Qu'importe ce que l'on pense ou pensera de lui, en bien ou en mal, en positif comme en négatif, Tears of the kingdom fera parti de ces grandes expériences qui ne laissera personne indifférent. Il est le cumul de sa propre ambition, celle qui était bien trop grande quand un 3 mars 2017, la Nintendo Switch pointait le bout de son nez alors que la Wii U tirait presque définitivement sa révérence. 6 ans à danser et avec un succès presque insolent se diraient certains tant le hardware -bien qu'il fut capable de produire des merveilles- se fut moqué pour son manque flagrant de puissance. Quel meilleure licence pour établir le bilan de la dernière création de Nintendo, l'ayant accompagné de sa naissance à son apogée. Apogée, Breath of the wild, le prédécesseur de Tears of the kingdom, en était presque un archétype tant il avait remuer et son propre ciel et la terre de ses ancêtres pour proposer un jeu comme personne avant lui. Prenant le meilleur de ce qui s'était fait ailleurs, délaissant ce qui se faisait de moins bien, Breath of the wild était la consécration d'une décennie vidéoludique à lui seul et de presque 30 ans de sa propre incarnation. Désincarné, solitaire, anticlimacique, l'opposé même de tout ce que la saga avait apportée d'héroïque avec elle. L'opposé -peut-être- de tout ce que la saga était.



Et voilà qu'en 2019, cet héritage, que l'on semblait voir parenthèses ou bilan ou renouveau vient à être sanctionné avec une suite directe. Plus sombre, plus épique, plus chevaleresque. Les questions se posent : est-ce une bonne idée de repartir avec ce même univers que les joueurs parcourent encore pour la simple beauté et la plénitude qu'il dégage. Parce que ce qui se dégage de BOTW, ce ne sont pas ses donjons, ni ses combats, ni ses affrontements de boss, c'est sa liberté. D'agir, d'apprendre, d'expérimenter, de voyager. Dans un univers qui semble bien déconnecter de ce qu'il fut pendant tant d'années. Alors...une suite. Mais pour quoi faire?

Le temps passe, les caravanes aussi précisant davantage d'informations. Le ciel semble être plus important que jamais, bon nombre de "défauts" inhérents au premier épisode semblent avoir été gommé. Et si les joueurs s'inquiètent un peu pour l'histoire, le troisième trailer donne définitivement à tous et à toutes la raison de s'aventurer une nouvelle fois en Hyrule. En ce 13 mai 2023, Zelda s'apprête à nouveau à frapper un grand coup comme il l'avait fait 6 ans en arrière. On peut même lire que BOTW serait un brouillon de ce TOTK !! Ah oui ! À ce point. Me voilà extatique.



Une journée après tout le monde, je pose donc ma main sur le jeu qui démarre, à ma grande surprise, In Media Res, où Link et Zelda s'enfoncent dans les profondeurs du château d'Hyrule à la recherche de ce qui cause le royaume d'être envahi par des fumées dangereuses. Tout bascule quand une entité mystérieuse attaque Link, lui nécrose son bras et où la princesse Zelda tombe dans le vide avant de se volatiliser. Link, se réveille alors, dans une salle mystérieuse avant de découvrir l'état de son bras et son épée. Quelques errances plus loin, Link dévoile au grand jour l'endroit où il fut conduit : un sanctuaire céleste. Générique; l'aventure promet d'être grandiose.


Après quelques explications basiques sur le fonctionnement de quelques mécaniques dans un tutoriel directif mais toujours aussi bien pensé, notre aventure démarre réellement quand Rauru, le gardien de ces lieux, nous demande de le rejoindre pour obtenir nos nouveaux pouvoirs. Oh surprises ! Les sanctuaires font leur grands retours et nous permettent toujours, en échange de leur réussite, d'obtenir un emblème permettant, en quatuor réuni, d'augmenter sa vie ou son endurance. Link acquiesce donc à la demande du maitre de cérémonie qui va lui confier des pouvoirs bien utiles : emprise qui a pour particularité la fixation et la désolidarisation de diverses matériaux, amalgame qui permet de fusionner un objet quelconque avec une arme, un bouclier ou la pointe de sa flèche, infiltration qui permet de passer à travers le sol et rétrospective qui permet de faire remonter la course du temps à un objet ou à un mécanisme. Encore plus que dans BOTW, l'action de tous ces pouvoirs peuvent se combiner pour offrir une liberté de création et de résolution jamais vu dans un Zelda. Ce qui sera d'ailleurs un point central du jeu puisque de nombreuses réflexions proposeront la création de systèmes à partir d'objets de votre inventaire ou d'artefacts Soneau, permettant de construire véhicules en tout genre ou instruments pour malmener ces pauvres Korogus ; qui n'avait qu'à pas revenir.

