J'adore ce genre de jeu à la première personne, je me sens vraiment intégré à la narration. Si on ajoute à cela des graphismes réalistes au possible, on voit enfin ce qui fait les meilleurs jeux de nos jours...


Plus sérieusement, The Stanley Parable (La Parabole de Stanley, pour les non-angliciste. Plus bas : TSP) est un jeu à la vue subjective, où nous "incarnons" (les guillemets ont tout leur sens ici) Stanley, l'employé 427 d'une entreprise dans laquelle il travaille visiblement tous les jours, rentrant nombres et chiffres selon des instructions bien précises. Le jeu débute pour nous (nous commençons à jouer Stanley) lorsque ce dernier est pris au dépourvu par l'absence d'instruction. Rien ni personne ne lui ayant indiqué quoi faire, il décide, pom polom, de sortir de son petit bureau et d'aller voir ce qui se passe.


STOP !


Orange Infinie


Je nous arrête là. Stanley, le travail, les chiffres, les nombres et les instructions, tout ceci, oui, tout ceci tient la route. C'est vrai, du moins, pour que le jeu ait de l'intérêt, il est important de l'admettre comme situation initiale. Mais Stanley ne veut pas sortir de son bureau, c'est Faux.


Je sais que je saute des étapes, qu'il aurait fallu introduire, un, voir deux personnages supplémentaires avant d'arriver à dire cela, mais je pense qu'il faut jouer à ce jeu avec cette idée simple en tête, Vous n'êtes pas Stanley (Et il n'est pas vous... Soyons logiques)


D'abord introduisons ce qui fait son charme au jeu, le Narrateur.
Hum, quelle voix smooth, quel accent anglais délectable, quel ton plein d'assurance, digne d'un conteur narrant les plus simples exploits du Roi Arthur. Il est surprenant d'apprécier recevoir des ordres d'une voix comme celle-ci, et de prendre plaisir à y obéir. Car nous allons y obéir, à un moment où à un autre. Après tout, Stanley n'est qu'un pion dans la narration du narrateur, il est l'objet chanceux qui a été choisi par ce dernier, et à qui il fait vivre ses aventures... Le jeu s'articule donc ainsi : Le Narrateur ... narre les "Aventures" de Stanley, avec un humour assez intéressant, puis (ou en même temps) il le dirige, c'est à dire qu'il narre à l'avance la prochaine action de notre pantin favori. Alors est laissé au Joueur (très important de retenir cela) la possibilité, ou non, d'obéir à ce semi-ordre induit par la narration prophétique. Tout le jeu fonctionne autour de ce schéma qui mène Stanley et son double-marionnettiste Joueur/Narrateur vers des fins divers (le jeu dure en moyenne 6-7 minutes pour chaque fin, et une quinzaine pour la plus longue), changées selon les instructions qui ont été suivies, et/ou non.


Mais reprenons ce qui donne son sel au jeu, cet écart minimale entre le Joueur et Stanley (qui existe dans tous les jeux, rappelons nous que TSP se veut critiquer, sinon pointer du doigt des éléments propres à la narration vidéo-ludique, parfois sur un ton satirique, parfois à la manière de la science-fiction, en exacerbant les dits éléments à l'extrême, ce qui rend parfaitement inquiétant certains instants de la Parabole).


Revenons plus tôt, lorsqu'il avait été dit que Stanley ne veut pas sortir de son bureau. Il a été soutenu que ce n'est pas lui qui prend la décision. Nous savons que nous ne sommes pas le pauvre personnage, et qu'en effet, nous interagissons avec le jeu à sa place, il est d'ailleurs souvent fait référence à un joueur, non pas par le narrateur (sauf dans un cas, où le jeu finit par s'autodétruire, et où nous avons droit à une sorte de "Vrai fin", avec un Crédit, ce que ne produisent pas les autres fin, bien qu'il existe une autre fin dans le jeu qui pourrait avoir droit à ce titre) mais par un second narrateur, à la voix féminine pour bien la différencier du premier, et qui, elle, fait la distinction entre Stanley et le Joueur.


