Ce jeu signe la fin d’une épopée. Pas seulement de l’aventure « Walking Dead », riche de quatre saisons, mais aussi du studio Telltale. Ils nous auront servi, durant toute la décennie 2010, des jeux vidéos narratifs « à choix » dont Walking Dead constitue le principal représentant. Et, bien que je n’aie pas joué ni à Game of Thrones, ni à Batman, ni aux Gardiens de la Galaxie, même si Minecraft Story Mode était moins bon, j’ai apprécié les excellents Tales from Borderlands et The Wolf Among Us (dont la deuxième saison ne risque pas de paraître de sitôt…). Deux principales reproches à ce studio résidaient en leur « dispersion » dans de multiples licences et les nombreux choix offerts apparaissant comme des « illusions ». Un tel aspect ne m’a jamais dérangé, car je suis habitué à ce que les jeux « à choix » proposent des variantes plutôt que des véritables aventures alternatives. L’important n’est-il pas l’expérience procurée plutôt que les multiples embranchements ?


Mais c’est bien « The Walking Dead » qui cristallise leur concept au mieux. Pour relater mon expérience, je vais donc être obligé de parler des trois premières saisons, et ainsi de spoiler. Cette aventure a commencé en 2012, lorsque, fort du succès des comics et de la série télévisée, Telltale nous a proposés d’incarner Lee Everett, professeur d’université accusé de meurtre, plongé malgré lui dans une apocalypse zombie et jouant un rôle important dans un groupe de survivants. Aussi cruelle puisse-t-être cette nouvelle réalité, elle lui offre une opportunité de se racheter. Il rencontre dès le début une petite fille du nom de Clementine, qu’il protègera par-dessus tout, et lui apprendra à survivre en tant qu’enfant dans un tel monde. Lee comme Clementine formeront alors un duo solide et attachant, qui verront la mort et l’horreur à plus d’une reprise. La saison 1 s’achève sur la dislocation du groupe, déjà privé de nombreux groupes, et sur la mort de Lee, donnant ses derniers conseils à sa protégée avant de trépasser dans une scène hyper émouvante. Beaucoup ont salué cette première saison, l’ont reconnu un chef d’œuvre (et j’en fais partie aussi, d’où mon top 10), et c’est ce qui a encouragé Telltale à poursuivre sa production de licences. Il s’agit peut-être de l’œuvre « Walking Dead » qui a le mieux compris l’essence de l’œuvre, car à mes yeux elle surpasse même le comic book.


Une suite arriva naturellement. Dans cette saison 2, nous incarnons Clementine, un peu plus mûre mais toujours enfant au moment des événements. Elle est désormais habituée à ce monde et se révèle plus forte et plus adaptée que bien des adultes qu’elle rencontrera. D’aucuns ont d’ailleurs critiqué le fait qu’elle soit trop « badass » par rapport aux adultes ou que trop de décisions reposent sur elle. Je m’inscris encore une fois en faux, car j’ai éprouvé un véritable plaisir à incarner cette petite fille, pour un rendu encore plus immersif. Sans surprise, cette seconde saison nous a plongés dans encore plus de choix difficiles, encore plus d’horreurs (incarnés ici par Carver, pourtant tué dès le troisième des cinq épisodes), et gagne même davantage en tragique. Le nombre de morts est affolant (celle de Luke est d’ailleurs l’une des plus tristes) et le désespoir des tragiques Kenny et Jane mènent à une confrontation finale des plus haletantes et marquantes. Elle n’aura pas su surpasser la saison 1 dans mon cœur, mais une chose est certaine : Walking Dead fonctionnait toujours bel et bien.


Arriva alors la troisième saison qui changea complètement de registre. Clementine occupe ici un rôle plus secondaires puisqu’on l’incarne seulement pendant une courte séquence de 5 à 10 minutes dans chaque épisode. Le rôle principal est ici détenu par Javier. Le bougre est bien sympathique, mais n’atteint pas le charisme de Lee et Clementine. Quant à l’histoire en général… Le principal point positif était que les personnages, désormais habitués à ce monde, semblaient bien plus forts (Tripp étant le meilleur exemple), de l’autre il manquait un peu de… Walking Dead dans l’histoire. Certes l’affrontement « politique » de Richmond rappelle les passages tardifs du comic book, mais « l’intérêt » de Walking Dead est aussi son aspect dramatique, or assez peu de personnages principaux meurent au final (ça dépend aussi un peu des choix). L’aspect « drama » est ici reléguée par la famille de Javier, et même si c’est bien mené, on exploite un peu trop le cliché de l’importance de la famille dans la communauté hispanique. En tout cas, j’ai tout de même aimé cette saison, mais à l’instar de beaucoup, je l’ai trouvée bien inférieure aux deux précédentes saisons.


La quatrième et ultime saison portait alors la responsabilité de conclure l’histoire de Clementine. Hélas, au beau milieu de son développement, le studio Telltale a été fermé pour cause de faillite, et c’est une équipe réduite qui a dû l’achever, pour quatre épisodes au lieu de cinq. Fort heureusement, ici la durée des épisodes s’est allongée un peu, atteignant une moyenne de 2h30 au lieu des 1h30-2h de la saison 3.