Contrairement à BOTW, le tutoriel de TOTK est plutôt directif mais il augure de belles choses dans sa trame scénaristique comme dans ses possibilités de jeu. Peut-être des lieux célestes encore plus fou à visiter? Haha non. Là où le bas blesse, c'est qu'une des grandes "promesses" de ce Zelda ne se matérialisera pas. Certains et certaines s'imaginant à discuter dans un village céleste ou partir à dos de Céléestriers...il faudra le faire dans un autre jeu. En effet, le ciel est désespérément vide. Et à part quelques endroits qui sortent vraiment du lot, beaucoup se tiendront déçus de l'absence de véritables univers célestes à explorer. Mais qu'ils se consolent bien vite, nous voilà sur la terre ferme.



Le retour en Hyrule aurait pu être plus banal. En effet, pour quelqu'un qui a exploré cette carte à de nombreuses reprises dans le précédent Zelda, une sensation de déjà-vu pourrait rapidement se pointer. Et ce ne sont pas les sanctuaires, les tours de raccordements et les quatre villages qui rencontrent des problèmes qui pourraient faire penser l'inverse. Pourtant, Hyrule semble avoir changé durant notre absence. Des villes ont prospéré, d'autres ont été détruites, les routes semblent bien moins sûrs, des grottes sont apparues tout comme ces gigantesques abîmes. Et ces Géoglyphes qui parsèment le sol. Et ces avants postes; et ces équipes d'archéologie. Le monde a changé. Pas drastiquement, pas fondamentalement mais il a changé. Cela apporte un vent de fraicheur dans une carte que certains et certaines ne connaissaient que trop bien. Les temps changent, les gens aussi. Pruha est devenu plus grande, les Piafs se sont trouvés un nouveau prophète, les Zoras pas encore et Yunobo est toujours aussi insupportable. Et Zelda fait des misères au quatre coins du royaume mais on va y revenir. Les fameux quatre coins, quatre régions, quatre donjons qu'il faudra faire pour assembler des Pierres occultes.



Dans les faits, la façon d'aborder les diverses problèmes est un peu la même que dans BOTW. On se rend à un endroit touché par la malice, on prend état des conséquences, on discute avec diverses personnages et on trouve la route qui mène au sanctuaire. La vraie réussite du procédé tient au fait que les routes qui mènent à ces temples font parti de l'intégralité du donjon. Il faut ainsi réaliser plusieurs actions pour parvenir à trouver ces temples et les résoudre ce qui donnera lieu à quelques moments réellement épique comme l'ascension pour le temple du vent ou la visite de celui de la foudre qui se rappellera aux belles heures des jeux d'aventure. À certains moments, TOTK tutoie l'aventure comme la série ne l'avait plus fait depuis longtemps. Il en capture l'épique pour proposer des passages qui résonneront encore avec les joueurs. Par des musiques, des lieux, des personnages ou des situations. Là où BOTW était sage, TOTK lui devient parfois l'enfant curieux que nous rêvons d'être, avec son regard attendri mais aussi ses doutes voir ses peurs quand l'aventure dans les souterrains, troisième carcan qui offre à tout joueur qui s'y glisse pour la première fois, offre un sentiment particulier. On avance à reculons, aider par la lumière que nous projetons de nos mains (autre nouveauté de cette opus, la manipulation d'objets avec ses mains) tout en prenant garde aux monstres des profondeurs et en s'inquiétant de la grandeur démesurée de l'artifice. Et il reste les grottes recélant de détails cachés. Et tout ça assurée par une fluidité inimaginable. Et nous sommes sur Switch.

Rares sont les jeux à contenir autant de moments aussi singuliers. TOTK en serait presque à devenir l'aventure de toute une vie, celle que des millions de joueurs et de joueuses qui se rappelleront, pour presque toujours, certains passages absolument marquant. Le grand final en est peut-être le point culminant dans sa mise en scène, dans sa tension, dans sa musique, dans son drame. L'aventure Zelda de toute une vie. Après tout ça, on serait donc tenté de claquer la plus fabuleuse des notes et se prosterner devant l'équipe en charge de la résolution d'une telle œuvre. Oui, ils ont fait mieux que BOTW. Personne n'y croyait et surtout pas moi. Mais ce n'est pas le cas.



