Transistor
7.2
Transistor

Jeu de Supergiant Games (2014PC)

En 2011, Supergiant Games, un nouveau studio indé fondé entre autres par d'anciens de la série Command and Conquer, avait surpris son monde en dévoilant son premier jeu : Bastion. "Surpris", car sorti de nulle part mais avec sa patte graphique unique, le jeu avait attiré l'attention, et ses autres qualités, notamment côté musique et histoire en ont fait un succès qui ont permis au studio de sortir son second jeu : Transistor.

Comme avec Bastion, la première chose qui frappe quand on voit Transistor tourner, c'est la patte artistique. Le jeu est sublime, le parti pris graphique est une nouvelle fois unique en son genre et ne peut laisser insensible. Même chose pour la bande-son. Pour faire court, c'est magnifique et on se doutait que Supergiant Games et Darren Korb ne décevraient pas sur ce point.

Résumons la situation de départ sans spoil. On démarre l'histoire aux commandes de Red. Chanteuse célèbre de la ville de Cloudbank, celle-ci est désormais muette, et on la voit s'agenouiller devant un homme transpercé par une gigantesque épée. Son corps est sans vie, mais sa conscience a apparemment été transférée à l'intérieur de l'arme, le Transistor éponyme, et il sera la voix familière qui nous tiendra compagnie tout au long de l'aventure. Familière car le concept comme l'acteur (l'exceptionnel Logan Cunningham) sont repris de Bastion, mais dans un registre totalement différent, rassurez-vous, Supergiant n'a pas cédé à la facilité.
On évolue donc dans Cloudbank, une ville en recherche de perfection. Des terminaux disséminés dans la ville y diffusaient des nouvelles, ou permettaient à la population de prendre part à des votes aussi surprenants que "Quelle couleur doit avoir le ciel au moment du coucher de soleil ce soir ? a) Turquoise, b) Rouge orangé, c) Bleu profond".
Mais les rouages derrière ce monde parfait, contrôlés par la Camerata, mystérieuse organisation, semblent avoir un problème. Le monde est en train d'être détruit par une invasion de robots, les Process. Et chose étrange, la Camerata semble être non seulement derrière tout ceci, mais aussi derrière la mort de l'homme enfermé dans le Transistor, la disparition de la voix de Red ... voilà qui est amplement suffisant pour que celle-ci s'attelle au mystère.

A l'instar du design du jeu, notre duo de personnages est haut en couleurs. Red impose sa présence malgré son mutisme, et leurs interactions sont pleines de sensibilité. Par exemple lorsqu'elle détourne la fonction commentaire des terminaux pour communiquer avec le "narrateur". L'histoire touchante se pose comme un autre point fort du jeu et pousse à toujours avancer pour en découvrir le dénouement.
Les choses sont très peu racontées. Il faudra fouiller, s'intéresser, lire les textes, les terminaux, pour rassembler les pièces du puzzle. C'est une des caractéristiques du jeu, celui-ci laisse de la place à l'interprétation et l'imagination. Un jeu n'a pas forcément besoin de ça pour être bon, mais quand c'est bien fait et que le jeu laisse pensif une fois les crédits terminés, qu'il fait réfléchir à des moments qui prennent tout leur sens lorsqu'on les assemble, c'est un côté agréable, et rare dans le jeu vidéo.

Venons en au gameplay, puisque les combats représentent une partie non négligeable de l'aventure. Je précise d'emblée que ce test ayant été réalisé sur PC et la maniabilité manette ayant été validée par d'autres, j'ai opté pour le clavier/souris, et que c'est également totalement viable, notamment pour la précision dans les combats. Quel que soit votre choix de périphérique, il sera bon.

On se déplace de manière tout à fait standard. Pas d'open world ici, on alterne couloirs et arènes, avec parfois quelques rares embranchements. Une fois en combat, les arènes se ferment et il faudra détruire tous les monstres présents avant que les limites disparaissent. Pour ce faire, on aura tout un panel de pouvoirs à notre disposition, qu'on pourra organiser de dizaines de manières différentes. En effet, chacun a plusieurs utilités : un effet actif si on l'équipe dans sa barre de 4 sorts, un effet si on le place dans un slot d'amélioration pour l'un des 4 pouvoirs choisis, et un effet passif si on l'équipe dans l'emplacement adéquat. Entre les sorts de dégats, de vol de vie, de diminution de résistance, de charmes des ennemis, et j'en passe, le système se révèle vite d'une richesse folle et les possibilités sont innombrables. Tout ceci se sélectionne dans un menu universellement reconnu comme magnifique mais anti ergonomique au possible et requiérant 4 clics là où il n'en faudrait qu'un, mais après quelques heures on s'y fait et on crée son template de pouvoirs en quelques secondes.

