisme des ennemis, ce Zelda-là commence par en imposer le moins possible.
Pratiquement pas d’histoire, une ouverture totale de l’espace, des musiques très effacées et délicates. La direction artistique pose sa marque...
Mais me concernant, l’enthousiasme est vraiment né quand je me suis rendu compte qu’à cette épure, les développeurs du jeu avaient décidé d’y associer – deuxième baffe – du décloisonnement.
...Et si le jeu nous restreint temporairement dans une petite zone pour commencer, histoire de nous familiariser avec ses nouvelles mécaniques, il révèle tout de suite et malgré toute l’ampleur de son potentiel.


Voilà désormais qu’on peut grimper.
On peut grimper les parois des rochers. On peut grimper les falaises. On peut grimper les bâtiments…
Mais quelle putain de révolution…
En soi, l’idée n’est pas radicale, surtout pour ceux qui se sont déjà fait un Assassin’s Creed dans leur vie. Mais pour qui a déjà joué à un Zelda, celui-là prendra alors tout de suite conscience ce que cette donnée peut changer dans l’architecture bien plus riche d’une telle saga.


Rien que de réfléchir à ça, moi, au départ, ça m’a rendu fou.
Surtout qu’une donnée intéressante a été introduite : la gestion de l’effort.
On peut escalader oui, mais on ne peut pas tout escalader ni n’importe comment. En somme, s’associe très vite à l’envie d’exploration une notion de risque.
Est-ce que ça vaut le coup ? Est-ce que c’est gérable ? Est-ce que c’est le genre de truc qu’il ne vaudrait pas remettre à plus tard, quand j’aurais plus de souffle ?
Du coup, l’air de rien, à poser cette balance entre d’un côté une possibilité d’exploration presque infinie et de l’autre un nécessaire et permanent calcul de risque, Breath of the Wild instaure un état d’esprit au fond assez proche de celui de l’explorateur : c’est grisant, mais c’est dangereux.
Et c’est justement parce que c’est dangereux que, lorsqu’on atteint un sommet sur lequel on a bien galéré, ça devient encore plus grisant…


Et cette philosophie de balance permanente entre expérimentation et risque, elle a été développée partout.
Gestion de l’usure des armes. Gestion des vêtements. Gestion des aliments collectés. Obligation de se reposer, de chasser, de cuisiner…
C’est simple, en arrêtant de tout vouloir simplifier à l’outrance dans cet épisode – et en réinstaurant une part de risque dans les prises d’initiative des joueurs – la saga s’est rouverte des portes.


Et c’est là que le jeu devient démentiel.
Parce qu’au-delà du décloisonnement, il y a un truc que j’ai trouvé absolument super dans ce jeu, c’est l’aspect « partie auto-construite » par le joueur.
Et sur ce point, il me semble que je vais devoir m’expliquer quelque peu…


Ce que j’ai envie d’appeler maladroitement l’auto-construction de la partie par le joueur, c’est une sorte de décloisonnement à la fois dans la narration et à la fois dans le parcours d’exploration du gameplay.
Parce que jusqu’à présent, dans un Zelda, on avait beau avoir une belle carte partant dans tous les sens, il y avait néanmoins un parcours obligatoire dont il était impossible de s’extraire. Les zones étaient bloquées artificiellement par des obstacles qui nécessitaient d’acquérir certains items pour les surpasser.
Ainsi, la découverte du monde était progressive et scriptée. Ça avait l’avantage de ne pas user le joueur en frustration et en égarements, mais d’un autre côté ça retirait au joueur la liberté de cheminer dans son monde comme lui le souhaitait.
Eh bien Breath of the Wild a l’intelligence de casser cela.


Un symbole de tout ça : l’objectif donné dès le départ du jeu. « Abattre Ganon ».
Simple et direct. C’est-à-dire que si on veut aller tout de suite en découdre avec le boss final, on peut. On va en chier parce qu’on n’est pas armé pour ça, mais on peut.
De même, le jeu ne nous gonflera pas à distiller ses armes et outils un à un. Non, là on a tout quasiment dès le départ.
Tout nouvel objet trouvé ne sera qu’une version potentiellement améliorée du précédent. Tout est ouvert tout de suite.
Et même au niveau de l’intrigue et de l’exploration, si le jeu nous laissera jamais en plan sans nous donner quelques points clefs pour faire avancer l’histoire, jamais il ne nous imposera un ordre, une priorité ou une indication sur la faisabilité des choses.
On peut même sécher des trucs. Mieux, comme l’indique l’objectif premier « Abattre Ganon », on peut carrément tout sécher.
En gros, c’est encore et toujours une question de calcul du joueur par rapport aux difficultés posées par le jeu.