Comme pour parachever BOTW, TOTK semble en reprendre la substance pour la rendre plus nerveuse, plus classique aussi. Tout cela se sent dans le rythme de l'épopée qui a tendance à être inconsciemment beaucoup moins reposé que son prédécesseur. Le jeu veut tout faire, semble vouloir tout concilier mais il arrive à un moment donné où il se prend les pieds dans le tapis. Scénaristiquement, le jeu se veut être un Ouroboros habile où le point final de l'aventure en est le début et inversement. Et si dans les faits, l'exécution du système semble bien huilé, on se rend compte que de nombreux détails ne permettent pas d'accorder une cohérence suffisante à l'ensemble de ce qui nous est conté. Le jeu se perd entre deux procédés de narration, celle de la trame principale et celle de la trame secondaire, symbolisé par les fameux géoglyphes. À plusieurs moments de l'aventure, Zelda va avoir tendance à avoir un comportement dirons nous...étrange ce qui s'avérera être un esprit possédé par Ganon. Le soucis, c'est que la révélation tombe deux fois et il y a de très fortes chances que la première des révélations vous soient tombées dessus...par hasard ! Ce qui réduit complètement l'élément de surprise ou de suspicion quand les différents peuples vous animent en disant "Oh là là ! Zelda est bizarre !" Ben oui mais je sais ça, je l'ai vu !!". Le pire étant face à Ganon sans doute quand celui-ci joue la surprise de la révélation. Je ne comprends pas ce choix de donner cette clé en souvenir annexe. Zelda en elle-même est un paradoxe à elle toute seule dans cette histoire et certains tracas des peuples sont ridicules mais là, on tombe dans le personnel. Mais avouez que l'histoire de la savouroche...Pareil, excellente idée d'avoir un protagoniste en tant que méchant mais c'est trop peu exploité. La navigation sur le terrain des Zoras est un poil pénible et encore une fois, quelle idée gâchée en ce domaine antique que tant de joueurs auraient espéré découvrir plutôt que l'infame temple de l'eau qui se vaporise en 20min. Des temples qui auront déçu pour la plupart car beaucoup s'attendaient à revenir à des donjons traditionnels, quelque chose qui n'a jamais été promis par les développeurs.



Et petite déception au niveau des souterrains qui finissent par s'essouffler, des îles célestes ont en déjà parlé, de la structure de certaines quêtes, des pouvoirs des prodiges qui sont parfois à la limite de l'insupportable à utiliser. Celui de Riju sans doute en premier lieu. Les boss sont pour moi d'un autre temps, revenu semble-t-il 10 ans en arrière pour leur conception. Le bestiaire bien qu'il a évolué, n'est peut-être pas aussi tranchant. En cumulé, pleins de petits détails rajoutés à pleins d'autres détails font pour moi de cette expérience un jeu...ben qui aurait pu être mieux. Là où je n'avais aucun soucis avec les choix de BOTW et ses audaces, la pilule passe bien moins bien avec TOTK. Si bien que lorsque j'ai du retourner sur le jeu pour faire des captures pour un autre projet, j'ai soupiré. Là où je prenais du plaisir à me balader sans but et sans mobile dans BOTW, je n'ai pas arrêté d'utiliser la téléportation dans TOTK. Le jeu m'a gavé. Et là vient ma réflexion.