Par ailleurs, à bien des égards, des parallèles à la saison 1 (et parfois à la saison 2) s’avèrent nombreux. Ici c’est Clementine, en pleine adolescence, qui se doit de protéger Alvin Junior, né durant les événements de la saison 2 (et orphelin dès sa naissance). Malgré les clins d’œil, leur relation n’est pas un copié/collé de celle entre Lee et Clementine. La différence de taille est que AJ a toujours vécu dans ce monde, et n’a pour ainsi dire pas eu d’enfance (même s’il doit avoir 5/6 ans dans ce jeu, peut-être un peu plus). Pis encore : les notions de morale (notamment autour du meurtre) doivent lui être apprises dans une société retournée à l’état sauvage. Bien sûr Walking Dead a toujours abordé la notion de morales au travers de ses choix extirpés de manichéisme, mais le concept est poussé au maximum.


Cette saison a également pris la décision de se centrer sur un groupe de mineurs. La principale confrontation oppose en effet les « enfants » aux « adultes ». Cette thématique rentre en cohérence avec le duo principal lui-même :


Une bonne surprise est le retour de Lilly, disparue depuis l’épisode 3 de la saison 1. Ici, même si elle connait Clementine, elle fera figure d’antagoniste : son but est de recruter les « enfants de l’école » contre leur gré afin d’en faire des enfants soldats pour une « guerre insensée ». Lilly est montrée plus dure que jamais, forte d’une éducation militariste de son père. D’ailleurs, ce n’est peut-être pas une coïncidence si les principales antagonistes (hormis Abel) de cette saison sont des femmes, ici alors détachées de leur traditionnel « rôle de maternité » auprès des enfants. Mais peut-être que mon interprétation va un peu loin…


Il est toujours difficile de s’attacher à un nouveau groupe. Dans ce cas-ci, j’ai trouvé les personnages très travaillés, ce même si Mitch et Tenn se sont avérés parfois insupportables. On rencontre un certain nombre d’enfants et d’adolescents, en conséquence plusieurs apparaissent davantage sur le devant de la scène. Tous ne sont pas des âmes pures mais comme d’habitude le jeu n’est pas tombé dans la facilité en nous présentant des personnages variés, finalement eux aussi contraints de faire des choix difficiles dans un monde post-apocalyptique. Selon nos choix, Violet et Louis seront les plus mis en avant, et dans mon cas ce fut Violet, que j’ai trouvé à la fois forte et touchante.


De manière générale, cette dernière saison est consciente des enjeux, et nous offre une expérience toujours aussi intense par son gameplay plus fluidifié et sa mise en scène plus embellie. L’aspect tragique de l’œuvre a été renoué, nous octroyant des scènes riches en émotions. Le troisième épisode, en ce sens, brise particulièrement le cœur grâce à ses nombreux rebondissements et son côté nostalgique :


Outre la séquence où les enfants relatent leur passé, notamment Violet avec le suicide de sa grand-mère, le passage le plus déchirant est celui avec Lee. Clementine, changée par des événements qui en auraient tué plus d’un, reprend conseil auprès de celui qui a fait d’elle ce qu’elle est. Entre cette séquence, le passage dans la prison où Lilly révèle toute sa cruauté, et la fin haletante où, pour préserver AJ d’un meurtre supplémentaire, je l’ai épargnée, j’ai vu James mourir devant mes yeux ébaubis.


Ce jeu se devait également de conclure toute l’histoire de Clementine. Comment s’y est-il pris ? Grâce à un dernier épisode qui a ravivé moult émotions :


Le parallèle avec la saison 1 a été exacerbé. Après la séquence du pont, où on affronte une Minnie flippante, menant dans mon cas à la mort de Tenn, Clementine est mordue. Et là, petit à petit, la fin approche… Elle et AJ sont contraints de s’enfermer dans une grange, se protéger des zombis, puis, face à une Clementine plus pâle que jamais, AJ est contraint de faire son choix… Un suspens s’installe dans l’épilogue progressif, puis à notre grande surprise, Clementine est bien vivante, juste amputée d’une jambe. Une unique fin possible, d’après les forums, et peut-être trop « incohérente » et « happy end », selon certains. Encore une fois je m’inscris en faux car j’ai reconnu la qualité du twist, surtout qu’ils ont évité de copier la première saison. Et puis, cette Clementine qu’on a suivie depuis si longtemps s’en sort vivante et en sécurité, c’est bien ce que je désirais…


Cette quatrième saison est donc ma deuxième préférée après la première. D’ici quelques années, à coup sûr, j’enchaînerai les quatre saisons pour une expérience intense teintée de nostalgie… Je dis au revoir à Clementine, et surtout à Telltale pour cette magnifique épopée.

Saidor
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le 14 juil. 2019

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Saidor

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