De plus, le jeu nous force intelligemment à expérimenter. D'abord par la "pièce secrète", à laquelle on accède en s'échappant de ce monde vide et mourant par une porte dérobée, et qui nous conduit dans ce lieu réconfortant, dont l'apparence n'aurait pu être mieux choisie que ce décor de plage. Dans celle-ci, on peut accéder à des défis qui nous mettent aux prises avec des monstres, nous armant d'un ensemble de compétences prédéfini, et nous font découvrir des synergies parfois insoupçonnées entre les sorts.
Mais il nous force aussi à expérimenter par la perte de pouvoirs à chaque mort. En effet, chaque fois que la barre de vie tombe à zéro, le pouvoir le plus coûteux disparaîtra, nous forçant à nous débrouiller avec trois, puis deux, puis un sort. Ceux-ci ne pourront être réactivés qu'après les deux prochains checkpoints, nous obligeant à tester d'autres pouvoirs qu'on n'aurait pas forcément envisagé, dans le confort de son template défini.
Ces sorts, on les utilisera dans des combats temps réel, mais où l'on pourra (et devra) mettre le temps en pause, avec la fonction Turn(). Une jauge apparaît alors, et limite les sorts mais aussi les déplacements que l'on peut cumuler, et lorsqu'on réactivera le temps, Red déclenchera en une fraction de seconde ses combos mortels avant de zig zaguer entre les ennemis en attendant que la jauge se recharge. L'UI affiche les dégats prévus afin d'optimiser ses actions, bien qu'un recul trop important sur le monstre puisse surprendre et empêcher un second sort de toucher, par exemple. La courbe d'apprentissage est donc bien présente, et la difficulté aussi avec les limiteurs, bonus d'xp cumulables mais provoquant chacun un bonus pour l'ennemi ou un malus pour le joueur et corsant sérieusement le challenge.

Pour conclure, alors qu'on attendait surtout Transistor sur le design et le scénario, on se retrouve face à un système profond, brillant, gratifiant, qui tient plus de la partie d'échecs que du hack n slash frénétique, et qui se conclut en apothéose par un combat final jouissif, tant on a fini par arriver à une certaine maitrise dans les dizaines ou centaines de combinaisons possibles. Un modèle du genre.

Supergiant Games a le sens du détail. Le jeu fourmille de mille trouvailles, comme cette touche qui déclenche la voix de Red, fredonnant en accompagnement de la musique du jeu. Mais il aurait à la fois, paradoxalement, pu être un peu plus varié. Notamment au niveau des créatures rencontrées, pour diversifier ces combats géniaux. Et particulièrement le dernier type d'ennemi, bien retors, dont les variations tiennent à peine à quelques couleurs et sentent le fait à la va vite. J'ai adoré le jeu, c'est un fait, mais il laisse comme un goût diffus d'inachevé. Le monde est vide, également, pour les besoins de l'histoire bien sûr, mais on aurait pu voir quelques séquences en flashback, à l'époque ou la vie grouillait, ou trouver quelque chose pour que l'illusion d'un vrai monde soit plus présente et masque un peu les couloirs/arènes.
L'expérience est condensée, intense. Six heures environ pour ma part, court pour certains, parfait pour d'autres surtout avec un système de "new game plus", le mode Récursion, avec des ennemis encore plus retors, dans lequel beaucoup se lanceront pour goûter encore des combats et des quelques variations dans les dialogues du duo. A 20$ (moins de 15€) sur le site des développeurs, l'addition reste tout à fait raisonnable.

En conclusion, non, Transistor n'a pas atteint la perfection, à l'instar de Cloudbank. Mais il fait partie de ces expériences fortes qui en laisseront de marbre et emporteront les autres dans un torrent d'amour pour Supergiant Games, dans l'attente de leur prochain jeu, qui a, du coup, de la marge pour faire encore mieux. Et ça fait rêver.
Calaius
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs jeux vidéo de 2014, Les meilleurs jeux sur Nintendo Switch et Les meilleures musiques de jeux vidéo

Créée

le 27 mai 2014

Critique lue 1.3K fois

6 j'aime

1 commentaire

Calaius

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

6
1

D'autres avis sur Transistor

Transistor
DocElincia
8

Dilemme millénaire

Cloudbank est un simulacre de société. Ville fluorescente futuriste hyperconnectée qui s’adapte au bon désir de sa population (la météo du jour est dictée par un sondage public), elle est l’effigie...

le 4 juin 2014

25 j'aime

5

Transistor
Prodigy
4

Critique de Transistor par Prodigy

Sorti voilà déjà 4 ans, Bastion était un jeu éminemment sympathique, déjà porté par une DA splendide, dont le concept de voix off ne m'avait pas totalement convaincu, mais qui possédait au moins des...

le 5 févr. 2015

24 j'aime

Transistor
ArianeDC
9

« I can hear... »

Un véritable coup de cœur ! Un peu plus mature et sexy que Bastion, Transistor nous offre une bande son sublimée par une voix délicieuse. Dans un monde de science-fiction aux couleurs chatoyantes,...

le 2 août 2014

21 j'aime

3

Du même critique

Game of Thrones
Calaius
9

Winter is coming.

Enfin, après des mois d'attente, la série sur le Trône de Fer débarque enfin. Dès les premières images du pilote, la série donne le ton : le livre dont elle est tirée est respecté, dans les limites...

le 20 avr. 2011

61 j'aime

28

Banished
Calaius
7

Critique de Banished par Calaius

Si la scène indé du jeu vidéo regorge de jeux de plateforme ou de puzzle games, il est plus rare d'y trouver des city builders. Et pourtant, Banished a été développé par Shining Rock Software, un...

le 24 févr. 2014

35 j'aime

SimCity
Calaius
6

Critique de SimCity par Calaius

Le moins qu'on puisse dire, c'est que SimCity ne laisse pas indifférent. Dès son annonce, EA promettait des graphismes chatoyants et beaucoup de nouveautés dans le gameplay. Etant donné qu'on n'avait...

le 15 mars 2013

25 j'aime

3