Sang ancien, problèmes modernes

Putain, qu’est-ce que je fous là. J’ai la gueule complètement éclatée, j’arrive à peine à entrevoir les murs de cette chambre immonde qui pue la négligence. Je passe doucement mes jambes hors de cette paillasse qui sert de lit. Ma tête cogne fort, je sais pas si c’est à cause de moi ou des deux amas de corps à côté de moi, puant l’alcool et ronflant à plein tubes. Qu’est-ce qui m’est encore arrivé ? J’arrive enfin à me lever, je glisse doucement vers un miroir et je vois ma sale trogne de sorceleur amochée par les potions. Je me demande ce que j’ai pu avaler, en plus de toutes les pintes stockées dans mon inventaire.

Mon but, c’est quand même pas de me bourrer la gueule, de me taper des putes qui passent leur temps à vider mon portefeuille. J’ai un noble objectif : retrouver Ciri. Où est-ce qu’elle est encore passée, celle-là ? Rien que depuis qu’elle est gamine, elle passe son temps à jouer à cache-cache, et en plus elle est douée… ou c’est moi qui suis complètement naze. Je suis d'avantage à l’aise avec les monstres et les parties de jambes en l’air. M’occuper des gosses, je suis pas une baby-sitter. Mais bon, la gamine, c’est mon sang, du sang ancien et tout un tas d’autres mélanges, une vraie rareté dans ce monde.

Je vais sortir d’ici et essayer de m’y mettre un peu. Les rues de Novigrad sont bondées, et Ablette, mon fidèle destrier – ou mon 38 tonnes, au choix – m’attend. Voilà que j’essaie de me mettre en route, je m’extrais de la cité et parcours les landes peuplées de monstres qui veulent tous ma peau. Mais moi, je les aime profondément, j’ai envie de passer du temps avec eux, pour au final les voir grelotter au bout de ma magnifique épée d’argent. Regarde comme elle brille, manant, comme ma belle chevelure. Des années que je découpe striges, noyeurs, loups-garous et autres salopards qui ont réussi à nous rejoindre après que ce foutu portail s’est ouvert.

Qu’elle est jolie, la lande. Je pourrais passer ma vie à m’y balader, casser la gueule à ces bouffeurs d’humains. Cela dit, j’aime bien aussi arracher les jugulaires de mes congénères, y a quand même un sacré paquet de ces mecs qui méritent de tâter de mon autre épée. Je vais quand même pas souiller ma belle épée en argent pour ces grosses merdes.

Mais je sais pas pourquoi, quand je suis dans la lande, faut toujours qu’on m’interpelle pour des histoires à la con : sauver machin, aider truc. Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre, moi, je veux de la bagarre. Bon, ça, c’était mon avis de départ, après je me suis rendu compte qu’il y avait quand même pas mal de personnes avec des histoires intéressantes, très glauques aussi, mais je vais pas vous résumer tous ces objectifs, parce que l’objectif principal, c’est quand même Ciri.

C’est vraiment l’objectif principal ? Franchement, plus j’avance, plus ça me saoule. Et puis merde, elle est grande maintenant, elle doit faire ma taille, elle brise autant de vertèbres que moi, mais je dois lui courir après. À un moment, les jeunes, ils doivent prendre leur destin en main. Moi, je vais reprendre ma gnôle, mes monstres et mes putains, et enchaîner les bagarres dans des décors de rêve, parce qu’avant tout, le rôle de sorceleur, c’est passer du bon temps et botter des culs. Au diable le sang ancien, elle trouvera bien le chemin.