LE défaut toujours cité sur le jeu, et ce même par ses fans les plus hardis. Les critiques dessus s'attardent sur plusieurs points : trop d'ennemis un peu "ridicules" tels que les Blobs et les chauves-souris, le color swap des ennemis de base qui ne consiste qu'à gonfler sa vie et sa puissance, un manque de diversité dans les mini-boss, des paterns trop évidents à appréhender, et surtout, les fameux boss tant décriés, que je préfère considérer pour ma part comme un problème lié au bestiaire. Vous l'aurez compris, là encore, je me permet de mettre en doute toutes ces affirmations.


Déjà je trouve qu'on ne met pas assez en avant certains côtés du bestiaire que je trouve pourtant très important. Le premier qui me vient en tête c'est la façon dont ils réagissent à leur environnement. Je pense par exemple que tout le monde aura déjà vu des Bokoblins chasser des animaux pour se nourrir, avec plus ou moins de succès. Il y a aussi leurs réactions aux différents objets qu'ils peuvent rencontrer, que cela soit des bombes, des barils ou de la nourriture, ils auront toujours une réaction propre. Ce n'est pas toujours des détails liés aux combats mais cela permet de les rendre encore plus vivants et crédibles. Je pourrais également parler du fait qu'ils se battent avec les armes qu'ils trouvent près d'eux, peu importe que cela soit un balai ou une massue, et là encore cela les rend plus crédibles que s'ils avaient été limités au maniement d'une seule arme. Il y a également. Pour résumer le bestiaire s'intègre parfaitement à l'environnement et ça le met très bien en valeur, et cela donne dans l'autre sens encore plus de cachet à l'univers, ce qui est très important dans ce jeu.


Maintenant pour aller plus loin il va falloir comprendre ce qu'est réellement un bestiaire. En littérature, un bestiaire désigne un manuscrit du Moyen Âge regroupant des fables et des moralités sur les « bêtes », animaux réels ou imaginaires. Par extension, on appelle bestiaire une œuvre consacrée aux bêtes. Par métonymie, le bestiaire d'un auteur ou d'un ensemble d'œuvres désigne les animaux mentionnés par l'auteur ou dans ces œuvres. Les bestiaires médiévaux connurent leur plus grande popularité en Angleterre et en France aux XIIe et XIIIe siècles. Il s'agissait de compilations de multiples sources, en particulier le Physiologus ou Physiologos, que l'on date généralement du IIe siècle, l’Histoire naturelle de Pline l'Ancien et les Étymologies d'Isidore de Séville, du début du VIIe siècle. Ces œuvres reflétaient la conviction que le monde est le livre dans lequel Dieu a écrit, et que tout pouvait trouver une explication et des correspondances. Les animaux étaient ainsi mis en relation avec Dieu et le Christ. La plupart de ces manuscrits étaient illustrés de miniatures.


Le Physiologos, qualifié de « bestiaire des bestiaires », est un recueil de brefs récits vraisemblablement rédigé en Égypte probablement dans la région d'Alexandrie1. Le manuscrit original n'est pas parvenu jusqu'à nous, mais les citations de cet ouvrage permettent de le dater entre le IIe siècle et le IVe siècle. On pense que le manuscrit a été traduit dès le IVe siècle, les plus anciens manuscrits en latin remontent au IXe siècle. Concernant les oiseaux, des éléments de De avibus de Hugues de Fouilloy sont intégrés à certains bestiaires anglais2. La deuxième famille est la plus nombreuse7. Les manuscrits sont basés sur la version B-Isidore du Physiologos, avec des extraits des Étymologies d'Isidore de Séville, mais aussi de Solin, de l'Hexaemeron de Saint Ambroise ou encore de Raban Maur. La plupart de ces manuscrits datent du XIIIe siècle (par exemple le Bestiaire d'Aberdeen). La troisième famille de manuscrits latins est constituée de manuscrits du XIIIe siècle. La quatrième famille est constituée d'un seul manuscrit : Cambridge, University Library MS. Gg.6.5. La famille des bestiaires Dicta Chrysostomi est constituée de bestiaires qui furent attribués à Jean Chrysostome et furent principalement produits en Allemagne. Le premier bestiaire en français est l'œuvre de Philippe de Thaon. C'est un ouvrage en vers rédigé en dialecte anglo-normand qui comporte 38 chapitres. Probablement issu d'un bestiaire latin affilié au Physiologos B-Isidore, il est composé après 1121. On n'en connait que trois exemplaires dont deux illustrés. Composé vers 1210 ou 1211, le Bestiaire divin de Guillaume le Clerc est le bestiaire français le plus long, également basé sur un bestiaire latin affilié au Physiologos B-Isidore. Le Bestiaire de Gervaise, manuscrit unique, se dit être de la filiation des bestiaires Dicta Chysostomi et le bestiaire de Pierre de Beauvais existe en deux versions. On trouve des bestiaires dans d'autres langues : anglais, italien, catalan.


À partir du XIIIe siècle, la description des animaux se fait plus scientifique. Ainsi l'encyclopédie de Barthélemy l'Anglais ne comporte pas les allégories des bréviaires8. Le Bestiaire d'Amour de Richard de Fournival se démarque notablement des bestiaires médiévaux par l'introduction d'une intrigue amoureuse. Les animaux sont classés au Moyen Âge en cinq catégories : quadrupèdes (incluant des animaux fantastiques comme la licorne, le manticore, le pard), oiseaux (dont le caladre, le phénix ou le griffon), poissons (baleines, dauphins, évêque de mer, sirènes), serpents (incluant les dragons), « vers » (insectes, petits rongeurs, mollusques). Les animaux domestiques comprennent les animaux de la ferme ou ceux des ménageries mais incluent aussi les animaux vivant autour de la domus, la « maison » (pie, corbeau, renard, belette, souris, rat)9.


