Critique publiée sur ArtZone Chronicles.


Depuis combien de temps un jeu m'a-t-il agacé comme l'a fait Titan Souls ? Depuis quand ai-je lâché le pad en me demandant comment un jeu avait pu arriver jusqu'à la sortie alors qu'il est bourré d'amateurisme et manque à ce point d'intérêt ? Je ne saurais pas répondre à ces deux questions lapidaires, mais ça fait très longtemps que l'envie d'arrêter un jeu sans le finir ne s'est pas manifestée à ce point. J'ai bien en tête le premier Assassin's Creed, lui aussi forcé pour arriver au bout dans une forme de masochisme ludique un peu idiot. Les jeux laissant indifférent sont pourtant légions, à la fois dans les productions AAA et dans la scène indépendante, mais on finit son bout de chemin sans trop se poser de questions, bien conscient de la futilité scénaristique, de la banalité du gameplay, du caractère neutre de l'objet, mais sans qu'on aille jeter la pierre sur une production en particulier, fustigeant plutôt une fainéantise généralisée qui caractérise les sorties mensuelles.


Titan Souls, c'est un petit jeu indépendant en pixel art, comme c'est souvent le cas dans cette scène, manière facile d'attirer le chaland en faisant jouer la fibre nostalgique, souvent sans que ce choix se révèle une volonté esthétique réelle et ne soit au service d'un propos créatif. Les pixels 2D nécessitent sans doute moins de ressource et sont donc un moyen facile d'allier réduction des coûts et communication. Titan Souls c'est une promesse qui n'est pas dénuée d'intérêt. Vous avez un arc, une flèche que vous pouvez ramener vers vous à distance par une forme de télépathie. Vous avez un point de vie, le moindre faux pas vous sera fatal. Les seuls adversaires que vous rencontrerez sont une vingtaine de boss dans différents environnements, chacun avec un pattern à comprendre et un point faible à identifier et à atteindre avec votre seule arme. Comme vous, ces boss n'ont qu'un point de vie, les toucher, c'est s'en débarrasser. La difficulté sera donc d'atteindre ce talon d'Achille. Une question de rythme, de répétition, d'observation, de moment à saisir pour ne pas rater son coup.


Exigeant, Titan Souls l'est assez, sa difficulté dépendant de votre skill et de votre capacité à assimiler et profiter du pattern de chaque boss. Etant assez peu doué, ce n'était pour moi pas une partie de plaisir. Mais peu importe, la frustration est un levier qui doit donner un goût de reviens-y, pousser à la répétition et titiller l'ego. Titan Souls n'y parvient pas et c'est souvent qu'on laisse tomber le combat et qu'on passe à autre chose, voire qu'on quitte le jeu. Son problème principal, c'est qu'on est face à un die and retry, qui puise sa force dans la répétition et la redite, comme l'indique son nom. La mort n'est pas une fatalité qui sanctionne et oblige à revenir à la dernière sauvegarde, mais remet immédiatement face à son échec pour le surmonter. Hotline Miami ou Super Meat Boy en sont de parfaits exemples et ce challenge que la mort n'interrompt pas explique en partie leur succès populaire et critique. Dans Titan Souls, cette chaîne de morts continues est interrompue après chacun de nos décès. un écran noir somme toute assez long (2/3 secondes inexplicables), suivi d'un retour à un checkpoint qui nous force à retourner vers l'antre du boss, cheminement qui peut prendre 15 à 20 secondes. Dit comme ça, ça semble dérisoire. Sauf que vu la vitesse à laquelle on meurt, ces secondes deviennent de longues minutes et on passe plus de temps à aller du checkpoint à la caverne qu'à affronter notre adversaire, dans une logique punitive qui n'est jamais esthétique ou porteuse de sens.


Admettons, l'exploration est donc plus longue que l'affrontement. Alors allons-y, promenons-nous dans les bois, dans la montagne, dans le volcan... Passons au petit jeu des comparaisons évidentes, de Dark Souls (auquel le jeu développé par Acid Nerve emprunte une partie du nom) à Shadow of the Colossus. Eux-aussi ont fait du combat face à un boss une forme d'absolu, le premier étant aussi exigeant que le second est poétique. Le vagabondage existait dans ces deux titres, mais dans le premier il était l'occasion de se confronter à une esthétique réelle qui plonge le joueur dans une expérience qui n'est pas faite que des combats, tandis que dans le deuxième il est l'occasion d'explorer la solitude du héros/joueur et de se remettre des horribles crimes que l'on ne cesse de commettre par amour. Dans Titan Souls, rien de tout ça, le choix du pixel art est inexpressif et ne donne pas envie de rêver dans les paysages, et rien ne récompense cette errance du joueur, que ce soit d'un point de vue narratif ou meta. Dans Titan Souls, on ne va vraiment que d'un point A à un point B sans jamais avoir l'impression que cette route monolithique ne soit autre chose qu'un rallongement de la durée de vie du jeu.


Titan Souls n'aurait peut-être jamais dépasser son statut de prototype. Présentant des filiations évidentes avec des aînés glorieux, il se contente d'être le benjamin rachitique qui n'a as beaucoup d'idées et essaie juste de profiter de l'ombre de ses grands frères. Pour s'en démarquer et, à défaut de se forger une identité, proposer une expérience qui au moins ne soit pas déplaisante, il aurait suffi de faire reprendre le joueur à l'entrée de chaque grotte, au début du combat contre le boss. Quand un si simple détail n'est pas corrigé, même après des critiques qui reviennent régulièrement sur ce point, ce n'est pas les phases de combat qui, elles, ne sont pas si mauvaises, qui peuvent sauver un jeu qui se révèle aussi vide que son univers.

Créée

le 25 mars 2016

Critique lue 549 fois

7 j'aime

Flavien M

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7

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