La faute est-elle à BOTW? À force de le parcourir, à force de le connaitre, j'ai fini par peut-être me lasser de cet endroit que je ne connaissais que trop bien. Et c'est là où est la majeure partie de la critique de TOTK. Beaucoup de fan se sont sentis un peu trop dans BOTW et auraient aimé plus de changements ce qui a valu à certains et certaines le fait de parler d'un simple DLC pour le jeu. Énorme exagération quand on voit le travail technique nécessaire pour faire tourner la bestiole. Mais essayons d'avoir le point de vue des développeurs. Pourquoi reprendre BOTW? Pour en améliorer diverses mécaniques et ça se voit, et ça se ressent. Mais à côté, plus qu'une envie de persister, on sent Nintendo vouloir tenter de confirmer leur instinct de départ. Et je vais être honnête, ça m'a dérangé. À plusieurs moments du jeu, j'étais dans BOTW. Mais pas sa carte, ses mécaniques de jeux. Le boss des piafs m'a fait pensé à un boss de BOTW, certaines interactions étaient très familières et certains mécanismes étaient familier. Comme si Nintendo voulait voir si cette idée, introduite dans BOTW, pouvait fonctionner réellement. Certains parlaient de brouillon de BOTW. Et pour être honnête, ça se comprend tellement. Ce serait très irrespectueux pour BOTW qui est un jeu fantastique mais je comprend l'idée. On a tellement la sensation de déjà-vu que l'on a un peu l'impression de voir TOTK comme un jeu qui reprend les concepts et les idées de son ainé pour les pousser plus loin. Bien plus loin parfois.



Ce qui fait que la conclusion de ce test va vous paraitre quelque peu bancale mais je ne sais absolument pas comment conclure cet avis. Joueur content certes qui reconnait que TOTK est un excellent jeu malgré ses égarements mais aussi...qui ne sait absolument pas comment le considérer dans son intégralité. Quand BOTW est sorti, j'avais l'impression de voir la série faire son propre bilan. Et quel bilan. Est-ce que TOTK est le bilan du bilan? TOTK est-il un jeu marquant? Il est encore trop tôt pour le dire. Il alterne l'exceptionnel et le déceptif là où BOTW restait selon moi sur la même ligne. Mais en serait-il autrement si je n'avais pas joué à BOTW. Possiblement que j'aurait été encore plus subjugué, abasourdi par ce à quoi j'ai joué. Là, j'ai juste un gros point d'interrogation sur ma tête me disant que j'ai bien aimé le jeu mais que j'en attendais peut-être trop. Ou alors que le jeu côtoie trop son ainé. Ne prend pas assez (paradoxalement) son envol. L'avenir sera juge. Voici l'avenir de la série. Et ce n'est pas vous, derrière votre écran parfois à ne pas connaitre le jeu vidéo, qui en dictera une autre route. C'est aussi en ne vous écoutant pas que BOTW a été sorti.



Qu'importe ce que vous direz, il reste un excellent jeu. Et si BOTW avait accompagné le début de la vie de la Switch, quelle belle conclusion que d'en pleurer les larmes du Royaume. Moi aussi, j'ai fait un ouroboros.

Necheku
8
Écrit par

Créée

le 12 sept. 2023

Critique lue 71 fois

3 j'aime

Necheku

Écrit par

Critique lue 71 fois

3

D'autres avis sur The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom

The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom
Leon9000
9

L'envol du Dragon

J’ai rapidement compris que Tears Of The Kingdom ne serait pas un de mes Zelda préférés.Drôle d’entrée en matière, je sais, mais la question est après tout légitime (et même instinctive) lorsqu’une...

le 24 mai 2023

39 j'aime

5

The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom
Ckai
10

Le Zelda qu'on attendait tous (no spoil)

Je craignais d’avoir du réchauffé et comme beaucoup d’entre nous je ne voulais surtout pas avoir un BOTW 1.5 ou une impression de DLC à 60 balles. Les trailers me donnaient envie : ok on voit le...

Par

le 20 mai 2023

31 j'aime

2

Du même critique

Live A Live
Necheku
8

Vivre et laisser mourir : mon avis sur Live A Live

Quand Live A Live a été annoncé entièrement remaké et disponible pour la première fois en occident, il y a eu deux publics : le premier fut "c'est quoi ce jeu?" , le second fut " OH mon dieu ! Trop...

le 7 août 2022

9 j'aime

3

Chants of Sennaar
Necheku
9

Lost in Translation

Cette année, j'ai joué à Heaven's Vault. Une information qui peut paraitre quelque peu superflue mais dont pourtant Chants of Sennaar revendique une de ses influences. Le récit d'une civilisation...

le 22 sept. 2023

6 j'aime

Triangle Strategy
Necheku
8

Choisir votre destin, le voir glisser entre vos mains

Qu'on se le dise. Si vous comptez jouer à Triangle Strategy pour son aspect tactical, vous risquez de déchanter. Non pas qu'il est mauvais, très loin de là mais c'est surtout qu'il ne constitue pas...

le 21 sept. 2022

6 j'aime