Les condamnés

Tomb Raider est un jeu profondément sublime, une ode au spectaculaire le plus saisissant. De par sa mise en scène des plus convaincantes et sa direction artistique véritablement bluffante, le jeu en question sait comment on en met plein la vue et en joue. Pire même, il en abuse jusqu'à plus soif, jusqu'à vous en filer des crises d'urticaire, jusqu'à vous en faire gerber des ectoplasmes explosifs à la Michael Bay.

Parce qu'en y réfléchissant, si Tomb Raider plaît vraiment, cela n'est qu'à ses débuts, lorsque la surprise est de mise : alors, on se régale, on en prend plein la gueule, jusqu'à la jouissance la plus extrême. La déception viendra juste après, lorsque l'on aura passé la troisième ou quatrième mission : toujours identique, le gameplay ne cherche jamais à sortir des sentiers battus, nous ressortant toujours la même recette certes efficace à son commencement, mais rapidement très répétitive, voire même rébarbative.

Intense mais peu novateur, Tomb Raider se sauve de justesse par sa courte durée, qui le rend suffisamment écourté pour qu'il en soit intéressant. Explosif, divertissant et particulièrement vibrant, il se perd dans un aspect survival qu'il ne maîtrise pas, le gameplay n'étant jamais en adéquation avec la manière de penser de Lara Croft : elle pleurera de tuer des gens pendant nombre de cinématiques, tandis que l'on massacrera des ennemis par dizaines la seconde d'après, avec une facilité à ce point déconcertante que même Schwazy ou Stallone feraient bien d'aller y prendre des cours. Logique.

D'une facilité déconcertante, l'oeuvre se coltine plus la personnalité d'un jeu à cinématique que d'un réel jeu d'aventure : expérience cinématographique assumée, l'on se croirait presque dans un vieil actionner des années 80-90, avec ce côté brutal qu'avaient les films de la grande époque du cinéma d'action, cette fois-ci poussé à son paroxysme. C'est dur, cru, brutal et jouissif à la fois, ne tombant jamais non plus dans un glauque profond : c'est souvent dégueulasse (surtout au niveau du charnier), mais jamais terrifiant non plus, Lara étant tellement indestructible qu'on ne craindra plus rien pour elle.

Appréciant de tomber, toutes les cinq minutes, d'une trentaine de mètres, elle ne souffre jamais de rien, si ce n'est la blessure qu'elle a eu en début de jeu, du côté des côtes de gauche. Indestructible au point d'en devenir ridicule, Lara Croft poussera nombre de gémissements et de plaintes sans que son corps ne se détruise comme il devrait : tout n'est donc qu'une question d'apparence, de faire genre qu'il se passe quelque chose de grave, alors que rien ne l'est jamais vraiment.

Une centaine d'ennemis nous attaquent? Pas grave, on mettra juste un peu plus de temps à les dézinguer. Le sol se dérobe sous les pieds de Lara? Pas grave, ce n'est que la quarante-troisième fois que cela arrive, et l'héroïne s'en sort toujours. On a des remords de tuer des gens? Pas grave, on l'aura oublié l'instant d'après. C'est du sensationnalisme prévisible à l'état brut, du spectaculaire superficiel sans grande saveur.

L'écriture manque donc de sérieux et d'application, fait prouvé par le scénario monstrueusement bordélique, purement grotesque. Encore plus what the fuck que n'importe quel récit pulp des années 40, le script tombe très vite dans un ratage complet, ratant et l'écriture de ses personnages et les twists que l'on prévoit dès les 15 premières minutes de jeu, en plus de la trame incompréhensible et mal expliquée d'une histoire sans queue ni tête.

Tristement décevant, Tomb Raider divertit suffisamment pour ne pas se ramasser de note réellement mauvaise, ses efforts de mise en scène et de direction artistique lui permettant de nous en mettre plein la vue, impression affirmée par un level design des plus talentueux et des graphismes somptueux. Seulement, l'écriture viendra bouleverser l'expérience en même temps que la répétitivité démoniaque du gameplay, et le manque de crédibilité des évènements qui s'y déroulent achèveront de décevoir un spectateur qui venait pour autre chose que du divertissement stupide. Un jeu pop-corn correct, mais un bien mauvais Lara Croft.