Application SensCritique : Une semaine après sa sortie, on fait le point ici.

This War of Mine
7.4
This War of Mine

Jeu de 11 bit studios (2014 · PC)

Ça avait plutôt bien commencé. Enfin, compte tenu de la situation.


Lorsque les hostilités se sont déclenchées, le petit groupe avait réussi à trouver refuge dans une grande maison en ruines. En faisant les présentations, on trouvait Katja, une journaliste plus habituée aux interviews dans des cafés qu'aux zones de conflits, Bruno, un ancien chef cuisinier qui avait fait un peu de télé, et Pavle, athlète et star locale pour sa vélocité sur la piste. Un miracle, pour trois pauvres innocents que tout séparait, d'y être parvenus sans égratignure.


Sans attendre, on commença à fouiller les lieux.


En à peine une semaine, à force d'exploration et de récupération, le refuge commençait à retrouver les allures de sa jeunesse d'avant-guerre : certes toujours décrépi, sa façade trouée par un obus constituait un problème évident auquel il allait falloir remédier très vite. Mais à part ça, on avait réussi à refaire fonctionner une vieille chaudière et à bricoler un récupérateur d'eau de pluie. A l'étage, Katja dormait sur un lit de fortune, épuisée par son dernier voyage dans le blocs d'immeubles qui faisaient face à leur appartement.


Dans l'atelier, occupé depuis quelques jours par Bruno qui avait troqué sa toque pour un tournevis et un marteau, une vieille radio crachotait les accords de guitare d'un obscur groupe punk slave, tandis qu'à l'extérieur, les obus et la mitraille continuaient leurs fracas. Les réserves de nourritures n'étaient pas bien garnies, mais l'idée taraudait les survivants de commencer un petit jardin et d'installer quelques pièges. Un vendeur ambulant, quelques jours auparavant, leur avait échangé un peu de matériel contre quelques cigarettes, devenues une monnaie en ces temps difficiles.


Et puis, les choses ont empirées. A la tombée de la nuit, Katja, comptant sur son joli minois et sa diplomatie, avait décidé d'aller fouiller le vieux supermarché pour trouver de quoi manger. Arrivée sur place, elle commença à examiner les débris à la recherche de matériel, de bois, ou, miracle, de la boite de conserve intact qui pourrait permettre à ses amis de tenir. Un bruit attira son attention. A travers les portes vitrées du supermarché, elle aperçut une silhouette. L'homme semblait lourdement armé, mais aussi distrait par quelque chose. En faisant le moins de bruit possible, Katja s'approcha pour y voir plus clair. Elle vit alors l'homme lever une mitraillette pour en abattre la crosse sur la tempe d'une jeune fille en pleurs, que Katja n'avait pas pu voir auparavant. "Tu vas faire ce que je te dis, salope ! Maintenant avance !"


C'est là que l'évidence, dans toute son horreur, frappa la journaliste. Bien sûr, elle envisagea un instant d'aider la pauvre gamine, à peine plus jeune qu'elle, mais elle n'avait que ses poings, un sac à dos rempli de quelques bouts de matériel et son estomac vide contre les 90 kilos et l'équipement militaire de la brute avinée. Les larmes aux yeux, elle se recroquevilla dans le recoin de la porte, et vit le soldat conduire la fille vers l'arrière du magasin. Sans perdre une minute, Katja s'enfuit, courant comme si le diable était à ses trousses. Ça aurait pu être elle.


Arrivée à la maison, encore sous le choc, Katja vit la porte fracassée. A l'intérieur, l'attendait Bruno et Pavle, ces deux compagnons d'infortune. Le cuisinier avait l'air hagard, et une vilaine coupure lui barrait le front. Quant à Pavle, il ne pourrait pas courir de si tôt : on lui avait cassé la jambe. Les pillards avaient été rapides, et très efficaces : seuls la nourriture et les quelques bandages du groupe les intéressaient. Déjà, dehors, le soleil se levait et on commençait à entendre le son des combats.


C'était la guerre. Et elle avait l'air partie pour durer.



This War of Mine en quelques mots



This War of Mine, c'est un jeu indépendant qui vous met en contrôle d'un petit groupe de survivants, alors que la guerre vient d'éclater dans leur ville. C'est un curieux petit mélange des genres : de la 2D, un chouilla de plate-formes, de l'infiltration, du crafting, de la gestion, saupoudrés de quelques mécaniques de rogue-like : pas de recharge et mort permanente.


L'ambition, faire vivre au joueur ce qu'est une guerre, telle qu'il a le plus de chances de l'expérimenter : en se la prenant sur le coin de la tronche.


Pari complétement tenu en ce qui me concerne, via un storytelling de qualité, grave, mais loin d'être complétement déprimant, et un gameplay assez simple, mais autorisant de nombreuses approches. C'est le genre de jeu qui stimule vos méninges, non seulement parce qu'il demande un peu de stratégie, mais aussi parce qu'il a l'ambition de traiter d'un thème d'actualité, de manière très fouillée.


L'objectif : tenir jusqu'à la fin de la guerre, qui peut survenir n'importe quand à partir d'une vingtaine de jours. Enfin, si vous avez du bol, j'ai cru comprendre que ça tournait en général plutôt autour d'une trentaine, voire quarantaine de jours.



Ok. Et en jeu, ça ressemble à quoi ?