De manière générale, le Moyen Âge européen correspond à une dépréciation de la plupart des animaux sous l'influence des autorités chrétiennes, à travers l'interdiction des cultes et des rituels païens liés à ces derniers. Les rituels et traditions païens célébraient les saisons, la nature, la position des astres et les animaux, et furent peu à peu remplacés par des fêtes chrétiennes célébrant les saints dont les animaux sont les attributs, les compagnons, ou les esclaves10. La foi chrétienne médiévale, elle-même imprégnée des récits de Saint Augustin, prônait la supériorité de l'homme sur les animaux considérés selon lui comme des êtres inférieurs et imparfaits10. Dans la Bible, Dieu a en effet créé l'homme « afin qu'il règne sur tous les animaux ». Il existe toutefois un autre courant, plus discret parmi les théologiens, qui consistait à mettre les animaux en relation avec Dieu et le Christ, et à voir dans les habitudes de ces derniers des manifestations divines, comme la résurrection et le repentir10. De plus, la culture chrétienne peut donner une valeur à un animal opposée à celle que lui donne la culture populaire, imprégnée de mythes païens et de folklore : les bestiaires, qui sont des traités moralisés sur les propriétés des animaux, montrent cette ambivalence. L'Église influe sur la hiérarchie des animaux : l'ours roi des animaux au haut Moyen Âge (animal des traditions orales païennes) étant remplacé par le lion (animal des traditions écrites chrétiennes) au XIIIe siècle. L'Église tient notamment les animaux pour responsables de leurs actes, ce qui explique les procès d'animaux jugés selon une échelle de valeur inspirée des sept péchés capitaux9.


La licorne fut l'animal imaginaire le plus important et le plus souvent mentionné du Moyen Âge à la Renaissance. Dès la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle, elle devient l'un des thèmes favoris des bestiaires dans l'occident chrétien17. On compte des centaines, voire des milliers de miniatures de licornes présentant la même mise en scène inspirée du Physiologos : la bête est séduite par une vierge traitresse et un chasseur lui transperce le flanc avec une lance18. Tous ces récits et leurs illustrations d'inspiration chrétienne veulent que la licorne représente la trahison envers le Christ, flanc percé par une lance comme dans l'épisode biblique de la Passion de Jésus-Christ19. Le Physiologos fait figurer pour la première fois le récit de la capture d'un monocéros par des chasseurs utilisant une jeune vierge comme appât, et présente cette capture comme une technique de chasse bien réelle et non comme un mythe20. Cette version inspira d'innombrables auteurs de bestiaires occidentaux durant le Moyen Âge21. La version grecque originale traduite du Physiologos dit que l'unicorne est « un petit animal qui ressemble au chevreau, et qui est tout à fait paisible et doux. Il porte une corne unique au milieu du front. Les chasseurs ne peuvent l'approcher à cause de sa force. Comment donc est-il capturé ? Ils envoient vers lui une vierge immaculée et l'animal vient se lover dans le giron de la vierge. Elle allaite l'animal et l'emporte dans le palais du roi »22.


Le plus détaillé des récits de capture de la licorne figure dans le Bestiaire divin de Guillaume Le Clerc de Normandie, au XIIIe siècle. La licorne est décrite comme « un animal qui ne possède qu'une corne placée au milieu du front. Elle est si téméraire, agressive hardie qu'elle s'attaque à l'éléphant avec son sabot dur et tranchant, un sabot si aigu que, quoi qu'elle frappe, il n'est rien qu'elle ne puisse percer ou fendre. L'éléphant n'a aucun moyen de se défendre quand la licorne attaque, elle le frappe comme une lame sous le ventre et l'éventre entièrement. C'est le plus redoutable de tous les animaux qui existent au monde, sa vigueur est telle qu'elle ne craint aucun chasseur. Ceux qui veulent tenter de la prendre par ruse et de la lier doivent l'épier pendant qu'elle joue sur la montagne ou dans la vallée, une fois qu'ils ont découvert son gite et relevé avec soin ses traces, ils vont chercher une demoiselle qu'ils savent vierge, puis la font s'assoir au gite de la bête et attendent là pour la capturer. Lorsque la licorne arrive et qu'elle voit la jeune fille, elle vient aussitôt à elle et se couche sur ses genoux ; alors les chasseurs, qui sont en train de l'épier, s'élancent ; ils s'emparent d'elle et la lient, puis ils la conduisent devant le roi, de force et aussi vite qu'ils le peuvent23.


Voilà, maintenant pour parler sérieusement on sera tous d'accord pour dire que malgré quelques qualités appréciables, le bestiaire reste tout de même assez pauvre pour un jeu avec un univers de cette envergure. Ce que je regrette le plus c'est l'absence de certains mini-boss propres à des environnements précis, dont les particularités auraient pu être mises encore plus en valeur. Le jeu en donne un très bon exemple avec le Moldarquor qui est un excellent monstre qui s'intègre parfaitement dans son environnement, et qui a un point faible non pas lié à une action précise de la part du joueur, mais par une de ses caractéristiques physiques ( sa sensibilité au son ), et c'est au joueur de trouver une manière de l'exploiter. Des régions comme le volcan ou les monts enneigés se seraient très bien prêtées à ce type de créatures pourtant


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le 13 juin 2018

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