Et – encore une fois – c’est vraiment là que, moi, j’ai commencé à prendre mon pied sur le long terme.
Le jeu avait son univers, son histoire, ses épreuves. Mais il ne me disait pas dans quel ordre je pouvais les faire. Mieux, il me disait que je pouvais les faire dans l’ordre que je voulais.
Ainsi, j’ai commencé à me perdre, à me balader, à m’attarder sur des détails. Et le jeu sait toujours récompenser celui qui prend le temps ; celui qui prend la peine de regarder…


Les tours d’observation qu’il convient d’escalader pour avoir accès aux cartes redeviennent de vraies tours d’observation.
Il faut regarder par soi-même, être attentif, sinon on va rater quelque chose. Et vu que le jeu continuera quoi qu’il arrive, qu’on ait découvert peu de choses ou beaucoup, cela amène forcément chaque joueur à mener une partie qui lui est propre.
Et ce qui est bon : c’est que le jeu saura vous rappeler à vos choix.
Moi, par exemple, j’ai souvent fui les combats, ne voulant pas user inutilement mon matériel. Eh bah forcément, au bout d’un certain moment de ma partie, Breath of the Wild m’a confronté aux conséquences de mes choix.
Quand il a fallu se confronter à certains boss, le jeu m’a très vite rappelé que j’étais aux fraises techniquement et que mon équipement était à revoir… Par conséquent, je ne suis pas convaincu d’avoir eu la même expérience de jeu qu’un va-t-en guerre prêt à tout expérimenter.


Du coup, grâce à cette mécanique très permissive et ouverte, j’ai clairement l’impression d’avoir construit par moi-même ma propre expérience de jeu.
Et ce qui est génial, c’est que ce qui est valable pour le gameplay l’est aussi pour l’intrigue.
Car la narration a aussi été pensée pour un jeu pleinement ouvert.
Ainsi, au lieu d’être une série d’événements se déroulant dans un ordre bien précis, la narration est en fait fragmentée entre souvenirs, rencontres, détails sur les murs ou dans les dialogues...
Et si l’histoire racontée est au fond assez classique (une fois de plus), j’avoue que j’ai pris un certain plaisir à la parcourir parce que je l’ai découverte en la composant moi-même.
Un peu comme un archéologue, à chaque nouveau fragment trouvé, j’ai complété ma carte mentale.
Quand j’avais peu de fragments à disposition, je me risquais à imaginer ce qui manquait, partant du principe que je n’aurais pas forcément tous les éléments en main à la fin de mon aventure.
Et quand par contre j’ai commencé à en avoir pas mal, là j’ai pu vérifier comment chaque fragment venait confirmer ou nuancer ce que je m’étais jusqu’alors imaginé.
Encore une fois, le plaisir ne vient pas du matériau en soi, mais plutôt de la place qu’il nous laisse pour le façonner…


Alors après, oui, j’entends qu’en soi, Breath of the Wild n’invente rien.
La jauge d’endurance, ce n’est pas lui qu’il l’a inventée. Pas plus que l’escalade ou le stuff qui se casse. Pas plus que le crafting, le monde ouvert ou bien encore même l’auto-construction narrative.
Après tout, moi quand j’ai joué à Breath of the Wild, j’ai eu l’impression de retrouver Skyrim (et partiellement Assassin’s Creed) dans le monde de Zelda.
Après tout, tout y était. Le monde ouvert, l’atmosphère évasive et sauvage, la multiplicité des objectifs, l’absence d’information sur la faisabilité des quêtes, la liberté au joueur de calculer le risque d’affronter une épreuve…
Oui, c’est vrai, rien de neuf. Ça reste un mix de Skyrim et d’ Assassin’s Creed… Mais un mix qui opère une synthèse de ce qu’avait su apporter tous ces jeux, en les complétant et en les optimisant au maximum.
Pas de level scaling. Pas d’impression de répétitions ad vitam aeternam. Un meilleur équilibrage. Un gameplay beaucoup plus fin, intuitif et subtil. Une malice systématiquement récompensée...
C’est ce qui est ressorti globalement de mon expérience, et ça, c’est quand même déjà un sacré tour de force…