Dès lors, la situation initiale qui présentait Stanley, découvrant qu'il lui manque les instructions pour agir, élément déclencheur qui débute le jeu, tout ceci est un mensonge. Stanley recommence ses "Aventures" sous la tutelle du Narrateur, encore et encore, et toujours. Nous pouvons donc penser que cette boucle, nous, en tant que joueur, nous ne la commençons pas, nous la rejoignons simplement en plein déroulement. La véritable situation initiale de ce jeu, c'est donc cette boucles "sans fin" (ou plutôt avec des fins, encore et encore), et l'élément déclencheur, l'arrivée du Joueur au contrôle de Stanley. C'est lui qui produit les légers écarts entre la narration, qui conduit à la mort de l'univers qui l'entoure, qui détruit tout.


Nous en venons donc au véritable sens de ce jeu. Je ne m'avance pas trop, je ne suis pas le premier à en parler, et les indices explosent, dans tous les sens, dans la diégèse même du jeu (et même dans les achievements de TSP). Il ne faut pas jouer à la Stanley Parable.


Si, bien sûr, c'est un jeu déroutant et touchant, et pour cela, il faut y jouer. Il y a bien plus à prendre qu'une simple critique de la narration vidéo-ludique. Les fins valent toutes le coup, elles agissent sur le joueur par l'intermède de Stanley qu'on finit par prendre en pitié, et à qui on s'associe à une vitesse troublante. Elles sont parfois violentes, souvent inquiétantes, mais très vite, on comprend que la fin, c'est plutôt l'arrêt des choix (ce mot est étrangement important, et énormément prononcé, dans un jeu aussi scripté), après des croisements binaires , le seul qui nous reste étant, et voici notre réponse, de cesser de jouer. Les fins répétés renvoient à la monotonie de nos propres vies, et dès lors, c'est nous même que nous jouons dans le script blanc des murs du bureau. Il est cependant important de ne pas prendre littéralement ce message, tout en admettant qu'il s'agit d'une métaphore de notre propre existence. TSP n'est pas une ode au suicide (bien qu'il soit possible de mettre fin à ses jours dans le jeu, après une certaine suite de choix), au contraire, c'est une belle ode à la vie, une ode à l'écart, une ode aux choix, aux véritable choix, ni binaire, ni linéaire, à la sortie du cadre proposé.


Je me rappelle une personne de ma connaissance, à qui j'ai montré un peu du jeu, qui a pleuré à plusieurs fins de la Parabole, car elle voyait Stanley comme une véritable personne, et pour tout dire, c'est difficile de ne pas se poser la question. Jouons-nous Stanley, nous jouons-nous nous-mêmes ?


La Parabole affecte le joueur, de la même manière qu'en entrant dans l'univers du Narrateur et de Stanley, nous mettons en branle leur monotonie malsaine (et qui pourtant semblait jusque là leur convenir, puisque le narrateur est surpris du nouveau comportement de Stanley, bien qu'il semble parfois ne pas avoir de souvenir de l'"Avant fin").


Pour finir, la Parabole de Stanley porte beaucoup d'éléments intéressants, au premier comme au second plan, c'est un jeu qui questionne, qui fait se questionner, qui altère et qui marque. Loin de la masturbation intellectuelle que le concept risquait de produire, la légèreté de l'humour, le Narrateur, le jeu surtout avec le Joueur, avec ses réflexes de joueur, avec son affect, les différents registres qui lui sont proposés, tous ces éléments réfléchis font de la Parabole un jeu à faire, au moins une fois, ou dix.


Ca sera tout, kiss !


(Par contre, pour le prix... c'est peut-être un peu cher, l'expérience proposée, même si c'est un jeu unique, est difficile à avaler, le porte-monnaie aussi vide).

SimonHalimi
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le 24 juin 2016

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Simon Halimi

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