Son gameplay est assez simple : vous cliquez quelque part, le survivant sélectionné y va ou interagit avec le truc sélectionné. Vous cliquez deux fois, le survivant y court.


Chaque journée se décompose en deux phases : jour/nuit, qui durent chacune une dizaine de minutes.



  • Le jour, combats obligent, vous ne pouvez pas quitter votre abri. Au
    programme : repos, soin des blessés et alimentation, glandouille,
    crafting et éventuellement échanges si c'est le jour où le gus qui
    s'est improvisé colporteur du coin a décidé de venir voir ce que vous
    avez. Tout fonctionne par un système d'établis : tel établi remplit
    tel fonction ou construit tel truc. Exemple : le récupérateur d'eau
    de pluie, à condition d'y mettre un filtre, vous permet d'avoir de
    l'eau après quelques heures. Simple. Et si vous n'aimez pas regarder
    les survivants glander dans une baraque en ruine, vous pouvez passer
    directement à la fin de la journée.

  • La nuit tombée, les choses se corsent. Un des survivants aura la
    lourde tâche d'aller fouiller dans les bâtisses environnantes,
    seul moyen à terme de récupérer plus de matériel ou les ressources
    qui vous manquent. Les autres peuvent dormir ou garder le refuge,
    sachant que vous n'êtes pas à l'abri d'un raid. Là, tout peut
    arriver, en fonction de la zone que vous avez choisi d'explorer :
    bâtiment abandonné, refuge de civils, camp militaire, repaire de
    psychopathes ou de rebelles... A vous de voir ce que vous tentez :
    vous pouvez la jouer discrète, récupérer ce qui vous intéresse et
    vous barrer, attaquer tout le monde à vue, commercer, ou juste
    farfouiller un peu et vous barrer avant le lever du soleil. Et
    attention, ça peut facilement dégénérer.


A côté de ce découpage de base, la situation générale évolue avec le conflit : certaines zones deviennent inaccessibles à cause des combats ou d'un bombardement, des pillards prennent le contrôle des zones mal défendues. And of course, after a while, winter is coming.


Vos survivants, piochés parmi une vingtaine de possibilités, ont toutes les tares des humains normaux : ils ont faim, ils tombent malades, quand on leur tape dessus, ils se blessent.


Et comme si ça suffisait pas, ils ont des sentiments aussi ! C'est cool si vous avez des livres ou une guitare (et quelqu'un qui n'en joue pas comme un pied), ça permet de passer le temps et de remonter le moral de tout le monde. Ça l'est moins quand vous avez été obligé d'aller piquer de la bouffe au papi malade d'en face parce que vous creviez la dalle. Même si c'était lui ou vous, l'ambiance risque d'être assez morose pendant quelques jours au bercail.


Gérer le moral des réfugiés tout comme leur santé est donc une priorité : vous ne voudriez pas qu'un dépressif se barre avec vos dernières victuailles ou tue votre cuistot sous le coup de l'émotion.


Comme les humains normaux, ils ont tous une histoire différente et des ressentis différents par rapport aux situations : autant la journaliste aura tendance à s'émouvoir facilement devant les petits actes de gentillesse ou les saloperies ordinaires, autant l'ancien soldat n'en aura pas grand chose à foutre.


Ils ont aussi différentes caractéristiques : la journaliste négocie bien, mais est assez émotive, alors que le pompier est plutôt rapide pour fouiller les débris et peut porter plus de choses. A vous de prendre en compte forces et faiblesses de votre groupe de départ pour savoir comment vous allez vous en tirer.


Quelques points faibles :



  • Un peu répétitif si la partie dure longtemps : ça fait partie de
    l'expérience, au bout d'un moment, les ressources deviennent
    limitées. M'enfin quand même.

  • Quelques bugs : soit c'est du genre bug chiant, soit ils peuvent être
    exploités et ça gâche un peu l'expérience.

  • Certaines options qui limitent un peu l'expérience : dommage qu'on ne
    puisse avoir qu'un seul récupérateur la nuit, par exemple. J'aurais
    pas non plus craché sur un système d'XP ou des petits dialogues entre
    personnages.



A retenir




  • Ambiance ++++ : C'est la guerre, c'est sale, c'est réaliste. Sauf
    que vous n'êtes pas un soldat, et vous allez douiller.

  • Difficulté +++ : Cf. ci-dessus. A voir si c'est votre truc, les
    amateurs de challenge ne seront pas déçu.

  • Gameplay ++++ : Des mécaniques simples à prendre en main. Une grande
    variété d'approches et de possibilités.

  • Graphismes ++ : On va pas se mentir, c'est pas la pointe de ce qui
    peut se faire. Mais c'est compensé par une patte artistique solide,
    et l'ensemble est très cohérent et agréable à regarder.

  • Scénario ++++ : Pas de scénario prédéfini, mais une grande variété de
    situations qui mettront votre compas moral à rude épreuve. On
    s'attache assez vite aux personnages, surtout en pleine journée. Ça
    fourmille aussi de petits détails qui raviront l'amateur.

  • Rejouabilité ++ : Si les zones et les situations sont grosso modo les
    mêmes, il y en a beaucoup. Vous n'en aurez pas fait le tour en une
    seule partie. D'autant qu'en général, une même zone peut être dans un
    état différent d'une partie à l'autre.

Créée

le 21 déc. 2014

Critique lue 792 fois

Hamsolovski

Écrit par

Critique lue 792 fois

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