Après, j’insiste bien sur le « globalement », car dans le détail, Breath of the Wild révèle aussi les faiblesses qui lui sont propres.
Et oui, je tiens encore une fois à souligner le fait que malgré la qualité globale du jeu, il y a quand même quelques imperfections qui peuvent faire tiquer.
Et c’est d’ailleurs l’accumulation de ces imperfections, dont certaines ne sont pas anecdotiques à mes yeux, qui font que je ne lui ai pas attribué le 10/10 que j’ai déjà eu l’occasion d’attribuer aux plus grands épisodes de la saga.


Or, pour moi, il y a vraiment une caractéristique de ce jeu qui a été un véritable souci : c’est sa carte qui, à mon sens, est beaucoup trop grande.
Avoir de grands espaces c’est bien, mais encore faut-il avoir de quoi donner envie aux joueurs de les retourner de fond en comble !
Parce que l’identité d’un Zelda c’est aussi ça : tout fouiller pour jouer avec ceux qui ont conçu cet espace.
Or, là, avec une carte aussi immense, l’exercice se révèle vite fastidieux.
Moi, après avoir fait mon premier massif enneigé, je peux vous dire que j’ai hurlé quand j’ai vu qu’il y en avait encore plein d’autres à fouiller.
Et les forêts ! Et les falaises !
Au bout d’un moment l’exploration se transforme en travail d’usine assez pénible, conduisant parfois à de véritables temps morts dans le jeu qui ne sont pas forcément voulus par le joueur.


Ce souci du gigantisme en entraine du coup un autre qui lui est lié : le remplissage.
Problème par exemple de ces noix Korogus qui sont un prétexte à quadriller toute la carte.
Alors certes, moi j’ai bien aimé apprendre à les débusquer, ce qui a participé à une exploration plus riche et plus fun de ce monde. Mais quand tu te retrouves dans une situation où tu as un vrai besoin d’agrandir tes espaces de rangements et que tu te rends compte qu’il te manque une dizaines de noix korogus, je peux vous dire que ça m’a bien gonflé de devoir repartir dans la nature – sans savoir où vraiment – pour espérer en débusquer. Surtout que bon, certaines sont quand même bien perchées…


Autre exemple de remplissage pas forcément bien pensé : les sanctuaires. Au nombre de 120, la plupart sont des puzzles remarquablement pensés et très ingénieux.
Seulement voilà, certains m’ont résisté pendant des dizaines de minutes, mettant ma dextérité et mon ingéniosité à rude épreuve, et d’autres sont parfois vides, estimant que la véritable épreuve était de les trouver.
...Et je n’ose parler des épreuves de force qui m’ont littéralement saoulé.
Alors certes, à force d’en faire, on gagne en dextérité et on peut en percevoir l’intérêt, mais bon, dans un Zelda, ce genre de copier-coller, c’est quand même limite comme pratique…


Bref, tout ça pour dire que c’est vrai, ce Breath of the Wild n’est pas exempt de tout reproche et que, sur bien des aspects, il n’invente rien de spécifique.
Il n’empêche que, pour moi, Breath of the Wild a quand même été une expérience plus que marquante parce qu’il a su faire ce que beaucoup d’autres de ses prédécesseurs n’avaient pas su faire : il a su donner du sens et de la cohérence à toutes ces idées de gameplay qui ont su émerger ces dix dernières années.
Or ça, pour moi, ce n’est clairement pas rien.
C’est ça qui a fait de ce Breath of the Wild une expérience de jeu puissante.
Et – soyons honnête – c’est aussi cela qui fait de ce Breath of the Wild un nouveau tournant dans l’histoire du jeu vidéo.
Un de plus à accrocher au palmarès de la saga Zelda

Créée

le 26 août 2018

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