Ça y est. Après plusieurs année, la saga transmedia The Witcher arrive à son apogée, à sa conclusion absolue, dépassant de plusieurs années celle que les romans originels avaient proposé en 1999.
L'auteur polonais Sapcowski ne se doutait alors pas du retentissement phénomènal qu'aurait sa saga de livres, centrée sur la relation entre le sorceleur Geralt de Riv, tueur de monstres à plein temps, et Ciri, une jeune fille aux grands pouvoirs magiques. Cet univers se dark fantasy, nimbée d'un folklore des Pays de l'Est, donnait une saveur unique au lore de ces romans.
Et nous voilà en 2015, face à cette fin de trilogie vidéoludique, avec un Geralt vieillissant et une traque infernale menée par la Chasse Sauvage pour retrouver Ciri.
Si de l'eau a coulé sous les ponts après la reconnaissance internationale du deuxième opus, Assassins Of Kings, le studio polonais CD Red Projekt voit bien plus grand dans The Wild Hunt, avec en premier lieu une transition vers un open world plutôt que des zones linéaires. À cela s'ajoute une carte bien plus vaste, et une pléthore de quêtes à effectuer, avec des arcs narratifs souvent très étoffés.
Bien sûr, il y a aussi le fait de voir la taille de l'équipe de développement exploser, avec 240 développeurs à plein temps et jusqu'à 1500 personnes au total, travaillant sur le l'immense chantier européen qu'est The Witcher 3. Car oui, l'une des ambitions de CD Projekt est de proposer un RPG européen qui saura sortir du lot face à une rude concurrence japonaise et américaine, composée des plus grands mastodontes du jeu vidéo.
Mais qu'en est-il du résultat final ? Que propose vraiment le studio avec cette conclusion épique à l'une des sagas de jeu vidéo les plus iconique de l'histoire ?
Face à la démesure d'un tel projet, le risque est grand. D'un côté, il faut conclure les arcs narratifs de multiples personnages que l'on a pu côtoyer depuis le premier volet en 2007.
De l'autre, il faut proposer un RPG sachant se démarquer des autres, avec une véritable plus value par rapport aux mastodontes (le tremblement de terre Skyrim est encore d'actualité, à ce moment là !).
Et pourtant, le pari est plus que réussi, puisque The Witcher 3 : Wild Hunt est l'un des plus grands succès de l'histoire du jeu vidéo, et est surtout une œuvre riche et complexe, recouverte d'une direction artistique somptueuse qui met à l'amende la plupart des studios de développement.
L'histoire en elle-même se révèle proprement palpitante, malgré quelques baisses de régime dû à son aspect open world gigantesque, qui n'est pas aidé par de multiples zones d'intérêt à découvrir. Mais l'envie de se perdre vient toujours de manière naturelle, confortée par les environnements riches dans lesquels Geralt évolue : les plaines marécageuses de Velen, les monts enneigés de l'île de Skellige, les champs ensoleillés de Blanchefleur... Bref, qu'ils soient urbains, comme les sombres venelles de Novigrad, ou naturels, comme les denses forêts de Spikeroog, les décors de The Witcher 3 se contemplent avec plaisir.
Un autre élément qui participe à l'ambiance est bien sûr la musique. Composée par Marcin Przybylowicz, l'intégralité de ces mélodies aux relents slaves est un pur plaisir auditif de chaque instant. Entre les chœurs de femmes hurlant à s'en époumoner durant les combats, et les douces notes de flûtes durant nos errances vagabondes sur Velen, la musique est un pivot central de l'immersion.
Bien sûr, face à l'ambition démesuré du studio, les ratés et les bugs sont légions et ternissent parfois la progression du joueur, entre la conduite à cheval atroce et le bateau totalement anecdotique... Un autre point noir reste aussi le système de choix faussement libre, qui reste finalement encastré dans un scénario dirigiste à souhait, ou nos actions ont quelques (maigres) impacts.
Enfin, on pourrait reprocher un gameplay redondant et un système de lock foireux, mais ça ne serait finalement que des erreurs de parcours assez classique, quand on voit dans quel état certains jeux nous arrivent encore aujourd'hui.
Car bien loin d'arriver dans un état comateux, The Witcher 3 réussit la grande majorité de ce qu'il entreprend, en nous immergant dans un monde de dark fantasy pur et dur, où le monde des hommes et celui des êtres magiques sont entrés en collision, le tout baignant dans un folklore slave. Avec une bonne centaine d'heures de jeu à prévoir, le jeu offre autant de quêtes secondaires à trouver ça et là, que de contrats de sorceleur (plus rébarbatifs dans leur exécution) à accomplir pour monter en niveau et se faire un petit pécule.
Mais au lieu de proposer des quêtes fedex à l'overdose, The Witcher 3 offre un équilibre, avec une scénarisation très étoffée de la plupart des aventures que Geralt vivra, aussi courtes puissent elles parfois être.
Après tant d'heures à rester au côté de notre cher sorceleur, c'est tel un compagnon de voyage qu'on le quittera, en espérant tout de même le retrouver sur la Voie, un jour.